Alterscience : Postures, dogmes, idéologies
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Description

Remise en cause de la théorie d’Einstein, de celle de Darwin, créationnisme et fondamentalismes, cosmologies païennes, mouvements technofascistes, idéologies radicales anti-science… Pourquoi des personnes formées à la science en viennent-elles à adopter une attitude en opposition virulente à la science de leur époque ? Comment mobilisent-elles leur capacité de raisonnement au service de dogmes et d’idéologies sans rapport avec la science ? Peut-on tirer un fil historique entre ces postures depuis la naissance de la science moderne au XVIe siècle ? De nos jours, quel est l’impact sur les rapports entre science et société de ces attitudes, diffusées et multipliées par le canal de l’Internet ? Rejet de la science contemporaine, de la spécialisation et de l’abstraction mathématique ; appel au bon sens et à une science globale ; vitupération pouvant aller jusqu’à l’invocation de la théorie du complot ; instrumentalisation de la science à des fins idéologiques ou religieuses : voilà les principales caractéristiques des mouvements ou des individus étudiés dans cet ouvrage. Alexandre Moatti, ingénieur en chef des Mines, est chercheur associé en histoire des sciences et des idées à l’université Paris-VII-Denis-Diderot. Il est notamment l’auteur de Einstein, un siècle contre lui (2007). 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 janvier 2013
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738177797
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE Jacob, janvier 2013
15, rue Soufflot, 75005 Paris
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-7779-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Sommaire
Titre
Discours préliminaire
I - Une opposition virulente et théorisée à la science contemporaine
II - Rejet du Signe et désir du Tout
III - Une opposition virulente et théorisée à la science contemporaine (suite)
IV - Psychanalyse d’une connaissance subjective
Ingénieurs en réaction contre la physique moderne – Théories physiques alternatives
V - Ingénieurs antirelativistes : le Cercle de physique Alexandre Dufour
VI - La nouvelle physique des avions renifleurs
VII - L’énergie libre de Vallée et le mythe Tesla
À la recherche des origines – Expliquer la religion par la science
VIII - Le géocentrisme, noyau dur du créationnisme
IX - La cosmogonie catastrophiste de l’ingénieur Hans Hörbiger
X - Velikovsky : la science au service d’un fondamentalisme juif
Postures historiques d’opposition à l’institution scientifique
XI - Marat, esprit préscientifique
XII - Saint-Simon, Fourier et le newtonisme social
XIII - Auguste Comte et le régime dispersif des sciences spéciales
XIV - Pourfendeurs positivistes de la science officielle : Gustave Le Bon, Auguste Lumière
La science au service de l’idéologie
XV - Avatars d’une science allemande, de Paris en 1914 à Berlin en 1936
XVI - Lyndon LaRouche et le technofascisme
XVII - Idéologies d’ultragauche contemporaines
Conclusion
XVIII - Connexités épistémologiques
XIX - Une grille de lecture de nos sociétés contemporaines
Bibliographie
Bibliographie générale
Chapitre V (Ingénieurs antirelativistes)
Chapitre VI (Avions renifleurs)
Chapitre VIII (Géocentrisme)
Chapitre IX (Hörbiger)
Chapitre X (Velikovsky)
Chapitre XI (Marat)
Chapitre XII (Saint-Simon, Fourier)
Chapitre XIII (Auguste Comte)
Chapitre XIV (Le Bon, Lumière)
Chapitre XV (Science allemande)
Chapitre XVI (LaRouche)
Chapitre XVII (Ultragauche)
Du même auteur chez Odile Jacob
Discours préliminaire
I
Une opposition virulente et théorisée  à la science contemporaine

