Le Besoin de danser
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Description

Bals populaires, danses orientales ou africaines, rave parties : depuis quelques années, nos contemporains semblent redécouvrir le plaisir de danser. Le phénomène est massif, populaire, anonyme. Héritées de la tradition ou bien transculturelles, ces " nouvelles danses " s’inventent ou se pratiquent dans les banlieues, les rues, les boîtes de nuit, loin de l’univers des danseurs professionnels. Pourquoi ce besoin de danser ? Est-ce une simple recherche de liberté, de griserie, de fête et, parfois, de transgression ? Ne faut-il pas y voir plutôt un retour à des formes primitives, la manifestation d’un désir de transe ? Et aussi l’expression d’une utopie, celle d’une société planétaire, organiquement fraternelle et festive ?Psychanalyste et danse-thérapeute, France Schott-Billmann enseigne l’art-thérapie à l’université de Paris-V.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2001
Nombre de lectures 6
EAN13 9782738168276
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB, NOVEMBRE  2000 15, RUE SOUFFLOT, 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6827-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Mathieu et Billy, mes petits-fils, qui ont nourri de leurs expériences jubilatoires la réflexion de ce livre. À la joyeuse tribu des danseurs qui, en France d’abord, m’a accordé sa confiance pour s’initier à la puissance du rythme.
INTRODUCTION
L’esprit de la danse

Ce n’est qu’en dansant que je sais lire le symbole des plus hautes choses.
F. N IETZSCHE

Une des manifestations les plus marquantes de notre époque post-moderne dans le domaine de l’art est sans nul doute le développement de la danse : parallèlement au regain, depuis le dernier quart du XX e  siècle, de la pratique traditionnelle dans les bals folk, nous assistons au succès planétaire d’un rythme cherché par les danseurs amateurs dans des musiques à forte pulsation : jazz, rock, musiques tribales marquées par un rythme répétitif et une sonorité forte, poussée au maximum dans les musiques électroniques de type techno. Cette pulsation réveille dans le corps une énergie et un savoir danser oubliés.
Aujourd’hui, les danses d’amateurs se pratiquent sous de multiples formes, de la danse traditionnelle européenne à la danse africaine et disco. Elles débordent le domaine du monde occidental industrialisé, déferlent dans l’ensemble des sociétés urbaines des quatre continents ; jusqu’en Iran ou en Chine, où cassettes et CD se diffusent, ouvertement ou sous le manteau, auprès des plus jeunes. Elles peuvent se charger éventuellement d’un message politique ou social, exprimer une transgression comme dans les fêtes techno nommées rave-parties, ou porter de façon explicite, comme dans le hip-hop, une révolte sociale ou politique, la revendication des jeunes et celle des pauvres. Mais, au-delà des paroles, souvent absentes dans la musique électronique, les danseurs semblent chercher à capter un message en s’identifiant corporellement à la pulsation, jusqu’à la transe.
Est-ce à croire que les centaines de milliers, les millions de jeunes se donnant à ces musiques dans la danse n’ont plus rien à dire, à exprimer, à proposer, voire à espé-rer, qu’ils se « shootent » à la musique et à la danse ?
Ce qui se produit est en réalité plus déroutant. Les jeunes ne s’expriment guère par la parole, écrite ou proférée. Ils font, en revanche, entendre dans la musique un vacarme rythmique assourdissant qui crie ce que la parole ne dit pas. Ils redonnent à comprendre ce dont nous avons désappris le sens : les messages non verbaux qui autrefois reliaient les générations.
Cette constatation vise en particulier les sociétés de l’Europe elle-même, car la rupture avec le lien traditionnel est bien sûr moins consommée en Afrique ou en Asie. Pourtant, les sociétés de l’Europe occidentale, on l’oublie trop souvent, ont accordé jusqu’à la fin du Moyen Âge une importance première aux danses populaires d’origine paysanne : non seulement lors des nombreuses fêtes et des carnavals qui rythmaient les années, mais aussi à l’occasion des cérémonies liturgiques, fêtes patronales, etc. Ce n’est qu’à partir du XVI e  siècle que les pouvoirs politiques et culturels sont entrés en guerre contre les cultures paysannes, où les femmes jouaient un rôle considérable. Sous couvert de chasse aux sorcières et aux vestiges du paganisme, les tribunaux ecclésiastiques, relayés à partir du XIX e  siècle par les pouvoirs bourgeois, ont éradiqué progressivement les éléments les plus vitaux des cultures occidentales, ne gardant que des formes devenues inoffensives sous forme de « folklore ». Une culture officielle a été mise en place, proposant des formes classiques de musique et de danse, formes très construites, mais évacuant la force viscérale du rythme des ancêtres.
Les conséquences de cette coupure sur la conformation psychologique et culturelle des Occidentaux sont incalculables. Des artistes, des courants de pensée marqués par l’ethnologie, par la psychanalyse, ont tenté de faire valoir une autre vision du monde, qui réhabilite un système de perception oublié, où l’homme participe du groupe, est partenaire de son environnement et solidaire de l’autre. Les chapitres qui suivent voudraient souligner ce désir profond de retour aux origines vitales des cultures manifestées par les nouvelles formes artistiques qui ont pris acte de leur convergence avec celles des « primitifs », en montrant combien elles convergent avec la psychanalyse et l’histoire culturelle notamment.
CHAPITRE PREMIER
Le renouveau de la danse

