Histoire de l idée de guerre sainte
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Histoire de l'idée de guerre sainte , livre ebook

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Description

Alors que les idées de croisades et de djihad alimentent quotidiennement les angoisses individuelles et attisent l'hystérie collective, l'auteur retrace la genèse de l'idée de guerre sainte dans les plus anciens écrits de l'Antiquité, et en décrit les sinueux avatars jusqu'au seuil de notre siècle. Il montre ainsi que la peur engendrée par le terrorisme n'a rien de nouveau, mais aussi qu'elle peut naître de formes anodines et inattendues de l'idéologie dans laquelle chacun baigne sans se poser la moindre question. En éclairant la nature sombre de la guerre sainte dans un texte documenté et un style simple dépourvu de moralisme banal, cet essai contribue à ramener la quiétude dans les esprits et à en chasser la terreur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 mars 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342047356
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Histoire de l'idée de guerre sainte
Jacques G. Ruelland
Connaissances & Savoirs

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Connaissances & Savoirs
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Histoire de l'idée de guerre sainte
 
Illustration de couverture :
© Souren Yéretsian. Nous sommes la résurrection de nos enfants . Montréal, QC, 2002. Huile de moteur (usagée), rehaussée de peinture à l’huile, sur bois pressé, 2,44 x 7,32 m (8 x 24 pieds). Gracieuseté de l’artiste.
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://www.ruelland.ca
 
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
Il n’y a jamais eu de bonne guerre ni de mauvaise paix.
Benjamin Franklin, Lettre à J. Quincy.
 
 
La guerre est un sujet de réflexion bien connu, toujours d’actualité, mais malheureusement trop peu exploité. Le présent ouvrage veut apporter sa modeste contribution à la réflexion sur les fondements des idéologies « belliqueuses » en insistant sur la nécessité de débuter un nouveau millénaire en paix, dans la sérénité et la quiétude d’une pensée enfin libérée de tout carcan idéologique justifiant la violence et la guerre.
Le texte que l’on retrouve ici a fait l’objet d’une publication partielle en 1985, sous le titre « La notion de guerre sainte », dans la revue Critère 1 , de Montréal, disparue en 1986. En 1993, il a aussi fait l’objet d’une publication, maintenant épuisée, dans la collection « Que sais-je ? » (n o 2716) des Presses universitaires de France, sous le titre Histoire de la guerre sainte. Nous avons toutefois apporté quelques précisions au texte original, et augmenté le tout de détails supplémentaires.
 
 
 
1. La guerre et la guerre sainte
 
 
 
La guerre est donc divine en elle-même, puisque c’est une loi du monde.
Joseph de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg.
 
 
 
La guerre est une forme de violence méthodique et organisée, limitée dans le temps et l’espace, et soumise à des règles juridiques particulières extrêmement variables suivant les lieux et les époques 2 . La guerre sainte a une finalité religieuse ; elle est menée pour le triomphe et la propagation d’idées religieuses particulières ; ses motifs sont religieux, ses actions sont entreprises sous la protection des dieux, et les soldats qui y participent reçoivent des récompenses spirituelles accordées par leur religion. Participation ou implication des dieux et récompenses spirituelles (remise des péchés, vie éternelle) sont les deux conditions qui font de la guerre une guerre sainte.
La notion 3 de guerre sainte apparaît dans la civilisation occidentale avec les mythologies de l’Antiquité. Mais on peut dire que, parmi les peuples pratiquant une religion monothéiste, les Hébreux ont été les premiers à intégrer cette notion à leur idéologie. Cette notion a d’ailleurs beaucoup évolué. La conception primitive de la « guerre-conquête » et du « Dieu des Armées » a fait place, après la déportation des Juifs à Babylone, à une notion de « guerre-vengeance » où Yahvé punit les infidèles – tant les Israélites idolâtres que les ennemis du Peuple élu – et à une notion de « guerre-désastre » où Yahvé, miséricordieux et bon, n’est plus responsable des guerres et ne les commande plus. Cette dernière notion de guerre sainte annonce une réorientation de la religion juive vers le pacifisme et correspond à l’idée de guerre que le Christianisme a léguée à la civilisation occidentale moderne, où la guerre est vue comme une calamité dont la bêtise humaine est seule responsable. Selon nous, la « guerre-désastre » ne saurait être à l’origine des diverses conceptions médiévales de la guerre sainte : le djihad islamique et la croisade catholique.
Notre propos est de montrer ici que toutes les notions de guerres saintes ne sont pas équivalentes, et que leurs finalités réelles en font des entreprises qui ne sont « saintes » qu’en apparence…
 
 
 
2. La guerre sainte et la guerre sacrée
 
 
 
Le prétendu Dieu des armées est toujours pour la nation qui a la meilleure artillerie, les meilleurs généraux.
Ernest Renan, Dialogues et Fragments philosophiques.
 
