LE Long parcours d'une grande gueule , livre ebook
79
pages
Français
Ebooks
2016
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PATRICK BEAUDUIN
Guy Saint-Jean diteur
3440, boul. Industriel
Laval (Qu bec) Canada H7L 4R9
450 663-1777
info@saint-jeanediteur.com
www.saint-jeanediteur.com
Donn es de catalogage avant publication disponibles Biblioth que et Archives nationales du Qu bec et Biblioth que et Archives Canada
Nous reconnaissons l aide financi re du gouvernement du Canada par l entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ainsi que celle de la SODEC pour nos activit s d dition.
Gouvernement du Qu bec - Programme de cr dit d imp t pour l dition de livres - Gestion SODEC
Guy Saint-Jean diteur inc., 2016
R vision: Lyne Roy
Correction d preuves: milie Leclerc
Conception graphique: Rod o Atelier cr atif
Photo de la page couverture: Jean Vachon
D p t l gal - Biblioth que et Archives nationales du Qu bec, Biblioth que et Archives Canada, 2016
ISBN: 978-2-89758-082-7
ISBN ePub: 978-2-89758-083-4
ISBN PDF: 978-2-89758-084-1
Tous droits de traduction et d adaptation r serv s. Toute reproduction d un extrait de ce livre, par quelque proc d que ce soit, est strictement interdite sans l autorisation crite de l diteur. Toute reproduction ou exploitation d un extrait du fichier E-Pub ou PDF de ce livre autre qu un t l chargement l gal constitue une infraction au droit d auteur et est passible de poursuites p nales ou civiles pouvant entra ner des p nalit s ou le paiement de dommages et int r ts.
Imprim et reli au Canada
1 re impression, mars 2016
Guy Saint-Jean diteur est membre de
l Association nationale des diteurs de livres (ANEL).
TABLE DES MATI RES
PR FACE
CHAPITRE 1
Tintin au Congo: l apprentissage de l abus de pouvoir
CHAPITRE 2
Un rouquin au pensionnat: je pue donc je suis
CHAPITRE 3
Le ridicule pouvoir de ne rien voir
CHAPITRE 4
La travers e d un d sert: la premi re r v lation
CHAPITRE 5
Les podiums publicitaires: l aveuglement du succ s
CHAPITRE 6
Le Qu bec dans le mur
CHAPITRE 7
On prend le m me et on recommence
CHAPITRE 8
Sur le chemin de l humus
CHAPITRE 9
Posture d imposteur
CHAPITRE 10
L preuve du feu
CHAPITRE 11
Il est bien tard, mais pas si tard
PR FACE
J aime couter la radio lorsque je suis en voiture. Si j ai de la chance, le divertissement devient d couverte et apprentissage. Parfois m me merveillement. Il y a quelques ann es, alors que je roulais sur l autoroute 20, j ai subi un choc dont je ne me suis jamais vraiment remis. Une voix grave et forte avait capt mon attention. Elle portait une parole neuve, clairante et empreinte d une grande intelligence. Elle parlait - je m en souviens comme si c tait hier - de l image en "haute d finition et de l impact que ce genre d image avait sur nos vies, de cette exigence de perfection que nous prouvions, d sormais, propos de tout et de rien. Cette voix nous conduisait bien au-del de la surface et des apparences; elle effectuait un v ritable tour de force car, en l espace de quelques instants, elle nous donnait acc s la profondeur. Avec une habilet p dagogique qui tient la fois du don et du v cu, elle offrait un regard fin sur ces nouvelles r alit s qui nous fa onnent. Oui, soudainement, sur l autoroute 20, je d couvrais, j apprenais et je m merveillais. L mission, Indicatif pr sent , tait anim e par Marie-France Bazzo, et son invit s appelait Patrick Beauduin. J tais loin de me douter que cet homme deviendrait un grand ami et qu il se qualifierait un jour de "grande gueule . J tais loin de me douter que cette voix forte pouvait aussi servir d armure.
La premi re fois que j ai rencontr Patrick, j ai t intimid . Sa voix demeurait impressionnante de confiance, et ses propos, admirables de lucidit , d audace et d intelligence. S ajoutait cet ensemble un bagage de connaissances et d exp riences qu on ne rencontre que rarement au cours d une vie. J tais intimid , je dis. De quoi ne pas oser prendre la parole par crainte de dire des b tises ou de ne rien dire d int ressant. La peur pu rile de n tre pas la hauteur, d tre jug , voire rejet , par quelqu un dont on voudrait se rapprocher: les pirouettes de l ego son meilleur!
Puis, peu peu, cette peur s est dissoute; j ai connu l homme et sa qu te. La grande gueule a cess de m intimider, j ai appris aimer l homme qu elle cachait.
Il est toujours possible d apprivoiser soi-m me sa peur du rejet ou de l indiff rence, mais il arrive que l autre la fasse fondre pour soi, sans qu on ait rien eu dire ou faire. J ai eu le privil ge d assister la m tamorphose de la "grande gueule . Rien voir avec l image vieillotte du papillon qui quitte l enveloppe; c tait plut t une chrysalide qui donne acc s l int rieur de l enveloppe - pendant que la m tamorphose s op re. Par des gestes, des mots et des regards, Patrick contredisait cette id e re ue: " partir d un certain ge, on ne change plus. Il passait de la parole forte l coute forte; de l armure la nudit - celle du c ur, de l me. Il quittait le besoin de dominer pour entrer dans celui de servir.
