Les Guinéens de Dakar
181 pages
Français

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Les Guinéens de Dakar , livre ebook

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Description

L'étude de la migration guinéenne à Dakar est un exemple de mouvements socio-géographiques importants qui ont eu cours en Afrique de l'Ouest depuis la période précoloniale. Les bouleversements post-indépendance ont conféré une tournure nouvelle au sein des populations impliquées dans ces migrations. Le cas des migrants guinéens n'échappe pas à la règle : relative inégalité de développement entre les pays, perception individuelle et collective des opportunités économiques, sociales, culturelles voire politiques de l'espace sous-régional ou régional.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2009
Nombre de lectures 215
EAN13 9782296230248
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A ma grand mère, Aminata Camara qui,
ma main dans sa main, m’a conduit à l’école.
Introduction
Dakar, métropole de l’Afrique Occidentale francophone, est un véritable "melting pot" à population d’origine diverse. Pour peu qu’on se livre à l’inventaire humain de cette ville, on est frappé par le grand nombre d’ethnies et de nationalités auxquelles ses habitants déclarent appartenir. Aux groupes ethniques sénégalais (Wolof, Lebou, Sévère, Diola, Toucouleur, Manding, etc.) {1} s’ajoutent des éléments venus de l’ex-A.O.F. (Dahoméens, Togolais, Voltaïques, Maliens, Mauritaniens, Guinéens) puis Cap Verdiens, Français, Levantins (Libano-Syriens).
Cette diversité d’origine ethnique et géographique révèle l’importance du mouvement migratoire qui affecte l’agglomération dakaroise. Déjà, le sondage démographique effectué il y a une dizaine d’années avait montré que chez les adultes, la proportion des originaires n’atteignait que le quart. Le Sénégal fournissait 34 % de l’ensemble des immigrants ; presque le reste (3/4) provenait des autres pays africains.
Actuellement, Dakar exerce plus que jamais une attraction considérable non seulement sur les populations intérieures sénégalaises, mais aussi sur celles des Etats immédiatement voisins. Son "hinterland" humain, débordant le cadre national, concerne précisément la Guinée, la Mauritanie et le Mali, tant par l’importance numérique des ressortissants de ces pays que par celle des activités économiques auxquelles se livrent ces nationalités immigrantes.
En dehors du Sénégal, la République de Guinée vient en tête parmi les pays africains ; fournissant, de gros contingents d’immigrants. C’est surtout au lendemain des indépendances que l’immigration guinéenne à Dakar est apparue comme un phénomène d’une ampleur sans précédent. Pendant la période coloniale, il existait bien sûr un mouvement inter-territorial de population, mais il n’était pas pour autant significatif. Tout paraissait alors normal â plus d’un titre : d’une part, les barrières douanières et les frontières territoriales n’étaient pas aussi rigoureuses qu’elles le sont aujourd’hui ; d’autre part, l’administration fédérale procédait - à tort pu à raison â des déplacements de cadres civils et militaires au niveau des huit colonies que réunissait l’A.O.F, Ainsi s’explique en partie la présente d’anciennes colonies guinéennes : à Dakar. Mais si, après l’indépendance acquise à la suite du vote "négatif’‘ du 28 septembre 1953, quelques ressortissants Guinéens avaient choisi de rentrer au pays, nombreux étaient ceux qui préféraient rester à Dakar. Peut-être parce que l’Etat guinéen ne présentait pas à leurs yeux suffisamment de garantie en égard à la situation sociale qu’ils avaient déjà acquise ou alors parce qu’ils étaient opposés à la politique du Président Sékou Touré. Aujourd’hui, l’on assiste à une recrudescence sensible des ressortissants guinéens non seulement dans les principaux centres économiques du Sénégal mais aussi dans les pays comme la Sierra Leone ? la Côte-d’Ivoire et le Libéria.
Au Sénégal, l’immigration guinéenne est de nature surtout urbaine. Bien sûr, elle n’est pas limitée à Dakar, Kaolack, Thiès, etc. ; les Guinéens arrivent aussi périodiquement dans la zone arachidière du secteur oriental (terres neuves du front pionnier) pour y travailler au compte des exploitants agricoles Sénégalais ; mais cette immigration rurale est de plus en plus abandonnée au profit de la migration urbaine. Celle-ci est de loin la plus importante et c’est pourquoi nous nous limiterons à l’étude du groupe de Dakar.
