Femmes à l’épreuve de la colonisation et des indépendances

Nicole Lucas, Danielle Ohana

Description

Le récit de la colonisation française et des indépendances a longtemps fait essentiellement référence aux hommes. La moitié féminine de l’humanité semble étonnamment absente sauf dans ses dimensions exotiques ou sensuelles. Pourtant, les femmes ont accompagné, dans un silence accepté ou contraint, les vicissitudes politiques, sociales, culturelles du monde colonial et postcolonial. Depuis une trentaine d’années, anonymes ou connues, elles sortent des oubliettes de l’histoire.
L’abécédaire thématique qui structure ce volume se veut le juste révélateur des rôles déterminants qu’elles ont joués, de leurs destins intimes et particuliers dans un univers en pleine effervescence. Les multiples entrées, connectées, révèlent leur liberté, leur dynamisme. Les rendre visibles, les nommer, c’est leur redonner vie et dignité.

Sujets

• Histoire thématique
• Histoire générale
• Histoire
• Monde

Informations

• Publié par: Le Manuscrit
• Date de parution: 24 avril 2023
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782304054347
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Nicole Lucas et Danielle Ohana
Femmes à l’épreuve de la colonisation et des indépendances
Abécédaire raisonné
Enseigner autrement
é ditions Le Manuscrit Paris


ISBN 978-2-304-05434-7
© Éditions Le Manuscrit, avril 2023


Dans la même collection
Arts et histoire des colonisations françaises et des indépendances , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.), 2021
Des héros aux acteurs , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.), 2017
Arts et histoires des esclavages. Abécédaire raisonné des arts et de l’histoire des esclavages , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.), 2016
Traumatismes et Histoire. Des enjeux aux pratiques , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2013
D’une rive à l’autre , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2011
La carte dans tous ses états , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2011
Médias et mémoires à l’école de la République , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2010
Femmes et genre dans l’enseignement , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2009
Travelling sur le cinéma d’animation à l’école , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2009
Les migrations dans la classe , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2009
Regards sans frontières sur la formation des enseignants , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2008
De la manipulation des images dans les classes , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2008
Innover en classe : cinéma, Histoire et représentations , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2007
L’Afrique enseignée: territoire(s), identité(s), culture(s) , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2007
L’Europe enseignée , Nicole Lucas et Vincent Marie (dir.) , 2005


Comité scientifique/de lecture
Magali Hardouin, maître de conférences en géographie, habilitée à diriger des recherches (INSPE Bretagne)
Kina Kotlarska, Inspectrice des professeurs d’histoire et de philosophie de Veliko Tarnovo en Bulgarie
Alain Chante, maître de conférences en information et communication à l’université de Montpellier III
Claudia Martinek, enseignante au department of women and gender studies, Université de Buéa, Cameroun
Mongi Madini, maître de conférences en sciences du langage et communication à l’Université de Besançon
David Ngamassu, professeur de didactique du français langue étrangère et de littérature française à la Faculté des Arts de l’Université de Buéa au Cameroun
Gilbert Nicolas, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Rennes 2
Maribel Penalver Vicea, maître de conférences à l’université d’Alicante (Espagne)
Ronan Chérel, professeur certifié d’histoire géographie au collège Rosa Parks (Rennes) responsable revue en ligne Mediaparks
Gilles Ollivier, professeur agrégé d’histoire géographie au lycée Chateaubriand (Rennes)
Yannick Pincé, professeur agrégé d’histoire en classes préparatoires au lycée Jean-François Millet (Cherbourg) et au lycée Malherbe (Caen), docteur en histoire contemporaine


La collection
La collection « Enseigner autrement » est le fruit d’une collaboration entre des centres de formation tels que l’INSPE de Bretagne et le centre européen de Veliko Tarnovo, des équipes de recherche et d’enseignement (l’Université de Buéa au Cameroun, l’Université de Rennes, l’Université de Montpellier III, l’Université de Besançon), des professeurs et les é ditions Le Manuscrit.
Ce projet de recherche transversal et pluridisciplinaire vise à développer une façon inédite et innovante d’appréhender l’enseignement de l’histoire et de la géographie de l’élémentaire au lycée. Faire de la transmission de ces connaissances fondamentales un exercice des plus modernes doit bénéficier aussi bien aux enseignants qu’aux élèves.


