Sortir de l hétérosexualité
75 pages
Français

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Sortir de l'hétérosexualité , livre ebook

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Description

Et si nous étions des personnes plutôt que des femmes ou des hommes ?Notre société trie les enfants à la naissance en fonction de leurs organes génitaux et en déduit leur rôle : homme ou femme, dominant ou dominée. Mais la société ne s’arrête pas à cette différenciation arbitraire. Vient ensuite la mise en relation obligatoire : chaque dominée devra vivre en couple avec un dominant. Le tout, paraît-il, pour assurer la reproduction, donc la survie de l’espèce. Mais dans ce cas, pourquoi être obligé·e de vivre en couple, toute sa vie ? Se reproduire ne prend pas autant de temps… Bien plus qu’une préférence amoureuse ou une nature, l’hétérosexualité n’est-elle pas une contrainte sexiste ?Sortir de l’hétérosexualité est un manifeste pour une société égalitaire qui produit des personnes plutôt que des hommes et des femmes. Pour une société qui repense la manière de faire communauté, d’habiter, d’aimer, de baiser sans sexisme.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 septembre 2021
Nombre de lectures 5
EAN13 9782491260040
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














© Binge Audio Éditions, 2021
Édition : Karine Lanini
Correction : Laure Bourgeaux et Sophie Hofnung
Conception graphique et maquette : Studio Blick

Binge Audio Éditions,
6, villa Marcel Lods, 75019 Paris,
www.binge.audio
ISBN : 978-2-4912-6004-0
Titre



Juliet Drouar



Sortir de l’hétérosexualité
La Collection sur la table est une collection dirigée par Victoire Tuaillon.
Dédicace





À la bande de l’apéro-testo & co : Nyfa, Nono, Celio, Coach, Evalounix et Allezardo
« Je ne m’identifie ni comme homme ni comme femme, et maintenant que la personne que j’aime est en train de faire sa transition, il s’avère que je ne suis ni hétéro ni homo. »
Kate Bornstein 1





Pas d’hommes, pas de femmes : pas d’hétérosexualité. Pas de sexisme.
Et :
Pas d’hétérosexualité : pas d’hommes, pas de femmes. Pas de sexisme.
Voilà, j’aurais pu m’arrêter là pour ce livre. C’est synthé-tique, c’est simple, c’est clair. D’ailleurs ce livre n’est qu’une explication et un développement de ces quelques phrases. Ce livre traite simplement de l’éléphant au milieu de la pièce. Quelque chose qui est si énorme, qui prend tellement toute la place qu’on n’arrive pas à le voir.


