La Gloire des Bleuets
360 pages
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La Gloire des Bleuets , livre ebook

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Description

« Ma chère fiancée, J'ai reçu ta lettre ce matin, juste au moment de partir et je t'en remercie beaucoup. Mais contrairement à ce que tu me dis, il y a plus de grabuge qu'on ne le pense. Nous allons en ce moment sur la frontière, et pour la première étape, nous nous sommes enfoncés de soixante-dix kilomètres, nous sommes arrivés à 4 heures du soir et nous repartons à 2 heures du matin sur Verdun. Mais heureusement nous sommes des gais et joliment bien équipés, ça serait malheureux de laisser ça là. Le plus pénible pour moi, ça a été les pauvres cultivateurs qui sont venus apporter le matin tous leurs chevaux réquisitionnés et qui s'en retournaient avec le licol en pleurant. Dans tous les pays où nous passons c'est le même trafic, des pleurs partout. » Exceptionnelle et touchante, cette correspondance entre un soldat et la femme qu'il aime alors que la Première Guerre mondiale approche, éclate... et perdure inlassablement. Plus particulièrement, c'est le ton même du combattant qui étonne tout au long de ces lettres, mêlant légèreté et gravité, ironie et lassitude, terribles nouvelles et espérances de retrouvailles prochaines. Comme s'il s'agissait, finalement, de dédramatiser la situation présente pour mieux se projeter dans un avenir que l'on veut clément. En cela, "La Gloire des bleuets" nous immerge, de manière saisissante et bouleversante, au sein d'une jeune génération française qui vit ses projets toujours retardés et mis entre parenthèses à cause du premier conflit du XXe siècle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 novembre 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342030884
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Gloire des Bleuets
Sylvie Duquesne
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
La Gloire des Bleuets
 
 
 
 
Préface
 
 
 
