¡Gora ETA!
139 pages
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¡Gora ETA! , livre ebook

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Description

Début 70, la dictature du général Franco n’a plus que quelques petites années de survie devant elle. Dans ces « années de plomb », jamais la tension politique et la violence n’ont été aussi intenses, particulièrement au Pays Basque.


Gérard, militant d’extrême gauche, s’est engagé dans un activisme à la frontière tant de l’Espagne que de la légalité. Treize ans plus tard, alors qu’il a pris ses distances avec la politique, il est rattrapé par ses années de jeunesse. Et si ce passé l’amenait au-delà de sa raison ?



« Il vivait trop dans son monde, un monde stérile et absurde où la mer n’avait de voix que pour faire du bruit, où la vie faisait écho sans qu’il puisse s’apercevoir qu’elle était, depuis la nuit des temps, une énigme obsédante de l’univers qui ne trouverait jamais de réponse. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 janvier 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782383513469
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

¡Gora ETA!
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
Bernard Déliane
¡Gora ETA!

 
Les personnages de ce roman sont fictifs. Pour autant, si certains veulent s’y reconnaître, grand bien leur fasse.
 
« Nous étouffons parmi les gens qui pensent avoir absolument raison »
Albert Camus
dans Les Temps Modernes , 1952
« Tout ce qui se dépose en nous, année après année, sans que l’on s’en aperçoive : des visages qu’on pensait oubliés, des sensations, des idées que l’on était sûr d’avoir fixées durablement, puis qui disparaissent, reviennent, disparaissent à nouveau, signe qu’au-delà de la conscience quelque chose vit en nous qui nous échappe, mais nous transforme, tout ce qui bouge là, avance obscurément, année après année, souterrainement, jusqu’à remonter un jour et nous saisir d’effroi presque, parce qu’il devient évident que le temps a passé et qu’on ne sait pas s’il sera possible de vivre avec tous ces mots, toutes ces scènes vécues, éprouvées, qui finissent par vous charger comme on le dirait d’un navire. »
Laurent Gaudé
Dans Écoutez nos défaites,
Babel, Actes Sud, 2016


