Féminismes et Nazisme
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Féminismes et Nazisme , livre ebook

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Description

Quel fut le rôle des femmes dans le nazisme ? Toutes résistantes ou héroïnes ? Toutes victimes ? Rien de moins sûr… Des historiennes, féministes, répondent, mettant en question l’idée que, toujours dominées par les hommes, les femmes seraient toujours du bon côté de l’histoire. « Les opprimés sont-ils structurellement innocents ? » É. de FontenayContributions de C. Bard, C. Bouillot, R. Bridenthal, F. Collin, L. Crips, M.-J. Dhavernas, S. Dayan-Herzbrun, N. Gabriel, A. Grossmann, A.-M. Houbedine-Gravaud, M. Kaplan, C. Koontz, S. Leyersdorff, C. Lesselier, T. Levin, C. Maignien, F. Leclerc, P. Pasteur, G. Schwarz, L. Siegele-Wenschkewitz, M. Wendling, K. Windaus-Water.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2004
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738171153
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JANVIER  2004 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7115-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Préface

par  Élisabeth de Fontenay

Face à la mise en œuvre des crimes nazis, celui ou celle qui choisit d’affronter la véridique histoire de ce qui eut lieu se trouve mis à bien dure école. Et c’est aussi une épreuve que de découvrir les différentes et non équivalentes façons dont on écrit cette histoire. Car il apparaît vite que l’enfer des contrevérités, voire d’un certain révisionnisme, est pavé des bonnes intentions de la radicalité militante. Il est pénible – qui dira qu’il faut ridiculiser ces déceptions-là ? – de découvrir que, dans « les sombres temps », les trotskistes refusaient de choisir leur camp, les Américains craignaient par-dessus tout de laisser croire qu’ils faisaient la guerre pour sauver les juifs, des résistants français tenaient des propos antisémites, quelques juifs se voyaient forcés de collaborer avec leurs exterminateurs. Et les femmes, et les féministes ? Pourquoi se déroberaient-elles à une redoutable mise au point qui les concerne, qui nous concerne toutes ?
Les femmes, en effet, et même celles qui tendent à se considérer comme les victimes universellement désignées de l’éternelle domination masculine, quand elles se mettent à réfléchir à leur condition, à la théoriser et à s’unir pour la transformer ne peuvent manquer de rencontrer une interrogation historique extrêmement embarrassante et politiquement peu correcte. Il leur faut, un jour ou l’autre, se demander si les épouses, mères, filles, sœurs, cousines des nazis se conduisirent en nazies, elles aussi, dans leurs paroles et dans leurs actes ? Or, sur cette question, la fracture principale du mouvement féministe resurgit, particulièrement béante. On remarquera du reste l’intéressante dissymétrie entre le singulier et le pluriel, qui strie le titre de ce livre. Nazisme : au singulier, car unité, totalité sans courants, sans vrai désaccord au sujet des fins et des moyens. Féminismes : au pluriel, car il y en a de plusieurs sortes, et gravement conflictuels.
C’est pourquoi quelques théoriciennes et militantes des études féministes, venues d’Allemagne, des États-Unis et de France, groupées autour de la grande historienne qu’est Rita Thalmann, auteur d’ Être femme sous le III e  Reich , ont décidé de se rassembler et de dire : la reine est parfois nue. Pour prendre ces deux exemples, elles entendent opposer une fin de non-recevoir à Margarete Mitscherlich : « L’antisémitisme est une maladie mâle », et à Luce Irigaray : « Nous ne devrions pas tolérer que nos mères soient accusées d’avoir été des soutiens du fascisme. Étaient-elles au pouvoir ? » Car la prétendue grâce d’être née femme, révèlent les auteurs de cet ouvrage, n’a aucunement préservé de nombreuses Allemandes d’une participation à l’abomination des abominations. D’un tel bilan, on peut conclure, au cas où l’on n’aurait pas eu la sagesse de le conjecturer, que la féminité n’est pas une nature forcément pacifique, « sensible, mater nelle, créative, accessible à la pitié ». Comme l’écrit Liliane Kandel, en subvertissant avec une grande justesse une phrase de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas innocent(e), on le devient. »
Plusieurs sortes d’occurrences se présentaient, divers modes d’action et de rôles se proposaient aux femmes dans cet état de non-droit qu’était le III e Reich, quand la loi, au lieu de l’empêcher, encourageait le passage à l’acte des désirs inavouables. Il y avait les membres de la SS, triées sur le volet, portant l’uniforme, consentant à n’épouser que des hommes à l’aryanité éprouvée, les gardiennes de camps de concentration ou d’extermination et les employées de l’administration, les médecins et biologistes obsédées d’hygiène raciale, les mères prolifiques et les épouses impeccables, les concierges vigilantes et les voisines avides, profitant de la déportation des locataires, il y avait les délatrices soucieuses du bien public ou intéressées de la plus sordide façon qui soit à « l’aryanisation rapide des logements », il y avait même des nationales-féministes. Toutes celles-là, à un titre ou à un autre, mirent au service de la Race tantôt leur compétence et leur moralité professionnelles, tantôt un zèle sans relâche. Il y eut aussi des « femmes françaises » inciviques, antisémites, dénonciatrices. La répulsion que nous inspirent les humiliations physiques qu’on fit subir, après la Libération, à quelques-unes d’entre elles, les moins coupables probablement, ne doit pas nous fermer les yeux sur les 45,60 % de détenues qui, en janvier 1948, étaient incarcérées pour faits de collaboration.
