Études d’histoire religieuse : Le Christianisme et l’Invasion des Barbares
64 pages
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Description


Le 24 août 410, Alaric, qui assiégeait Rome, y pénétra, pendant la nuit, par la porta Salaria, qui était mal gardée. Il mit le feu aux masures qui entouraient la porte ; de là l’incendie se communiqua aux jardins de Salluste et dévora tout le quartier. Pendant trois jours, la ville fut mise à sac par les barbares. Alaric était chrétien, et il aurait voulu se montrer clément ; mais il ne fut pas maître de ses soldats, parmi lesquels se trouvaient des gens de toutes les nations et de tous les cultes. Le quatrième jour il quitta Rome, emportant dans ses chariots d’énormes richesses entassées, et laissant derrière lui tant de cadavres qu’on eut grand’peine à les ensevelir. L’effet produit par ce désastre fut immense.



Gaston Boissier, historien et membre de l'Académie française, est connu pour ses ouvrages sur la religion romaine et sur les luttes religieuses en Occident. L'ouvrage qui suit est divisé en trois parties :



- LA CITÉ DE DIEU DE SAINT AUGUSTIN.


- LE CHRISTIANISME EST-IL RESPONSABLE DE LA RUINE DE L’EMPIRE ?


- LE LENDEMAIN DE L’INVASION.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 décembre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782384550661
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ÉTUDES D’HISTOIRE RELIGIEUSE
LE CHRISTIANISME ET L’INVASION DES BARBARES


GASTON BOISSIER

ALICIA EDITIONS
TABLE DES MATIÈRES



1. LA CITÉ DE DIEU DE SAINT AUGUSTIN.

2. LE CHRISTIANISME EST-IL RESPONSABLE DE LA RUINE DE L’EMPIRE ?

3. LE LENDEMAIN DE L’INVASION.
1

LA CITÉ DE DIEU DE SAINT AUGUSTIN.

L e 24 août 410, Alaric, qui assiégeait Rome, y pénétra, pendant la nuit, par la porta Salaria , qui était mal gardée. Il mit le feu aux masures qui entouraient la porte ; de là l’incendie se communiqua aux jardins de Salluste et dévora tout le quartier. Pendant trois jours, la ville fut mise à sac par les barbares. Alaric était chrétien, et il aurait voulu se montrer clément ; mais il ne fut pas maître de ses soldats, parmi lesquels se trouvaient des gens de toutes les nations et de tous les cultes. Le quatrième jour il quitta Rome, emportant dans ses chariots d’énormes richesses entassées, et laissant derrière lui tant de cadavres qu’on eut grand’peine à les ensevelir.
L’effet produit par ce désastre fut immense. Nous avons à ce sujet le témoignage des écrivains ecclésiastiques, qui avaient plus d’intérêt à le taire qu’à l’exagérer. Saint Augustin nous apprend que l’univers en gémit et que l’émotion pénétra jusque dans les pays les plus reculés de l’Orient. « Le flambeau du monde s’est éteint, s’écriait saint Jérôme, de sa retraite lointaine de Bethléem, et, dans une seule ville qui tombe, c’est le genre humain tout entier qui périt ! » Saint Jérôme pourtant n’aimait pas Rome, et, dans ses moments de mauvaise humeur, il se plaisait à lui donner ce nom de Babylone, qui a fait fortune parmi les révoltés du XVIe siècle. Mais, devant un si grand malheur, les griefs particuliers étaient oubliés, et l’on pleurait une catastrophe qui semblait décapiter l’empire.
Si l’on comprend aisément que les contemporains en aient été fort affligés, on est très étonné qu’ils ne s’y soient pas attendus. Les affaires de l’empire étaient en si mauvais état depuis quelque temps qu’on pouvait tout craindre. Les barbares couraient l’Italie : ils s’étaient déjà plusieurs fois approchés de Rome, qui n’avait été sauvée que par miracle. Mais enfin elle avait toujours échappé, et cette bonne fortune justifiait ceux qui prétendaient qu’on ne pourrait jamais la prendre. C’était « la ville éternelle ; » ce vieux nom, dont elle était si fière, on le lui donnait avec plus d’insistance depuis qu’on la voyait menacée de le perdre. Dans les documents officiels de cette époque, tels que les lois et les décrets des empereurs, elle n’est presque jamais désignée autrement ; et même les princes eurent alors l’idée de faire participer Constantinople « l’honneur qu’avait reçu son aînée, et ils décidèrent qu’elle aussi s’appellerait « la ville éternelle, » comme Rome. Ce n’étaient pas là de ces vains mots qu’on répète par habitude et sans conviction. Le prestige de Rome était resté si grand dans le monde qu’on s’obstinait à croire qu’elle ne pouvait pas succomber. Après chaque danger qu’elle venait de courir et dont un hasard heureux l’avait tiré, on proclamait de plus belle son immortalité. La première fois qu’elle fut attaquée par Alaric, les plus intrépides ne purent s’empêcher d’éprouver d’abord quelque frayeur ; mais, comme Stilicon parvint à l’en éloigner et qu’il remporta même un avantage important sur lui à Pollentia, on devint plus rassuré que jamais. Le poète Claudien, interprète de l’opinion commune, déclara en beaux vers « que la domination romaine n’aurait pas de terme, » puis, se tournant vers les Goths, qui fuyaient du côté des Alpes, il leur disait, d’un air de triomphe, que leur défaite devait leur servir de leçon, et qu’il leur fallait se résigner à prendre des sentiments plus modestes :