Ce livre raconte cette courageuse transformation. Au fil d une criture somptueuse et lumineuse, nous suivons le parcours passionnant d un homme qui s veille ce qu il est v ritablement et qui, plut t que d utiliser sa grande gueule comme une arme protectrice, s en fait un outil qui contribue nourrir et relier.
Ce r cit s adresse des leaders, bien s r, mais il rejoindra ceux et celles qui croient encore qu on peut, partir de ses blessures, aller vers la bienveillance et la compassion. Il inspirera aussi ceux et celles qui d sirent b tir un monde meilleur, o le bien commun guide les cheminements et sert de trame aux r ves.
Merci Patrick!
Serge Marquis
CHAPITRE 1
C tait il y a longtemps.
Un autre si cle, un autre temps. C tait au temps des colonies belges.
Depuis 1908, la Belgique avait annex l tat ind pendant du Congo apr s l avoir re u par testament de son roi d funt, L opold II. Immense territoire riche de tous les minerais, de toutes les mati res premi res, ce Congo belge tait, au lendemain de la Deuxi me Guerre mondiale, une terre d accueil bien attirante pour les jeunes Belges en qu te de travail, d une nouvelle vie. Pour un jeune couple, la colonie tait une sorte d eldorado o il ferait bon fonder confortablement une famille loin des cendres d une Belgique puis e.
Mes parents avaient choisi le Congo pour fuir un autre mariage arrang par mes grands-parents maternels - eh oui d j - et pour ne rien arranger du tout, je baignais dans le ventre de ma m re en attendant de d barquer L opoldville 1 , o il tait pr vu que je pousse mon premier cri de futur leader.
J ai d trouver a tr s chaud de na tre dans un tel climat, ou peut- tre pas: 36 degr s l ombre comme f tus, a ressemblait pas mal l automne congolais que je d couvrais en ce mois de mars 1953. Aussi humide, aussi chaud, aussi collant.
Les premi res ann es de cette vie de fils de colons sont dans ma m moire comme une succession de petites photos jaunies aux bordures dentel es plus ou moins naturelles, plus ou moins nettes. Et si ces images ont r ussi traverser les ann es avec assez d insistance, c est sans doute pour m aider aujourd hui revivre ces premiers pas qui ont construit ce que je suis devenu: une grande gueule.
l poque, la vie des colons tait bien confortable. Et pourtant, mes parents n taient ni planteurs, ni exploitants de mines, ni propri taires d une quelconque entreprise d import-export. Ils taient juste de petits employ s. Papa vendait des camions GMC dans une concession, il avait toujours aim les camions. Maman tait secr taire l ambassade am ricaine, une ann e Cambridge et une bonne dose de st no lui avaient suffi pour d crocher le boulot. C tait le temps o les messieurs portaient des pantalons pinces et les dames, des robes aux imprim s fleurs.
Cela dit, leur statut de petits colons ne les emp chait pas d avoir la maison cinq personnes leur service: un cuisinier qui connaissait l art de la moambe - d licieux plat traditionnel qui go te les pinards - ou des bananes plantain, un jardinier qui veillait ce que les rats du fleuve Congo ne viennent pas tout ravager, un blanchisseur (eh oui! on l appelait ainsi) qui s occupait de la lessive et du repassage longueur de journ e (les couches l poque taient encore en tissu), un chauffeur et ma Mama.
Nourrice adorable, Mama, cette sorte d infirmi re toute de blanc v tue, accompagnait mon quotidien, que ce soit pour mes courses en jeep p dales autour de la maison, mes incessantes visites au zoo de la ville ou ma d couverte des albums de Tintin avec leur l gendaire dos de tissu rouge.
Je disais "ma Mama parce que oui, elle m appartenait: c est moi qui d cidais, c est moi qui voulais aller ici ou l et "ma Mama devait s arranger pour que cela se fasse en toute s curit . Ainsi, je serais un enfant heureux et mes parents auraient la paix. Dr le d apprentissage qu tre fils de colons en ces ann es 50.
En fait, colon, c tait d j tre chef, peu importe l ge, le sexe. Pourvu que ma peau soit blanche, j avais le droit de commander, le pouvoir de r ler et presque la l gitimit de punir. Du haut de mes trois ans, j avais d j le droit de menacer, sinon de d noncer.
Qu en ai-je fait en ces temps lointains? En ai-je tant abus ? Ai-je fait souffrir ma bien-aim e Mama? La m moire est tra tresse et, plus d un demi-si cle plus tard, je ne peux r pondre avec pr cision.
Ce qui est certain, c est que ce pouvoir de graine de colon, je l ai absorb mon insu, comme une perverse infusion, un doux poison que j appellerais aujourd hui, avec le recul, l arrogance des nantis .
On sous-estime souvent l influence de nos premiers