Un tel constat fait si mal, encore une fois, qu’un journal féminin de RFA a pu donner à lire des extraits de bouleversants carnets intimes dans lesquels Eva Braun avouait son horreur des pratiques nazies : c’était un faux, pis encore, un canular, auquel les lectrices avaient accordé crédit tant est profonde l’illusion selon laquelle « la moitié du ciel » ne peut qu’abhorrer la barbarie. Mais ces femmes allemandes ne sont pas les seules à se révolter contre le rétablissement de la réalité des faits.
Car un même mode de dénégation peut se manifester dans l’historiographie, compromettant les travaux de certaines féministes, historiennes à thèse qui ne veulent pas accepter des données désormais scientifiquement avérées et reconnaître que de nombreuses femmes furent actrices, auteurs même d’exactions criminelles d’État. Comme si ces prudes rejouaient sur un plan symbolique la réalité nationale-socialiste de la séparation des sexes et des sphères. Par ailleurs, l’assimilation du sexisme au racisme, l’usage abusif du signifiant nazi, qui autoriserait à comparer les techniques de procréation assistée à l’eugénisme hitlérien, prouvent, pour le moins, que certaines militantes n’ont aucunement pris la mesure du référent, qu’elles n’ont pas compris la démesure unique de la mort de masse, administrée par les nazis.
Les problèmes et malaises suscités par cette confrontation entre l’historiographie des femmes et celle du national-socialisme se sont généralisés et radicalisés, éclatant aujourd’hui dans le débat public. L’universalité de la domination ne fonctionne-t-elle pas, sur certaines questions, comme une approche aberrante ? La chronologie longue, à savoir le décryptage de la totalité de l’histoire des femmes à travers le prisme du genre, ne manque-elle pas, à coup sûr, le bouleversement provoqué par des événements qui s’imposent comme des ruptures historiques ? L’histoire du quotidien, dite histoire d’en bas, n’apparaît-elle pas parfois comme une pleurnicherie apologétique ? Les opprimés sont-ils structurellement innocents ? N’y eut-il pas des femmes pauvres, peut-être même chômeuses, et pourtant résistantes, des féministes social-démocrate, antinazies, quelle que pût être la difficulté de ces dernières à conjoindre l’un et l’autre de leurs combats ?
Qu’on permette enfin à la féministe préhistorique – que je suis et m’exerce à faire progresser – d’évoquer ces jeunes gens de « La rose blanche » qui furent décapités à la hache pour avoir distribué dans l’Université de Munich, au début de l’année 1943, des tracts hostiles aux pratiques antisémites. Deux d’entre eux portaient le nom de Scholl, sang réservé et sang répandu, un frère et une sœur, une sœur et son frère… Car une jeune fille aussi, et même une femme, et même une épouse et une mère peuvent vivre en hommes libres et mourir en Mensche  : ce mot que l’allemand emprunte au yiddish et qui désigne, par-delà sexes et genres, l’humanité de certains êtres humains. Sophie Scholl aura démontré à l’immense majorité des femmes allemandes une vérité qu’elles n’ont pas su recevoir à temps. Et elle aura témoigné d’une réalité qu’il faut exposer inlassablement aux féministes naturalistes, biologisantes, moralisantes, métaphorisantes, qui fondent leurs dénégations et assoient leur confusion sur la faiblesse congénitale et la prétendue bonté innée de la sempiternelle victime matricielle. Je suis sûre que ce livre saura convaincre beaucoup d’entre elles qu’en cette affaire du moins tout, absolument tout, est histoire.
Femmes, féminismes, nazisme, ou : on ne naît pas innocent(e), on le devient

par  Liliane Kandel

Flash-back : une controverse d’historiens
En juillet 1986 éclatait en Allemagne la mémorable « querelle des historiens » (Historikerstreit) . On se souvient que l’enjeu en était, une fois de plus, la question de la réévaluation du III e Reich, cette fois-ci à travers un certain nombre de travaux historiques parus peu auparavant – où J. Habermas, à l’origine de la controverse, dénonçait avec vigueur des « tendances apologétiques » du nazisme et une nouvelle révision de son histoire. La polémique mobilisa pendant près d’un an la plupart des grands noms de l’histoire d’outre-Rhin, ainsi que de nombreux politologues, sociologues et journalistes ; elle fut également suivie avec une grande attention et largement commentée à l’étranger 1 .
Nul commentateur pourtant n’y releva un trait pour le moins surprenant : l’absence totale des femmes – que ce soit comme sujets d’étude ou comme auteurs . Leur rôle durant la période nazie ne fut pas évoqué et, dans l’épais volume qui rassemble les principales contributions au d

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