Discite vesanæ Romain non temnere gentes !
La prise de Rome vint dissiper toutes ces illusions. On se trouva brusquement en présence d’une terrible réalité. Il n’était plus permis de se donner le change avec de grands mots. Le danger que courait l’empire, et qu’on n’avait pas voulu voir, apparut soudain à tous les yeux. Quand on vit que cette civilisation dont on était si fier, et qui faisait le charme de la vie, était menacée de périr, d’une confiance aveugle on passa tout d’un coup à de mortelles inquiétudes.


I
Un des premiers résultats de ces inquiétudes fut de ranimer la question religieuse, qui semblait près de s’éteindre. On voulut se rendre raison d’une catastrophe à laquelle on ne s’était pas attendu. Plus elle était imprévue et terrible, plus on éprouvait le besoin de lui trouver des causes surnaturelles. La pensée vint à tout le monde de l’attribuer à la colère céleste, et naturellement les païens qui restaient soutinrent que les dieux se vengeaient de l’abandon de leur culte.
Les anciens Romains se faisaient gloire d’être « les plus religieux des mortels. » Il est sûr qu’ils étaient fort dévots : toute leur histoire le montre ; et, comme il arrive toujours, leur dévotion se manifestait surtout à la suite de quelque désastre public. Pendant les guerres puniques, toutes les fois qu’Hannibal remportait une victoire, les nobles auxquels le peuple avait recours dans le malheur, après les avoir négligés pendant la prospérité, ne manquaient pas de prétendre qu’on avait mécontenté les dieux, et qu’on était victime de leur colère. « Votre faute, disait Fabius, au lendemain de Trasimène, est plutôt d’avoir négligé les sacrifices et méconnu les avertissements des augures que de manquer de courage ou d’habileté. » Aussitôt toute la ville se mettait en prières. On recommençait les anciennes cérémonies, on en imaginait de nouvelles ; et, comme la fortune finissait toujours par revenir à un peuple qui ne s’abandonnait pas lui-même, et à qui les revers donnaient de nouvelles forces, on en faisait honneur à toutes ces pratiques pieuses, et l’on proclamait bien haut qu’on leur devait la victoire : c’est ainsi que s’accrédita la croyance que Rome était redevable de sa grandeur à la protection de ses dieux.
Cette opinion, qui fut acceptée de tout le monde, et que les esprits mêmes les plus libres et les moins crédules, comme Salluste et Cicéron, ne se permettent pas de contester, était de nature à nuire singulièrement à la propagation du christianisme : aussi voyons-nous les premiers apologistes fort occupés à la combattre. Les circonstances leur fournirent d’abord une réponse aisée. Sous des princes comme Trajan, Hadrien, Marc-Aurèle, les armées étaient victorieuses et le monde tranquille ; cependant le christianisme ne cessait de se répandre : ses ennemis mêmes étaient forcés d’avouer ses progrès. Il fallait donc croire, ou que les dieux étaient indifférents à l’outrage que leur faisait cette religion rivale, ou qu’ils n’avaient pas la force de le punir. Il y eut même alors des écrivains ecclésiastiques qui crurent pouvoir aller plus loin. Il ne leur suffit pas de montrer que l’établissement