Première partie 1973 – 1974


1
Saint-Sébastien, province de Guipuscoa, Pays basque, septembre 1973
Il faisait encore chaud en cette fin septembre 1973. Attendre le début de soirée pour que l’humidité de la mer Cantabrique s’enfonce vers l’arrière-pays et que le chirimiri 1 recouvre la vieille ville.
La caserne de la Guardia Civil dans le quartier d’Alde Zaharra montrait sa façade austère à l’angle de l’avenue José Antonio et de la petite rue des Carmes. Ancien couvent, elle avait été restaurée dans le style cher au Caudillo Franco à la fin des années cinquante. Lourds renforcements à base de porches et d’arcades, de soubassements en pierre et force de détails sur les corniches et les frontons, le tout orné du blason espagnol protégé par un aigle glorifiant le coup d’état militaire de 1936.
À l’intérieur, sur six niveaux, un labyrinthe de pièces, de bureaux, de salles aux fonctions bureaucratiques plus ou moins secrètes.
Le rez-de-chaussée abritait l’administration et, particulièrement, la Sûreté en charge de la « délinquance politique » qui occupait une grande partie du plain-pied. Au-dessus, directement, se trouvaient les appartements de la hiérarchie côté aile nord, et la logistique, aile sud. Dans les trois étages supérieurs, les logements qui hébergeaient, encasernés et repliés sur eux-mêmes, les militaires et leurs familles. Et puis au sous-sol, entre les vestiaires et la vieille salle de sport, les pièces affectées aux interrogatoires et les cellules. La réputation du Cuartel Central de la Guardia Civil n’était plus à faire. La souffrance et la rage avaient imprégné ses murs.
Pour la troisième fois de la journée, le Capitan Carrero remit sa veste d’uniforme. On allait pouvoir amener les etarras 2 dans son bureau. Ces deux-là avaient été arrêtés au cours de la nuit dernière. Ils avaient tenté de franchir un barrage à la sortie de la ville. Des coups de feu avaient été échangés. Jusqu’à maintenant, on les avait laissés macérer dans leurs cachots.
Le Capitan Carrero connaissait bien les Basques. Il vivait à Saint-Sébastien depuis deux ans. Pendant ces longs mois, il s’était aguerri à la lutte contre tous ces subversifs. On l’avait fait venir spécialement de Madrid. Ici, on préférait confier la responsabilité de la direction des opérations anti-basques à un « étranger ». Il existait certainement des autochtones tout à fait capables, mais en territoire ennemi, aucune hésitation, aucune faille n’était permise. Ces dernières années, le Capitan Carrero avait su faire ses preuves, dans plusieurs régions d’Espagne, contre les cellules communistes clandestines. Il avait à son actif quelques célèbres coups de filet qui croupissaient dans les prisons en Castille ou en Andalousie, et même une arrestation qui s’était terminée au garrote vil 3 .
Le Capitan Carrero s’épongea le front puis remit le mouchoir en soie dans sa poche. L’homme et la jeune femme n’avaient pas ouvert la bouche depuis leur arrestation. On avait lâché quelques torgnoles à leur arrivée. Le commissariat général à San Sebastian avait sa réputation. Sans résultat. Ces deux-là n’avaient rien dit. On supputait la prise de choix.
Le Capitan Carrero se leva et se regarda dans le miroir qu’il avait fait installer sur le mur en face de son bureau, à côté de la porte. Il s’y admira debout. Un visage carré, volontaire, des petits yeux vifs, un nez droit, un peu épaté au niveau de la pointe, de grandes narines rondes et une bouche sans lèvres, un simple trait inexpressif, quoique… Il ne souriait jamais. Il trouva, une fois encore, que l’uniforme lui seyait bien. Il se tenait très droit, mettant en avant son port militaire. Ses cheveux bruns étaient rabattus en arrière, fortement maintenus par de la gomina. La ceinture à boucle argentée retenait un ventre qui commençait à être encombrant, témoignage de son ascension hiérarchique et, cela va de soi, de sa position sociale. Il tripota nerveusement sa cravate, puis ressortit le mouchoir pour, une fois encore, s’éponger le front.
Maldita calor ! Maudite chaleur ! Ce climat chaud et humide. Il ne s’y faisait vraiment pas. Au Pays basque non plus d’ailleurs. Tout le reste, il l’avait accepté. Et avant tout, celui de s’assurer que les ordres de Madrid soient bien exécutés, un point c’est tout. Pas vraiment des responsabilités. Alors, il exécutait… Mais pas comme il l’eut souhaité, pas en refroidissant systématiquement ces hors-la-loi, manière de montrer à la populace locale que la force restait à la Loi. Non. Ces deux-là, d’ailleurs, comme les autres grosses prises, allaient être rapidement envoyés à Madrid puis incarcérés en attendant un procès qui ne viendrait que des années plus tard. À Carabanchel, Alcalá de Henares ou encore Palma de Majorque. Pour lui, plutôt que des prisons, des planques. Des ergastules où se renforçaient les noyaux subversifs clandestins. En Espagne, c’était en taule qu’on faisait le plus de politique. C’était là que proliférait la chienlit. Et avec ça, les « libéraux » qui faisaient pression sur le Caudillo pour amadouer l’Europe. Le généralissimo ne se méfiait pas assez. Depuis combien de temps on n’avait plus garrotté d’ailleurs ?
C’était cela, plus que tout, que le Capitan Carrero ne supportait plus. Avec d’autres policiers, et pas qu’eux, il avait décidé de passer aux actes, en marge de ses fonctions légales. D’autres compagnons avaient déjà agi de ce côté des Pyrénées ou de l’autre. Discrets et rapides. Avec l’efficacité comme force et la vengeance comme unique credo. La presse les avait dénommés le « Bataillon basque espagnol » et avait assuré qu’ils étaient liés aux services spéciaux de l’État. Tout ça, lui, il n’en savait rien, même s’il pensait que les actions qu’ils menaient bénéficiaient plus ou moins de soutiens officieux. Des enlèvements dans la rue, des corps retrouvés dans les décharges ou remontant à la surface des cours d’eau, sans s’embarrasser de principes et sans qu’il y ait de vagues. Être logique et rationnels. L’ETA tuait en Espagne un général en retraite, un fonctionnaire de la Guardia Civil, et, quelques jours plus tard, un séparatiste, réel ou présumé, était abattu dans une rue de Bilbao ou de Bayonne, côté France. Qu’il ait eu un rôle dans l’assassinat ou pas. On ne s’arrêtait pas à ce genre de subtilité. Œil pour œil d’un côté ou de l’autre des Pyrénées. Objectif : frapper vite et dur.
En attendant, le Capitan Carrero avait déjà participé à quelques virées dans les quartiers plébéiens de Saint-Sébastien, pistolets mitrailleurs bien en évidence, masqués et sans l’uniforme. Rien à dire, c’était bien dans l’action qu’il se sentait le mieux. Pouvoir exhiber toute sa haine des ennemis de l’Espagne. Là, et pas derrière son bureau…
Aujourd’hui, en tout cas, le Capitan Carrero avait décidé de passer à l’action.
Décidément, l’uniforme de capitaine lui allait comme un gant. Les gants, il ne les mettrait pas. Mais il coifferait tout de même sa casquette. Mais qu’est-ce qu’il étouffait dans ce satané bureau...
Le Capitan Carrero décida de changer de mouchoir. De minuscules gouttelettes de sueur n’arrêtaient pas de se former à la racine de ses cheveux. Le Capitan Carrero était très méticuleux, obsessionnel même. Bien sûr, il répertoriait consciencieusement toutes les informations qu’il recevait sur les séditieux, pour autant il n’oubliait jamais, non plus, chaque lundi de déposer dans le deuxième tiroir de gauche de son bureau une provision de mouchoirs en soie qu’il estimait suffisante pour éponger ses sueurs quotidiennes. Il avait les mouchoirs en papier en horreur.
Oui. Aujourd’hui, il avait bien réfléchi. Ces deux-là ne lui fileraient pas entre les doigts. Et s’ils « filaient », ce ne sera pas vers la tranquillité des maisons d’arrêt.
Le Capitan Carrero saisit son téléphone et appela le poste de garde, la guérite dans la rue, juste à la droite de la fenêtre de son bureau. Il s’assura que le militaire en poste avait bien enlevé la sûreté de son pistolet mitrailleur, « ce qui était normal en service ».
Il ouvrit ensuite la bow-window qui s’avançait sur la façade, laissant le dernier rayon de soleil de San Sebastian pénétrer dans la pièce. Pour une fois, cela servirait d’exemple.
Son vieux pistolet modèle Star 1921, celui créé par Bonifacio Echeverria lui-même et cadeau de son père à son engagement dans la Guardia Civil, traînait devant lui sur le bureau. Il s’assura qu’il était prêt à fonctionner.

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