L invention des Landes
303 pages
Français

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L'invention des Landes , livre ebook

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Description

Cet ouvrage étudie l'évolution historique des territoires à partir de l'exemple des Landes de Gascogne. Prenant le contre-pied d'une science politique officielle qui perçoit les territoires comme un attribut "naturel" de la souveraineté étatique, l'auteur dévoile les dispositifs de la territorialisation. De l'Ancien Régime à nos jours, il montre l'importance de "la construction symbolique de la réalité" et du social sur les identités et les pratiques. Comment peut-on encore être "landais" ?

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2008
Nombre de lectures 127
EAN13 9782336256238
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pouvoirs comparés
Collection dirigée par Michel Bergès
Professeur de science politique
NATHALIE BLANC-NOËL (sous la direction de) La Baltique. Une nouvelle région en Europe
David CUMIN et Jean-Paul JOUBERT Le Japon, puissance nucléaire ?
Dmitri Georges LAVROFF (sous la direction de) La République décentralisée
Thomas LINDEMANN et Michel Louis MARTIN Les Militaires et le recours à la force armée. Faucons, colombes ?
Constanze VILLAR Le Discours diplomatique
Gérard DUSSOUY Les Théories géopolitiques. Traité de relations internationales (I)
André-Marie YINDA YINDA L’Art d’ordonner le monde. Usages de Machiavel
Gérard DUSSOUY Les Théories de l’interétatique. Traité de relations internationales (II)
© L’HARMATTAN, 2008
5-7, rue de l’École-Polytechnique , 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com harmattan1@wanadoo.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr
9782296049505
EAN : 9782296049505
L'invention des Landes
L'État français et les territoires

Dominique D'Antin De Vaillac
« Le Landais, en général, ne sait ni lire, ni écrire. Il ne comprend pas le français; il n’a d’autres lieux de réunion que l’église, où il se rend par habitude et l’auberge qu’il fréquente par goût. Le reste du temps, il erre seul dans la lande et les pignadas: les étrangers ne viennent pas l’y chercher, qui lui apprendraient à se plaindre, à critiquer les actes d’un gouvernement qu’il ne connaît que par ses bienfaits (…) .
« Si l’année est dure, il restreint son ordinaire, déjà si misérable, déserte les assemblées, se renferme chez lui et attend, morne et triste, que les beaux jours reviennent. »

Extrait du rapport du Préfet des Landes au ministre de l’Intérieur, 31 décembre 1858.
Sommaire
Page de Copyright Page de titre INTRODUCTION LA TERRITORIALISATION JURIDIQUE ET AGRONOMIQUE LA TERRITORIALISATION POLITIQUE LA TERRITORIALISATION ÉCONOMIQUE LA TERRITORIALISATION SYMBOLIQUE NOTES ET INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
INTRODUCTION