Pour la couverture de ce volume, le choix s’est porté sur un des clichés personnels conservés par un officier radio depuis l’après-guerre. Ici, une jeune femme indochinoise dans son vêtement traditionnel et un enfant, dans l’esprit du temps colonial. Ces photographies de 1946-1947 sont liées à la mission du Duguay-Trouin en Indochine, à un moment crucial des relations entre la France et le protectorat. Le navire est parti de Diego Suarez à Madagascar, avec un photographe professionnel, selon une tradition installée depuis 1914 dans la marine et les services géographiques de l’armée. Tout l’équipage embarqué peut ensuite se procurer les photos et les conserver. Images d’une Indochine disparue sans doute, mais révélatrices des mentalités d’une époque.


Préambule
Deux regards d’intellectuels engagés pour souligner la dimension artistique, personnelle mais aussi civique de deux hommes, qui aux côtés des femmes, ont été marqués par le monde colonial et postcolonial. Ces deux poèmes font, à leur manière, écho à de nombreux articles présentés dans cet ouvrage.
Leopold Sédar Senghor, Chants d’ombre , Paris, Seuil, 1945
Une ode lyrique, intemporelle, où Senghor célèbre à sa manière la femme et la culture africaine. La femme y est associée à la vie, à la beauté, à la sensualité, au réconfort mais incarne aussi les racines culturelles de la terre d’origine. En somme, un hymne à la féminité où la femme est tout à la fois muse, créatrice, inspiratrice pour le poète de la négritude et pour l’humanité.
Femme noire
Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Eh voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyriques
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée
Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Eternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
Léon Gontran Damas, La Revanche du nègre , Black Label, Paris, éditions Gallimard, 1912
Un voyage poétique influencé par le surréalisme, presque ironique mais aussi un acte politique, où la poésie permet de transmettre un message, une volonté de souligner l’appartenance et l’identité des êtres colonisés.
Jamais le blanc ne sera nègre
Car la beauté est nègre
et nègre la sagesse
car l’endurance est nègre
et nègre le courage
car la patience est nègre
et nègre l’ironie
car le charme est nègre
et nègre la magie
car l’amour est nègre
et nègre le déhanchement
car la danse est nègre
et nègre le rythme
car l’art est nègre
et nègre le mouvement
car le rire est nègre
car la joie est nègre
car la paix est nègre
car la vie est nègre
t’en souvient-il ?


Présentation Une histoire partagée
« Le devoir de s’en mêler » Jean Noël Jeanneney, Pour une histoire culturelle , 1997
Aborder l’expérience des femmes au cœur des colonisations françaises et indépendances, c’est ouvrir un registre historique et culturel longtemps omis ou peu valorisé, même si « cette moitié oubliée », selon la formule de l’historienne Pascale Barthélémy, peu présente dans les faits, se révèle aujourd’hui largement dans les arts visuels ou la littérature, et les médias. En effet les femmes, partie prenante de ces événements majeurs, ont longtemps été absentes des histoires générales ou thématiques. Il est vrai que la « France civilisatrice » leur a assigné des statuts et fonctions qui les écartaient du récit dominant pendant des décennies, au nom d’un partage sexué des rôles publics et privés.
Observations liminaires
Initialement elles sont restées l’objet d’approches limitées, comme si elles n’avaient qu’un rôle passif ou d’accompagnement. De plus, la dominante masculine qu’elles subissaient s’inscrit dans une histoire politique nationale où elles étaient globalement peu présentes au nom d’un consensus général. Mais on constate désormais une évolution sensible qui s’opère par étapes en synergie avec des moments clés de l’histoire contemporaine : mouvements féministes ou syndicalistes, conflits mondiaux et coloniaux, développement de l’éducation, influence grandissante des médias, mondialisation. Des témoins et des chercheurs prennent conscience de leur place grandissante dans les sociétés et accompagnent une demande sociale et une exigence civique plus marquées depuis une trentaine d’années.
Dans le choix de cet abécédaire, on s’inscrit donc dans une ample thématique, revisitée récemment, longtemps partiellement connue, mais fort sensible qui a nourri très vite des débats passionnés, un « point de cristallisation de la réflexion fébrile qui s’est nouée autour de l’identité nationale », selon l’historien Benjamin Stora. Désormais insérée au cœur des recherches historiques et culturelles, la place de femmes n’est plus ignorée, grâce à des ouvertures et des analyses moins européano-centrées. En effet, depuis quelques années, l’historiographie, anglophone puis francophone leur porte un intérêt nouveau et des approches différenciées. Tout d’abord, les Européennes installées en Afrique ou en Asie attirent l’attention avec la publication de multiples récits de voyage, des romans ou des témoignages personnels. Yvonne Knibiehler et Régine Gout