Discours Civiques de Danton
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Discours Civiques de Danton , livre ebook

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Description

Voici le seul orateur populaire de la Revolution.

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Publié par
Date de parution 23 octobre 2010
Nombre de lectures 0
EAN13 9782819908869
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

INTRODUCTION
I
V oici le seulorateur populaire de la Révolution.
De tous ceux qui, à la Constituante, à laLégislative ou à la Convention, ont occupé la tribune et mérité lelaurier de l'éloquence, Danton est le seul dont la parole trouva unécho dans la rue et dans le coeur du peuple. C'est véritablementl'homme de la parole révolutionnaire, de la parole d'insurrection.Que l'éloquence noblement ordonnée d'un Mirabeau et les discoursfroids et électriques d'un Robespierre, soient davantage prisés queles harangues hagardes et tonnantes de Danton, c'est là unphénomène qui ne saurait rien avoir de surprenant. Si les deuxpremiers de ces orateurs ont pu léguer à la postérité des discoursqui demeurent le testament politique d'une époque, c'est qu'ilsfurent rédigés pour cette postérité qui les accueille. Pour Dantonrien de pareil. S'il atteste quelquefois cette postérité, quioublie en lui l'orateur pour le meneur, c'est par pur effetoratoire, parce qu'il se souvient, lui aussi, des classiques dontil est nourri, et ce n'est qu'un incident rare. Ce n'est pas à celaqu'il prétend. Il ne sait point «prévoir la gloire de si loin». Ilest l'homme de l'heure dangereuse, l'homme de la patrie en danger;l'homme de l'insurrection. «Je suis un homme de Révolution [Note: ÉDOUARD FLEURY. Etudes révolutionnaires: CamilleDesmoulins et Roch Mercandier (la presse révolutionnaire), p. 47;Paris, 1852] », lui fait-on dire. Et c'est vrai. Telles, sesharangues n'aspirent point à se survivre. Que sa parole soit utileet écoutée à l'heure où il la prononce, c'est son seul désir et ilestime son devoir accompli.
On conçoit ce que cette théorie, admirable enpratique, d'abnégation et de courage civique, peut avoir dedéfectueux pour la renommée oratoire de l'homme qui en fait sarègle de conduite, sa ligne politique. Nous verrons, plus loin, quece n'est pas le seul sacrifice fait par Danton à sa patrie.
Ces principes qu'il proclame, qu'il met en oeuvre,sont la meilleure critique de son éloquence. «Ses harangues sontcontre toutes les règles de la rhétorique: ses métaphores n'ontpresque jamais rien de grec ou de latin (quoiqu'il aimât à parlerle latin). Il est moderne, actuel» [Note: F.A. AULARD.Études et leçons sur la Révolution française, tome 1, p. 183;Paris, Félix Alcan, 1893.] , dit M. Aulard qui lui aconsacré de profondes et judicieuses études. C'est là le résultatde son caractère politique, et c'est ainsi qu'il se trouve chezDanton désormais inséparable de son éloquence. Homme d'action avanttout, il méprise quelque peu les longs discours inutiles. Apathiedéconcertante chez lui. En effet, il semble bien, qu'avocat, nourridans la basoche, coutumier de toutes les chicanes, et surtout deces effroyables chicanes judiciaires de l'ancien régime, il ait dûprendre l'habitude de les écouter en silence, quitte à foncerensuite, tète baissée, sur l'adversaire. Mais peut-être est-ce deles avoir trop souvent écoutés, ces beaux discours construits selonles méthodes de la plus rigoureuse rhétorique, qu'il se révèle leurennemi le jour où la basoche le lâche et fait de l'avocat auxConseils du Roi l'émeutier formidable rué à l'assaut des vieillesmonarchies ? Sans doute, mais c'est surtout parce qu'il n'estpoint l'homme de la chicane et des tergiversations, parce que, mêléà la tourmente la plus extraordinaire de l'histoire, il comprend,avec le coup d'oeil de l'homme d'État qu'il fut dès le premierjour, le besoin, l'obligation d'agir et d'agir vite. Qui ne composepoint avec sa conscience, ne compose point avec les événements.Cela fait qu'au lendemain d'une nuit démente, encore poudreux, dela bagarre, un avocat se trouve ministre de la Justice.
Se sent-il capable d'assumer cette lourdecharge ? Est-il préparé à la terrible et souverainefonction ? Le sait-il ? Il ne discute point avec lui-mêmeet accepte. Il sait qu'il est avocat du peuple, qu'il appartient aupeuple. Il accepte parce qu'il faut vaincre, et vaincresur-le-champ. [Note: «Mon ami Danton est devenu ministre dela Justice par la grâce du canon: cette journée sanglante devaitfinir, pour nous deux surtout, par être élevés ou hissés ensemble.Il l'a dit à l'Assemblée nationale: Si j'eusse été vaincu, jeserais criminel.» Lettre de Camille Desmoulins à son père, 15 août1792. Oeuvres de Camille Desmoulins, recueillies et publiéesd'après les textes originaux par M. Jules Claretie, tome II, p.367-369; Paris, Pasquelle, 1906.]
Cet homme-là n'est point l'homme de la mûreréflexion, et de là ses fautes. Il accepte l'inspiration du moment,pourvu, toutefois, qu'elle s'accorde avec l'idéal politique que,dès les premiers jours, il s'est proposé d'atteindre.