1 « I identify as neither male nor female, and now that my lover is going through his gender change, it turns out I’m neither straight or gay. » Kate Bornstein, Gender Outlaw. On Men, Women and the Rest of Us , Routledge, 1994.
C’est quoi le problème (avec l’hétérosexualité) ?
Considérons cette première partie comme un échauffement, une ouverture du casque, un étirement des synapses et du corps, pour comprendre de quoi on parle, et de quoi on ne parle pas. Histoire d’éviter tout malentendu.
Démonstration par l’absurde
Si un·e voyageureuse débarquait dans notre société, sans rien connaître du tout de notre organisation sociale, un dialogue étonnant pourrait avoir lieu.
Voyageureuse : J’étais à ce que vous appelez « la boulangerie » ce matin, il y avait une dizaine d’humains. J’ai demandé du pain, et là, j’ai rien compris à ce qui s’est passé. Une personne m’a tendu une baguette en disant : « Tenez monsieur. » Et une autre s’est énervée en disant : « Mais non, c’est une dame. » Tout le monde a eu l’air très stressé, moi-même j’ai commencé à avoir des sueurs froides. Est-ce que « monsieur » ou « dame », c’est une forme de titre, ou de grade ? Je me suis un peu rencardé·e avant de venir, j’ai vu que vous aviez des titres genre « ducs » ou « rois »… Du coup, là, c’est la même chose ?
L’autre : Ah oui, c’est malheureux. Vous avez eu un coup de chaud. Ça arrive quand on découvre pour la première fois qu’on a un sexe.
Voyageureuse : Vous voulez dire des organes génitaux ? Tout le monde n’en a pas ?
L’autre : Si si, mais… euh... il y a différentes formes, quoi.
Voyageureuse : Et ça sert à acheter du pain ?
L’autre : Non, non, bien sûr.
Voyageureuse : Je comprends rien.
L’autre : Honnêtement, moi non plus.
Voyageureuse : Admettons. Mais du coup, on était toustes habillé·es, là, donc comment on fait pour savoir qui a quoi ?
L’autre : Ah, euh... Bon, il y a des codes. En gros, chaque humain enfile une espèce de panoplie : une coupe de cheveux, des bijoux, des parfums, des mimiques, des attitudes, des tons de voix plus aigus ou plus graves, pour donner des indices sur ce qu’iel a dans la culotte. Et comme vous n’êtes pas entraîné·e, ben, forcément, pour les autres, c’était pas clair en ce qui vous concerne.
Voyageureuse : Mais j’ai pas envie qu’on pense à ma nudité quand j’achète du pain !
L’autre : Ah oui, ça c’est sûr, c’est un peu intrusif. Mais, euh… vous avez quoi dans la culotte du coup ?
Voyageureuse : Mais je vous emmerde !
L’autre : Désolé, c’est que, contrairement à vous, je n’arrive pas à percevoir l’autre en tant que personne, faut vraiment que je vous classe selon votre sexe d’abord.
Voyageureuse : Ça va vraiment pas bien chez vous ! Soit, procédons : j’ai un gland, un prépuce, une tige…
[L’autre l’interrompt]
L’autre : Ah ! La tige ! Quelle longueur ?
Voyageureuse : 15 centimètres…
L’autre : C’est un pénis, vous êtes un homme !
Voyageureuse : 15 centimètres… 11 centimètres internes et 4 externes.
L’autre : C’est un clitoris, vous êtes une femme ! Bon, 4 centimètres externes, c’est un peu trop quand même. On vous aurait mutilé·e à la naissance si vous étiez né·e ici. Vous comprenez, faut que ce soit clair, la longueur externe.
Voyageureuse : Mettons que je sois une femme, vous m’aiderez à me faire repérer en tant que telle ?
L’autre : Oui, oui, je vous ferai un training accéléré. Vous pouvez commencer par regarder beaucoup de films, ou même, en fait, toutes les images qui vous entourent. Vous verrez, il y a tout le temps les mots « homme » et « femme » sur les pancartes, avec les symboles adéquats.
Voyageureuse : Ça s’appelle pas « propagande » ? J’ai vu ça quand je me suis éduqué·e sur vos idéologies politiques.
[Raclement de gorge]
L’autre : Bref, ce qu’il faut que vous reteniez, c’est que quand vous êtes une femme, il faut être stressée. Ça veut juste dire flipper plus ou moins continuellement. Vous serrez les fesses, vous croisez les jambes, vous portez les vêtements et les chaussures les plus inconfortables. Surtout quand vous croisez des hommes. Là, vous montrez le plus de stress et de docilité possible. Voix douce ou aiguë, l’air gêné, pas les pieds ancrés dans le sol, plutôt en flottement ou perchée. En gros, montrez que vous êtes soumise et que leur présence compte pour vous. Portez des bijoux, des parfums. Faites-vous petite, qu’ils puissent avoir l’impression qu’ils peuvent vous déplacer. Que leur regard vous fait exister, vous émeut. Créez une sorte de « tension sexuelle » et montrez un maximum de déférence.