du christianisme n’avait pas nui à l’empire, puisqu’il était très florissant ; ils pensèrent avoir le droit de lui attribuer la prospérité dont il jouissait. L’évêque de Sardes, Méliton, un fort habile homme, qui semble avoir entrevu, dès le IIe siècle, une alliance possible entre l’Église et l’Etat, faisait remarquer à Marc-Aurèle que depuis Auguste, c’est-à-dire depuis la naissance du Christ, la puissance romaine n’avait éprouvé aucun revers sérieux, que la paix était profonde, que l’univers paraissait parfaitement heureux : « ce qui prouve évidemment, ajoutait-il, que le christianisme a grandi pour le bonheur et la gloire de Rome. » C’était il faut l’avouer, une audace singulière de présenter un culte, dont on voulait faire un ennemi public, comme une sorte de bienfaiteur de l’empire.
Par malheur, la situation, quelques années plus tard, n’était plus la même. A partir de la mort de Septime Sévère, les affaires de l’empire se gâtent. Des luttes éclatent à chaque instant entre les ambitieux qui veulent régner ; les princes ne font que paraître sur le trône ; les barbares profitent de cette anarchie pour passer la frontière et arrivent au cœur du pays. Dès lors, l’argument dont Méliton était si heureux de se servir, se retourne contre lui : puisque les chrétiens se sont attribué les victoires de l’empire, quand il était triomphant, il faut bien qu’ils acceptent d’être responsables de ses défaites. De tous côtés, on les accuse des malheurs publics. « Si le Tibre déborde, disait déjà Tertullien, et si le Nil reste dans son lit, si le ciel est trop serein et la terre trop agitée, s’il survient quelque famine ou quelque peste, aussitôt un cri s’élève : Les chrétiens aux lions ! » Sous Dèce et sous Valérien, ce fut bien pis. Ils sont alors l’objet de tant de haine qu’on regarde comme l’intérêt le plus sérieux de l’empire de les anéantir. Les princes, qui jusque-là ne les avaient attaqués que par boutade et sans suite, imaginent un plan régulier de persécution et des combinaisons habiles qui doivent les faire disparaître d’un seul coup. On les poursuit partout à la fois et de la même manière. On confisque leurs biens, on les empêche de se réunir, on les frappe à la tête, c’est-à-dire dans leurs prêtres et leurs évêques, dans les personnages importants qui les soutiennent de leur influence et de leur fortune, et ces sévérités ne paraissent exagérées à personne quand on voit dans quelles misères l’empire est plongé et qu’on songe qu’ils en sont coupables. Tout le monde est heureux de venger ses infortunes particulières et celles de l’état sur des misérables qu’on regarde comme les auteurs de tous les maux qu’on souffre. A la fin, le reproche devint si général et la colère contre les chrétiens si violente, que saint Cyprien, qui avait été d’abord d’avis de garder le silence, éprouva le besoin de les justifier. Il le fit dans un ouvrage très important dont il faut bien que je dise un mot, car on peut le regarder comme le modèle et le premier jet de la Cité de Dieu .
C’est une lettre adressée à Demetrianus, grand ennemi des chrétiens, « et qui

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