 
 
L’expression « guerre sainte » est surprenante. Elle semble inappropriée pour désigner ce qui, en fait, a été « sacralisé ». En quoi la guerre, qui est bien l’œuvre des hommes, peut-elle être « sainte » ? On pourrait établir la distinction suivante : est « saint » ce qui tient son caractère de sainteté de Dieu lui-même ; le caractère de sainteté fait ainsi référence à la transcendance ; est « sacré » ce qui fait l’objet de la vénération des humains, et dans ce cas-là, la sacralisation fait référence à la transcendantalité. On parlerait ainsi de la « sainte » bible, mais on dirait de certaines vaches (en Inde) qu’elles sont « sacrées » (et non « saintes »). Cette distinction se voit aussi très bien en langue anglaise, où le terme holy désigne ce qui a été sanctifié directement par Dieu, alors que l’adjectif sacred décrit plutôt la vénération portée par les humains à certaines choses ; ainsi, les Anglais parleront de la « sainte » bible en la désignant par l’expression Holy Bible (avec des majuscules), alors qu’ils qualifieront la musique « sacrée », par exemple, par le terme sacred. La bible est « sainte » en elle-même, de par son origine propre d’écriture… sainte ou divine (holy scriptures), alors que la musique, œuvre humaine par excellence, ne peut être « sainte », mais seulement « sacrée » 4 .
Le fait que nous parlions alors d’une certaine forme de guerre en la qualifiant de « sainte » – la « guerre sainte » (en anglais : holy war ) – tend à signifier que cette guerre est sainte en soi, c’est-à-dire qu’elle acquiert son origine divine de la volonté même de Dieu, et n’est pas la seule œuvre des hommes. De la même façon, nous parlons d’un « saint » homme, et non d’un homme « sacré » – même si, paradoxalement, il fait l’objet de la vénération de ses semblables, car sa sainteté lui vient directement du fait que Dieu l’a « choisi » pour être saint. Le terme « saint » recouvre ainsi un ensemble de réalités morales étrangères au terme « sacré », notamment celle d’être un « élu » de Dieu.
Il est intéressant de noter que cette distinction entre « saint » et « sacré » ( holy et sacred en anglais) n’existe pas dans toutes les langues, notamment en allemand, où l’adjectif heilig recouvre l’une et l’autre des qualifications. C’est ainsi que, au Moyen Âge, ce qui devait s’appeler en latin le Sacrum Romanum Imperium Nationis Germanicæ (littéralement : « l’Empire romain sacré de la nation germanique ») est devenu, par le fait du glissement sémantique dû à la présence du seul adjectif heilig en allemand, le Saint Empire romain germanique » : Heiliges römisches Reich deutscher Nation (ou Holy German Roman Empire en anglais). Cet État d’Europe centrale, fondé en 962 par Othon I er le Grand et dissous en 1806 par Napoléon, ainsi désigné à partir du XV e siècle, connut en fait diverses appellations : « Empire romain » en 1034 ; « Saint Empire » en 1157 ; « Saint Empire romain » en 1254 5 .
L’expression « guerre sainte » serait-elle due à une sorte de glissement sémantique comparable à celui qui transforma historiquement « l’Empire sacré » en « Saint Empire », ou désigne-t-elle adéquatement une réalité sainte en soi, c’est-à-dire, en dernière analyse, une œuvre de Dieu ? Cette question appelle en fait deux réponses. Il est certain que, dès son origine la plus lointaine, dans l’antique tradition hébraïque (que nous examinerons plus loin), la « guerre sainte » pouvait paraître bel et bien « sainte » dans le sens où elle était effectivement, pour les Hébreux de ce temps, l’œuvre de Dieu. Toutefois, d’après Joseph Joblin,
À la différence des dieux païens, le Dieu d’Israël ne combat jamais par lui-même : son intervention dans l’histoire doit plutôt être regardée comme un jugement qui anéantit ceux qui pèchent et s’opposent à son dessein de salut 6 .
En conséquence, les Hébreux n’auraient jamais pu parler de « guerre sainte » (en supposant qu’ils connussent une telle expression) comme ils parlaient d’« Écriture sainte » – ou de « peuple saint » dans le sens de « Peuple élu », par exemple. Dès son origine, la notion de « guerre sainte » recouvre donc une réalité qui correspond en fait à ce qu’il eût fallu appeler la « guerre sacrée ».
D’un autre côté, l’expression « guerre sainte » est récente – ainsi que son usage ; dès lors, les hommes estimant que Dieu ne peut faire lui-même la guerre, puisque celle-ci est alors vue bien plutôt comme l’œuvre du Malin que celle du Bien (et le Dieu d’Israël ne combattant jamais lui-même, comme nous venons de le voir), l’usage de tels mots ne peut être que sémantiquement erroné – ou simplement métaphorique. Autrement dit, selon nous, les mots « guerre sainte » ne font référence à aucune réalité qu’une quelconque théologie occidentale actuelle pourrait définir.
Pourquoi alors persiste-t-on à utiliser une telle expression ? Parce qu’elle permet d’opposer à la guerre d’origine religieuse (sinon divine) un autre genre de guerre, d’origine laïque (sinon humaine) cette fois : la guerre juste. Le glissement de sens entre, d’une part, le registre du religieux et celui du divin et, d’autre part, celui de la laïcité et celui de l’humain, est bien manifeste. C’est sur cette base que nous examinerons plus loin la notion de guerre juste. Mais commençons par la guerre sainte.
 
 
 
3. Les Hébreux et la guerre sainte
 
 
 
Depuis six mille ans, la guerre
Plaît aux peuples querelleurs,
Et Dieu perd son temps à faire
Les étoiles et les fleurs.
Victor Hugo, Les Chansons des

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