Musique et danse sont sans doute les seuls arts qui réussissent à atteindre les masses. Aujourd’hui, ils participent d’un mouvement mondial où hommes et femmes, jeunes et moins jeune, revisitent une pratique immémo-riale : celle de la danse populaire. Ce concept mal défini qui désigne souvent les danses folkloriques et/ou traditionnelles peut s’appliquer à l’ensemble des danses issues du peuple. Il les crée et les pratique spontanément. Elles lui appartiennent. Elles sont la manifestation de l’esprit populaire, impossible à enfermer dans des formes académiques 1 .
Les danses populaires actuelles s’inspirent de musiques 2 et de formes bien définies avec lesquelles elles entretiennent un rapport étroit. Nées d’une création anonyme, non écrites, elles se transmettent par imprégnation et s’opposent aux danses savantes qui marquent le « bon goût » et l’appartenance aux classes supérieures, comme le fait l’art populaire par rapport à l’art officiel. Leur fonction première et principale est la création et l’entretien d’un lien social. Elles ne sont pas spectaculaires, et ainsi s’opposent aussi aux danses de scène. Danses de divertissement, elles requièrent la participation du public. Après être restées longtemps l’expression des classes rurales, elles ont investi le bal citadin et les danses de société (des petites danses du bal de la cour à la java d’aujourd’hui). Elles s’adressent à tous et appellent irrésistiblement le corps à traduire la musique en mouvement 3 .
Le renouveau de cette forme de danse participative témoigne du besoin de lien social, de fête, d’un désir de la société de se « guérir » et de se trouver un sens. Il semble préfigurer une nouvelle vision du monde, pas encore clairement formulée, mais qui porte déjà un autre rapport au corps et à l’autre.

Le bonheur de danser
Les danses pratiquées aujourd’hui sont très diverses, comme si le corps était prêt à tout accueillir, de la danse orientale à la salsa latino, des danses traditionnelles régionales codifiées aux danses multiformes du monde disco. Les musiques sont pour la plupart rythmées et énergiques. Elles engagent le danseur dans une expérience corporelle et relationnelle, intense et jubilatoire, qui dépasse largement le cadre d’un divertissement.

L’ OUVERTURE À   L ’ ALTÉRITÉ
Ces danses ne sont pas d’abord centrées sur soi. Elles sont reliées à l’extérieur, à l’altérité et c’est du dehors que le danseur reçoit l’appel de la musique et de la danse dont il capte, « avale 4  », les formes : la culture dite orale se trans-met directement par le corps sans passer par un système d’écriture.
La voix de la musique n’entre pas dans le corps que par les oreilles. La peau et les organes internes contiennent des récepteurs sensibles à ses vibrations. Cela explique que même les sourds l’« entendent », ils captent même particulièrement bien les basses des tambours et de la pulsation électronique.
Le corps répond immédiatement à cet appel. Chacun de nous en a fait l’expérience : entendre une musique met le corps en mouvement ; oscillations du pied, de la tête, balancements du corps, mouvements rythmés sont autant de manifestations de la présence en nous d’une instance silencieuse et énigmatique qui s’est trouvée éveillée par l’appel sonore et y répond par un élan musculairement perceptible, ébauches motrices qu’il suffit d’amplifier pour en faire de la danse.
Si, dans la culture populaire, musique et danse sont comme deux sœurs jumelles, si le corps épouse la musique qui l’entraîne à danser, c’est parce qu’elle danse elle-même et entre en résonance avec des structures corporelles qui ne demandent qu’à entrer en mouvement. La reconnaissance de l’affinité entre les structures des danses populaires et celles du corps humain est révélée au danseur par l’immédiateté de son adhésion. Lorsqu’il rencontre ces danses, il fait l’expérience, souvent bouleversante, que son corps y entre tout seul. Il comprend qu’il savait danser sans savoir qu’il savait ni comment il sait.
De même que la musique ne passe pas que par l’oreille, le geste ne concerne pas seulement l’œil. Il déclenche dans le corps du spectateur une empathie musculaire, une identification avec le danseur. Il éveille un monde de sensations kinesthésiques et cœnesthésiques 5 faisant naître une sorte de danse interne invisible qui le prépare à recueillir, reproduire, imiter le mouvement reçu. Le terme « imitation », qui lui est souvent appliqué, rend mal compte du caractère spontané de ce mouvement de captation de l’autre qui, loin d’être un mécanisme contrôlé, réfléchi, pesé, est si naturel à l’homme qu’Aristote définissait ce dernier comme « le plus mimeur des animaux ».
Le danseur qui répète l’autre en l’imitant se dé-centre de lui-même, s’allège de soi 6 . Cela fai

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