Pourquoi et comment des personnes formées à la science se mettent-elles, à un certain âge de leur vie, à prendre une attitude violemment opposée à la science qui leur est contemporaine ? Comment des scientifiques en viennent-ils à mobiliser leur capacité de raisonnement et construisent-ils une argumentation à caractère scientifique au service d’idéologies sans rapport avec la science ? Comment expliquer la permanence de tels comportements chez des hommes de science depuis au moins la naissance de la science moderne, il y a plus de trois cents ans ? De nos jours, quel est l’impact sur les rapports entre science et société de ces attitudes, diffusées sinon multipliées par le canal de l’Internet ?
Nous désignerons leur démarche par le terme d’ alterscience , dans lequel nous englobons diverses constructions théoriques remettant en cause de manière radicale des résultats importants de la science ou utilisant des arguments scientifiques à des fins idéologiques, religieuses ou personnelles. La production de théories physiques non validées, émanant d’ingénieurs remettant en cause la physique du XX e  siècle, en est un exemple. Comme le sont, de manière plus radicale, la théorisation d’une prétendue « science allemande » pendant la Première Guerre mondiale ou, de nos jours, l’utilisation de la science par les mouvements créationnistes ou la vision délétère qu’en ont les milieux néoanarchistes.
Dans ces divers cas, des scientifiques – scientifiques de métier ou personnes ayant reçu une formation scientifique poussée, c’est-à-dire à esprit scientifique dominant – sont amenés à revendiquer, de manière virulente, une science différente, une autre science , en mobilisant leurs connaissances, leur esprit et leur méthode scientifiques au profit de leurs théories alternatives ou de leur idéologie. Cette autre science peut s’entendre soit comme la construction d’une science différente (par exemple une physique ne faisant pas appel à la relativité ou à la mécanique quantique), soit comme l’extension du domaine de la science à des champs relevant de l’idéologie ou de la religion – en fait une altération de la science.
*
L’opposition radicale à la science qui leur est contemporaine est une première caractéristique des mouvements ou individus étudiés ici. La remise en cause de la théorie de la relativité, de 1920 à nos jours, conduit à la formulation de théories physiques ou cosmologiques fantaisistes – les Anglo-Saxons ont donné le nom de cranks à leurs concepteurs. Elle conduit aussi à des idéologies comme celle de la Deutsche Physik (physique allemande), théorisée par deux prix Nobel sympathisants des nazis, en opposition à une prétendue physique juive. Chez certains cranks , comme l’ingénieur français René-Louis Vallée (1926-2007), inventeur d’une « physique synergétique », l’opposition à la relativité peut aussi avoir des relents antisémites.
Cette remise en cause de la science contemporaine est ambivalente : amour et fascination de la science restent forts chez ces hommes de science. Les ingénieurs antirelativistes font assaut de formules mathématiques dans leurs théories alternatives. Les ingénieurs créationnistes contestent certains résultats de la science moderne (par exemple l’atomisme) tout en en utilisant d’autres (comme le rayonnement de fonds cosmologique) pour justifier la Création : leur ressort est non d’expliquer la science par la religion (comme cela a pu être le cas jusqu’à Galilée), mais d’expliquer la religion par la science.
L’opposition radicale à la science se manifeste tout particulièrement par une opposition aux théories scientifiques en vigueur. La relativité d’Einstein est une cible de choix. Mais déjà Saint-Simon et Fourier utilisaient la théorie de Newton tout en la dénigrant ; et Auguste Comte refusait toute idée de théorie scientifique, comme la théorie ondulatoire de la lumière qui lui est contemporaine. La théorie de Darwin (ou ce qui l’a maintenant remplacée : la théorie néodarwinienne de l’évolution) est attaquée par tous les mouvements étudiés ici. Les ingénieurs antirelativistes sont antidarwiniens, comme les créationnistes bien évidemment. Mais le sont aussi les néoanarchistes, pourtant fort éloignés politiquement : estimant que la technoscience a remplacé la démocratie, ils prônent un abandon de la science moderne et un retour à la science d’avant Galilée.
*
Deuxième caractéristique : tous bâtissent de véritables constructions théoriques à l’appui de leur croyance ou de leur idéologie. Ceci est lié, en partie, au fait qu’elles émanent de personnes formées à la rationalité scientifique, sinon, pour les néoanarchistes, à la dialectique marxiste, qui se reconnaissait d’ailleurs elle-même comme une science 1 .
Lors de la Première Guerre mondiale, des scientifiques réputés mettent leur démarche scientifique au service du nationalisme. William Ramsay, prix Nobel de chimie en 1904, construit dans Nature , déjà à l’époque une des plus grandes revues scientifiques, une théorie sur les vices du caractère allemand. Des scientifiques et intellectuels allemands, dont de nombreux prix Nobel, lancent un « appel au monde civilisé » soutenant l’armée de Guillaume II et invoquant « le caractère indissociable de la civilisation allemande et du militarisme prussien ». Bergson accomplit « un simple devoir scientifique » quand il dénonce en août 1914, à la tribune de l’Académie des sciences morales et politiques, « la brutalité et le cynisme de l’Allemagne ».
Certains ingénieurs antirelativistes, de 1920 à nos jours, élaborent de véritables constructions cosmologiques alternatives, des expositions du système du Monde qui prétendent se mesurer à celle de Laplace. Hans Hörbiger imagine dans les années 1910 une cosmologie du système solaire, la théorie de la glace universelle ( Welteislehre ). L’ingénieur Lucien Romani, directeur d’un bureau d’études, publie en 1976 une Théorie générale de l’Univers physique .
L’activiste américain Lyndon LaRouche monte, quant à lui, une construction intellectuelle fondée sur la noèse (faculté de penser) pour justifier sa doctrine de l’avenir de l’homme par la technologie. Pour lui, certains mathématiciens (comme Gauss) ont la faculté d’épiphanie : ils sont capables de faire jaillir une vérité cachée, à l’inverse d’autres mathématiciens (comme Cauchy), qui ne sont capables que d’aligner formules et signes. LaRouche reconstruit ainsi l’histoire des sciences à travers ce prisme déformant, produisant une alter -histoire des sciences.
À l’autre extrême politique, les néoanarchistes rejetant une société technologique élaborent une construction théorique fondée non sur la science – qu’ils rejettent en bloc –, mais sur la raison, ou ce qu’ils estiment être la raison ou le bon usage de la connaissance. C’est une Encyclopédie des nuisances , avec son Discours préliminaire , à l’image inversée de celle de D’Alembert, qu’ils publient à partir de 1984 comme acte fondateur. Et c’est « au nom de la raison » contre « le rationalisme technoscientifique » que René Riesel justifie l’arrachage de plants d’OGM en 1998 à Montpellier. Dans la même mouvance, Jean Druon reconstruit une histoire des idées et des sciences au XX e  siècle où la constante de

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