Territoires symboliques et symbolique des terroirs
Qu’est-ce qu’un « territoire », espace à la fois réel et artificiel qui nous localise, définit nos repères, les « feux et lieux » des vieilles familiarités de la « France tranquille et profonde », la terre qui colle à la semelle de nos souliers, les paysages imagés et imaginaires de nos « lointains ancêtres », nos rites sociaux de passage, les repères mnémoniques de nos existences, au-delà du temps qui court et des cloches qui sonnent encore ? Quels sont les ressorts de cet instrument identitaire produit par l’État, ce grand et vieux personnage de l’histoire? Sur quels fondements et quels acteurs repose finalement cette étrange institutionnalisation territoriale, objet que la science politique officielle traite comme un prérequit de la souveraineté étatique, sans oser déconstruire les dispositifs qui l’actionnent? Au-delà de ses formes juridiques, politiques, administratives, quelles sont les conséquences de l’étatisation des territoires sur « la construction symbolique de la réalité » et sur les pratiques d’acteurs « situés » ?
Sans épuiser ici cette question historique complexe, nous aborderons le problème à partir d’un cas en apparence anodin: celui d’un territoire peuplé de « barbares » de l’ancien temps, indifférenciés des « bêtes sauvages », les « landes de Gascogne », perdues au fin fond de la France, entre Bordeaux et Bayonne, sur la côte ouest atlantique. Ces « landes » (désignation connotant la nature) ont fait paradoxalement l’objet d’interventions répétées de l’État central. Pourquoi et comment? Quel a été le lien entre ce processus de « territorialisation » et la compréhension d’un objet si cher au dernier Fernand Braudel : « l’identité de la France » ?
À partir d’une réflexion critique sur le constructivisme étatique en question, qui passe par un dialogue avec la société locale et ses élites, comme par l’« invention » d’un territoire « naturel » et « culturel » créé ex nihilo et sans cesse redessiné, nous nous interrogerons sur ce que sont précisément devenues, dans la longue durée, ces « landes de Gascogne ».
Cette formule revêt bien une consonance historique, mais sa version « géographique » et administrative officielle, le « département des Landes », évoque plutôt pour les « Européens » d’aujourd’hui (autre artefact symbolique) des « vacances-nature », avec baignades dans les rouleaux océaniques, sports de glisse « rajeunissants et revigorants », visions d’espaces forestiers « immenses » et « naturels » (alors qu’ils ne sont que le résultat du travail de sylviculteurs en matière de « forêt cultivée » !). Leçon encore apprise dans les classes primaires pour illustrer le « génie » de l’administration française qui a réussi à fixer des montagnes de sable en y plantant des arbres le long des côtes atlantiques ? Ou bien immense forêt de pins maritimes, monotone ou grandiose selon l’humeur du visiteur, mais où il fait bon vivre et où on n’est pas encore trop importuné par les voisins ? Napoléon I er ne voulut-il pas faire de ces landes perdues et lointaines un immense « jardin » pour sa vieille garde ? Celle-ci est morte à Waterloo, on le sait (sans se rendre !), mais la vision impériale semble se réaliser aujourd’hui : les papy boomers s’y précipitent pour y vivre une « retraite » paisible (différente de celle subie par les hommes de l’Empereur 1  !). Ces « landes » semblent en tout cas liées à l’Empire ainsi qu’au régime de Napoléon III qui les a investies en tentant de créer des « colonies modèles » sur leur terre (aux alentours de Solférino et d’Eugénie-les-Bains, petite ville auréolée du nom de la délicate impératrice…).
Soit par volonté politique, soit par capacité à éveiller des styles de vie « à la mode », ces « landes » agrestes et champêtres aux figures historiques multiples n’arrêtent pas d’être « inventées ». C’est en vivant en leur sein et en les aimant que nous avons pu observer que leur image émettrice et réceptrice bougeait sans cesse. Ce territoire perdu, sauvage, déserté, apparut « horrifiant » en 1830 à nombre de voyageurs étrangers qui le traversèrent. Par un retournement paradoxal, aujourd’hui très fréquent, cet espace, par un étrange renversement de l’histoire, est devenu un support de « loisirs » modernes, balnéaire et naturiste. Ces « landes » (terme générique qualifiant un univers sans cesse redessiné) ont toujours répugné à rentrer dans des définitions ou des destins assignés. Elles sont finalement devenues, au-delà des identités factices dont on les a affublées, aussi mobiles que les sables de leur littoral ou le niveau des eaux qui s’écoulent sur leur sol… Elles continuent de jouer à cache-cache avec la réalité…
Surgit alors comme problème la « nature » (politique et sociale, celle-là !) d’un territoire symboliquement introuvable. De quoi, et de qui, ces images contradictoires projetées sont-elles concrètement le reflet? Qui les a produites, voire extorquées, ou, à l’inverse, négociées? Les territoires seraient-ils des victimes consentantes de leur propre expropriation compensée par des mirages et des représentations imaginaires ?
Avant de répondre à partir de notre étude de cas, ouvrons au préalable l’ouvrage illuminateur d’Eugen Weber, La Fin des terroirs 2 . L’historien californien a bien montré comment les espaces autonomes de la France du XIX e et du début du XX e siècles ont été progressivement fusionnés, à la veille de la Grande Guerre, dans un ensemble national synthétique particulièrement symptomatique du mode de construction français de l’État-nation. Il a fallu un bon siècle de fabrication intellectuelle et pratique, d’efforts, d’artifices, de menaces, de dispositifs administratifs ingénieux, de négociations, de répressions diverses et de méprises, depuis la Révolution française, pour construire une nation apparemment unifiée. Tous les territoires français ont été ainsi éradiqués, rabotés, laminés, reconstruits de la même manière…
Les mécanismes en question d’« intégration » (terme essentiel sur le plan de la science politique) furent liés, démontre Weber, au surgissement d’un État unificateur et centralisateur qui a imposé à tous les « petits pays » une culture forgée par la mise en place de dispositifs simultanés de dé

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