Il n'a point, comme Mirabeau, le génie de lafacilité, cette abondance méridionale que parent les plus bellesfleurs de l'esprit, de l'intelligence et de la réminiscence.Mirabeau, c'est un phénomène d'assimilation, extraordinaire échodes pensées d'autrui qu'il fond et dénature magnifiquement aucreuset de sa mémoire, une manière de Bossuet du plagiat que nulsujet ne trouve pris au dépourvu.
Danton, lui, avoue simplement son ignorance encertaines matières. «Je ne me connais pas grandement en finances»,disait-il un jour [Note: Séance de la Convention, du 31juillet 1793.] et il parle cinq minutes. Mirabeau eût parlécinq heures. Il n'a point non plus, comme Robespierre, ce don del'axiome géométrique, cette logique froide qui tombe comme lecouperet, établit, ordonne, institue, promulgue et ne discute pas.Quand cela coule des minces lèvres de l'avocat d'Arras, droit etrigide à la tribune, on ne songe pas que durant des nuits il s'estpenché sur son papier, livrant bataille au mot rebelle, acharné surla métaphore, raturant, recommençant, en proie a toutes les affresdu style. Or, Danton n'écrit rien [Note: P. AULARD, oevr.cit., tome I, p. 172.] . Paresse, a-t-on dit ?Peut-être. Il reconnaît: «Je n'ai point de correspondance.» [Note: Séance de la Convention, du 21 août 1793.] .C'est l'aveu implicite de ses improvisations répétées. Qui n'écritpoint de lettres ne rédige point de discours. C'est chose laissée àl'Incorruptible et à l'Ami du Peuple. Ce n'est point davantage àMarat qu'on peut le comparer. L'éloquence de celui-ci a quelquechose de forcené et de lamentatoire, une ardeur d'apostolatrévolutionnaire et de charité, de vengeur et d'implorant à la fois.Ce sont bien des plaintes où passé, suivant la saisissanteexpression de M. Vellay, l'ombre désespérée de Cassandre. [Note: La Correspondance de Marat, recueillie et publiée parCharles Vellay, intr. xxii; Paris, Fasquelle, 1896.] ChezDanton, rien de tout cela. Et à qui le comparer sinon qu'àlui ?
Dans son style on entend marcher les événements. Ilsenflent son éloquence, la font hagarde, furieuse, furibonde; chezlui la parole bat le rappel et bondit armée. Aussi, point de longsdiscours. Toute colère tombe, tout enthousiasme faiblit. Lesgrandes harangues ne sont point faites de ces passions extrêmes. Sipourtant on les retrouve dans chacun des discours de Danton, c'estque de jour en jour elles se chargent de ranimer une vigueurpeut-être fléchissante, quand, à Arcis-sur-Aube, il oublie l'oragequi secoue son pays pour le foyer qui l'attend, le sourire de sonfils, la présence de sa mère, l'amour de sa femme, la beauté molleet onduleuse des vifs paysages champenois qui portent alors àl'idylle et à l'églogue ce grand coeur aimant. Mais que Dantonreprenne pied a Paris, qu'il se sente aux semelles ce pavé brûlantdu 14 juillet et du 10 août, que l'amour du peuple et de la patrieprenne le pas sur l'amour et le souvenir du pays natal, c'est alorsAntée. Il tonne à la tribune, il tonne aux Jacobins, il tonne auxarmées, il tonne dans la rue. Et ce sont les lambeaux heurtés etdéchirés de ce tonnerre qu'il lègue à la postérité.
Ses discours sont des exemples, des leçonsd'honnêteté, de foi, de civisme et surtout de courage. Quand il sesent parler d'abondance, sur des sujets qui lui sont étrangers, ila comme une excuse à faire. «Je suis savant dans le bonheur de monpays», dit-il. [Note: Séance de la Convention, du 31 juillet1793.] Cela, c'est pour lui la suprême excuse et le suprêmedevoir. Son pays, le peuple, deux choses qui priment tout. Entreces deux pôles son éloquence bondit, sur chacun d'eux sa parolepose le pied et ouvre les ailes. Et quelle parole ! Au momentoù Paris et la France vivent dans une atmosphère qui sent lapoudre, la poussière des camps, il ne faut point être surpris detrouver dans les discours de Danton comme un refrain deMarseillaise en prose. Sa métaphore, au bruit du canon et dutocsin, devient guerrière et marque le pas avec les sections enmarche, avec les volontaires levés à l'appel de la patrie endanger. Elle devient audacieuse, extrême, comme le jour où, dansl'enthousiasme de la Convention, d'abord abattue par la trahison deDumouriez, il déclare à ses accusateurs: «Je me suis retranché dansla citadelle de la raison; j'en sortirai avec le canon de la véritéet je pulvériserai les scélérats qui ont voulu m'accuser.» [Note: Séance de la Convention, du 1er avril 1793.] Cela, Robespierre ne l'eût point écrit et dit. C'est chez Danton unmépris de la froide et élégante sobriété, mais faut-il conclure delà que c'était simplement de l'ignorance ? Cette absence desformes classiques du discours et de la recherche du langage, c'està la fièvre des événements, à la violence de la lutte qu'il fautl'attribuer, déclare un de ses plus courageux biographes. [Note: Dr ROBINET. Danton, mém. sur sa vie privée, p. 67;Paris, 1884.] On peut le croire. Mais pour quiconqueconsidère Danton à l'action, cette excuse est inutile. Son oeuvrepolitique explique son éloquence. Si elle roule ces scories, ceséclats de rudes rocs, c'est qu'il méprise les rhéteurs, c'est,encore une fois, et il faut bien le répéter, parce qu'il a lareligion de l'action; et ce culte seul domine chez lui. Il ne vapoint pour ce jusqu'à la grossièreté, cette grossièreté dejouisseur, de grand mangeur, de matérialiste, qu'on lui attribue sivolontiers. «Aucune de ses harangues ne

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