Voyageureuse : Je veux plus être une femme !
L’autre : Ah oui, ça... Mais c’est important, parce que sinon ils vous punissent. Ça peut être des coups, une baisse de salaire, rentrer dans votre corps sans que vous le souhaitiez… un viol, quoi.
[Regard interloqué]
Voyageureuse : Donc, si j’ai bien compris, « être une femme », c’est avoir une position de merde pour éviter quelque chose de pire ?
L’autre : Vous avez l’esprit de synthèse.
Voyageureuse : Et du coup, c’est pour ça qu’ils vous obligent à vivre avec eux, en couple ? Pour que chacun puisse surveiller une femme, en plus de la surveillance collective ?
L’autre : Ah non, ça c’est l’amour.
Voyageureuse : ???? Aimer, chez nous, c’est choisir des personnes avec qui on peut se sentir en sécurité, avoir des relations symétriques en termes de pouvoir, et réciproques en termes d’échanges.
L’autre : Ah oui, mais ça c’est chez vous. Ici, pour les femmes, l’amour, c’est oublier ses propres besoins pour servir ceux des autres. Pour les hommes, c’est différent : l’amour, c’est profiter. Profiter des services rendus gratuitement. Les femmes vous font des pipes quand vous êtes ronchon, lavent vos slips, s’assurent que toute la famille va bien émotionnellement en faisant la navette entre les un·es et les autres, etc. Imaginez, si on devait payer tout ça, on ne s’en sortirait pas économiquement ! C’est acquérir de jolis objets – les femmes –, les porter à son bras, et les jeter quand ils sont moins jolis ou hors service. Mais c’est aussi un peu stressant, parce qu’il faut maintenir un rapport de force ; on ne sait jamais si on est aimé pour soi ou si l’autre y est obligée. Et il ne faut jamais se dévoiler.
Voyageureuse :…
L’autre : Mais vous dites plus rien. Vous ne trouvez pas ça excitant ?
Voyageureuse : Non, je trouve pas.
L’autre : Bon, écoutez : les hommes, les femmes, leurs rapports, ça s’appelle l’hétérosexualité. Vous vous y ferez comme tout le monde. Enfin, j’espère que vous pourrez rattraper votre retard. Normalement, on est baigné·e dedans depuis la naissance, c’est comme du lubrifiant, du coup ça fait beaucoup moins mal au cul.
Ou alors, on imagine un monde où on cesse de se comporter « comme un homme » ou « comme une femme » : on habite, travaille et aime les personnes qui nous sécurisent et nous garantissent des liens de réciprocité, on désire et trouve du plaisir dans le consentement mutuel avec tous les types de corps, vu qu’ils ont tous les mêmes terminaisons nerveuses. Et les deux ou trois fois de sa vie où on veut se reproduire, on va chercher les gamètes adéquats auprès du ou de la producteurice local·e.
Autrement dit
« Si l’humanité is the sky, l’hétérosexualité is the limit. »
Il faut vraiment se donner du mal pour différencier les gens par leur sexe. Sincèrement. Car rien ne ressemble plus à un être humain qu’un autre être humain. Il faut vraiment faire des pieds et des mains – et des soutiens-gorge – pour réussir à ignorer que nous avons toustes des tétons, des poitrines, des poils, de la testo, des œstrogènes, des glands et des prépuces. Je dis bien toustes. Et, oui, je sais : ça vous fait tout bizarre d’entendre que l’allaitement n’est pas si féminin et que le gland n’est pas si masculin. Mais il va bien falloir vous habituer.
En fait, si ça ne relevait pas de la terreur sexiste, je serais époustouflé·e par l’application et l’abnégation que chacun·e met à performer son genre, à contraindre son corps pour le faire correspondre à ce qu’on attend qu’il soit. Les postures, les vêtements, les gestes, le placement de la voix, tout y est. Nous sommes des comédien·nes, même si la plupart sont persuadé·es que c’est « naturel » et ne voient pas ce que leur « prestation » d’homme ou de femme a de construit. C’est qu’il en aura fallu des siècles de violences, de massacres, de contraintes et d’eugénisme pour bien différencier monsieur de madame, et pour que cette commedia dell’arte semble naturelle. Pourtant, il suffit qu’une femme se rase le crâne et arrête de s’épiler le menton pour qu’on s’emmêle les pinceaux. Comme quoi, chassez le naturel et il revient au grand galop : il y a donc encore de l’espoir...
Mais

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