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La migration est un phénomène social total. Son étude, lorsqu’elle se veut exhaustive, requiert une méthode d’analyse par "paliers en profondeur" ; c’est dire qu’en premier lieu nous partirons des considérations de morphologie sociale en particulier, de l’aspect démographique, quantitatif.
L’importance numérique des guinéens à Dakar est un fait. Pour s’en apercevoir, il suffit de se promener dans les quartiers, dans les rues, de fréquenter les marchés, le port, la devanture des cinémas populaires, bref ! d’observer le spectacle de la vie quotidienne de ceux là qui viennent à Dakar. Mais il est difficile, voire impossible de préciser exactement leur nombre. Il aurait fallu faire un recensement complet, exhaustif, mais cela est matériellement impossible.
Par ailleurs, l’absence quasi-totale de statistiques (officielles et privées) défie toute tentative d’estimation. Les sources d’information ont été inventoriées, depuis le Service Officiel des Statistiques Démographiques jusqu’aux organismes privés de recherche. Nulle part, nous n’avons trouvé des données significatives susceptibles d’être utilisées à des fins scientifiques. Un recensement de la population dakaroise a été réalisé dans les années 1955-58, mais les statistiques concernant les Africains non Sénégalais sont disparates, insuffisantes, voire inutilisables ; les recenseurs n’ont pas fait, le plus souvent, de discrimination entre Guinéens, Maliens, etc. La simple énumération des groupes ethniques ne suffit pas, d’autant qu’il arrive fréquemment qu’une même ethnie appartienne à plusieurs Etats ; tel est le cas par exemple des frontaliers Coniagui et Bassari, puis des Peul dont on ne connaît pas toujours le pays d’origine. A l’ambassade de Guinée, nous avons pris contact avec le Consul, mais les 98 % des immigrants n’y sont pas enregistrés. C’est donc dire que l’immigration est clandestine.
Pour pallier ces insuffisances, nous avons tenté à notre tour de procéder à un recensement basé sur le choix d’un certain nombre de quartiers-tests ou de secteurs de l’agglomération dakaroise. Certes, dans ce milieu urbain, la répartition des migrants n’est pas précise et uniforme, mais les résultats auxquels nous sommes parvenus ont permis d’estimer la population guinéenne et de tirer un échantillon. Nous y reviendrons.
S’il est prouvé sur le plan démographique que l’immigration est effective, comme nous le verrons par la suite, il convient de se demander quelles sont les motivations qui la sous-tendent. Pourquoi les individus et des groupes entiers s’engagent-ils si nombreux dans une telle aventure ? Telle est la question à laquelle l’enquête effectuée s’efforce de livrer une réponse.
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Mais il ne s’agit pas seulement de se rendre compte du déplacement spatial des hommes ; il importe aussi et surtout de savoir ce qu’ils font dans la phase post-migratoire. Les activités économiques et autres occupations professionnelles exercées au pays d’accueil ont donc retenu notre attention. Les pratiques économiques sont certainement un des aspects les plus intéressants des faits de migration, car elles montrent dans quelle mesure il y a intégration ou non de ceux qui viennent dans l’espoir de trouver une vie d’abondance.
Pourtant, la République de Guinée est généralement considérée comme potentiellement plus riche que le Sénégal. Il s’avère qu’en fait, elle accuse un taux de croissance économique semblable à ceux des autres pays de l’ex -A.O.F. {2} .
Mais notre travail ne consiste pas à dresser le bilan économique des pays affectés de mouvements de population.
La tache qui nous incombe consiste à dégager les raisons objectives de départ et de fixation des migrants. Sure le plan de l’emploi, il convient d’apprécier l’importance quantitative et qualitative de la main-d’œuvre guinéenne disponible à Dakar, résultant de la migration. A lire les textes du huitième congrès du Parti Démocratique de Guinée tenu à Conakry en septembre 1967, de nombreuses unités industrielles auraient été construites, sans compter la mise en valeur des richesses minières (bauxite, fer, métaux précieux). Ces nouvelles réalisations seraient destinées à satisfaire les besoins croissants des masses en biens de consommation, mais aussi pour créer des emplois nouveaux. Depuis l’indépendance, deux plans de développement économique et social ont été successivement définis et mis en chantier : un plan triennal parvenu à terme en juillet 196

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