Adieu cavalerie !
Dans cet ouvrage publié en 1979, sous-titré : La Marne. Bataille gagnée… Victoire perdue , le général René Chambe (1889-1983), alors nonagénaire, mais jeune sous-lieutenant chef de peloton au 20 e régiment de dragons en septembre 1914, se désole de la non-exploitation de la victoire de la Marne par l’état-major français. « Ceci n’est pas le procès de la cavalerie, précise-t-il, mais celui de la façon dont cette arme ardente et magnifique a été engagée, ou plutôt n’a pas été engagée, à la bataille de la Marne, faute d’avoir eu à sa tête un chef jeune et dynamique digne d’elle. » C’est le général Conneau, commandant du corps de cavalerie qui porte son nom (auquel appartient le 20 e dragons) , qui est visé par cette remarque.
« Constitué en août pour permettre au Grand Quartier Général de disposer d’une force de manœuvre très mobile, écrit Jean-François Brun 1 , enseignant-chercheur à l’Université de Saint-Étienne, ce corps aligne trois divisions de cavalerie, soit seize régiments montés, trente-six pièces de 75 mm, trois groupes (équivalant à trois bataillons) de chasseurs cyclistes, trois sections de sapeurs cyclistes et une escadrille de six avions d’observation. Il a en outre été renforcé d’un régiment d’infanterie (trois bataillons, soit un peu plus de 3 000 hommes) transporté dans des autobus réquisitionnés. Combinant les divers moyens de locomotion en usage à l’époque, le corps de cavalerie possède une véritable capacité de déplacement qui tranche sur la mobilité restreinte des fantassins qui forment l’essentiel des corps d’armée de l’époque. » Et pourtant, son « inaction » a souvent été dénoncée.
Fort de son expérience personnelle et de celle de ses camarades, René Chambe se dit certain que la cavalerie aurait pu s’engouffrer dans l’espace créé par l’offensive française du 6 septembre entre les I re et II e armées allemandes, transformant ainsi une indéniable victoire en triomphe ; il pense même que ce succès décisif aurait pu permettre aux Alliés d’imposer la paix à l’Allemagne et d’épargner au monde quatre années de guerre de tranchées. Cette vision des choses est sans doute bien trop optimiste, même si la possibilité de mouvement rapide conférée par la cavalerie existait et aurait pu grandement améliorer la position des Franco-Britanniques. Dans son livre – et le titre en est symptomatique –, René Chambe regrette surtout la fin du rôle éminent de son arme, qu’il a lui-même rapidement quittée, en décembre 1914, pour rejoindre l’aviation. Rien ne pouvait cependant arrêter cette évolution de la cavalerie, rendue inéluctable par les « progrès » des armes modernes.
Réné Duquesne a lui aussi vécu la mort de la vieille cavalerie figée depuis l’époque de Napoléon. Lui aussi s’est retrouvé plongé au cœur des dramatiques combats des mois d’août et de septembre 1914. Les témoignages sur la vie et l’action de ces derniers cavaliers, ceux de la Grande Guerre, ne sont pas si nombreux, bien moins nombreux en tout cas que ceux qui concernent des fantassins ou même des artilleurs. C’est le premier intérêt, mais non le seul, de la correspondance ici publiée pour la première fois.
Né le 31 mars 1891 à Penchard, dans le canton de Meaux, en Seine-et-Marne, cet agriculteur a lui aussi appartenu, du 3 au 18 septembre 1914, au corps de cavalerie Conneau, au sein de la 3 e brigade de cuirassiers de la 4 e division de cavalerie. Pieusement conservée dans sa famille, les lettres qu’il a adressées à sa fiancée, puis épouse Germaine Maillet, une Parisienne dont les racines plongent en Vaucluse, couvrent une longue période qui commence avant-guerre pour s’arrêter après l’Armistice.
Elles décrivent d’abord sa période de service militaire, qui débute avec son incorporation, le 1 er octobre 1912, au 6 e régiment de cuirassiers, stationné dans cette Argonne qui, deux ans plus tard, sera le théâtre de très durs combats. En ce temps-là, pourtant, Sainte-Menehould n’est qu’une place de troisième ordre, en Champagne, qui fait partie avec Reims du second rideau défensif de la France dans le cadre du réseau de fortifications Séré de Rivières. Située à près de deux cents kilomètres de la « Ligne bleue des Vosges », elle est toutefois assez proche de l’une des quatre citadelles sur lesquelles s’appuie le système, Verdun (les autres étant Toul, Épinal et Belfort).
On possède déjà quelques récits de service militaire de cavaliers – le plus célèbre étant celui, romancé, de l’écrivain Georges Courteline, les Gaîtés de l’escadron (1886) –, mais les lettres de René Duquesne à sa « bonne amie » nous décrivent une ambiance assez éloignée de l’effervescence patriotique censée animer les citoyens de la III e République. René Duquesne ne cesse en effet de pester contre la vie de caserne, contre son séjour dans ce « maudit quartier », qui porte le nom de la victoire, proche géographiquement de Sainte-Menehould, de Valmy (1792). « Au plus tôt la fuite ! », s’exclame-t-il. En bon Français, il rouspète beaucoup contre les corvées, les permissions trop courtes (et pourtant celles des agriculteurs sont généreusement octroyées) et la restriction de sa liberté. Dans chaque lettre, il rappelle à sa fiancée son « chiffre » (158, 111…) : le nombre de jours qu’il « lui reste à tirer » avant « la quille ».
En fait de quille, c’est la guerre qui l’attend. Dès le 28 juillet 1914 il fait état de bruits de bottes et de sabots. « Ne t’en fais pas, écrit-il à Germaine. J’ai touché un sabre qui coupe bien. » Car les cuirassiers sont toujours équipés de cette arme. René Duquesne sert dans cette cavalerie lourde qui fait encore l’objet de toutes les attentions, en dépit des leçons des guerres récentes – et moins récentes, comme celle de 1870-1871, avec la célèbre, héroïque, mais sanglante et désastreuse charge dite « de Reichshoffen » –, qui ont montré la primauté absolue des armes à feu et surtout d’artillerie sur le champ de bataille. On a de lui une magnifique photographie qui le montre en uniforme, avec son sabre, sa cuirasse et son casque de cuivre. Tout équipé, il ne pèse pas moins de quatre-vingt-seize kilos !
Le cavalier râleur d’avant-guerre ne conteste pas – et il ressemble ainsi à l’immense majorité de ses contemporains – le bien-fondé de ce conflit que l’Allemagne impose à la France le 3 août. La France doit se défendre puisqu’elle est agressée. Les scènes qu’il décrit au moment de la mobilisation ne ressemblent pas à celles que l’on peut voir dans les grandes villes, et notamment à Paris. Point d’enthousiasme, mais de la résignation mêlée de tristesse. On entend « des pleurs partout », écrit celui qui se sent particulièrement proche de ces agriculteurs obligés de mener à la caserne leurs chevaux réquisitionnés. Toutefois, il n’est pas question de ne pas faire son devoir. Bon soldat, René Duquesne obtiendra près de quatre ans plus tard la croix de guerre et une citation.
C’est avec le corps Conneau que le 6 e cuirassiers entre en Belgique au début de la guerre. René Duquesne a la chance de survivre au cataclysme des 20-23 août (batailles des frontières) au cours desquels l’armée française compte des dizaines de milliers de tués, et autant de blessés et de prisonniers. « Nous avons du dur travail qui nous distrait et fait oublier tout », note-t-il sobrement. Si à ce moment-là il croit encore – comme tout le monde – à la bataille décisive qui décidera du sort de la guerre, il déchante après le rétablissement des Allemands à l’issue de la bataille de la Marne, qui n’a pas vu de cavaliers envoyés aux trousses des Allemands, un moment désemparés. Entre-temps, il s’est ému de la brève occupation de Penchard par l’ennemi. À l’approche de l’hiver il lui faut se rendre à l’évidence, « cette sale guerre n’a pas encore l’air de vouloir finir si tôt ».
En effet, les hommes s’installent dans les tranchées, où il n’y a pas de place pour les chevaux, ces « pauvres dadas », dont parle le cuirassier. Les cavaliers sont alors démontés (mis à pied) ou ils sont tenus en réserve à l’arrière en cas de percée, qui ne se produit jamais avant l’été de 1918. Le métier de fantassin déplaît beaucoup à René Duquesne. « Te parler de la guerre, ça me dégoûte », confie-t-il à Germaine. Et à une cousine qui lui demande des nouvelles de son « bon ami », versé dans un régiment de ligne, il ne veut pas « lui dire la vérité, elle en tomberait malade ». La guerre, la vie au front, forment un ensemble qu’il appelle le « bazar », terme évidemment fort péjoratif. En même temps, il s’efforce de rassurer sa fiancée. Si la guerre est dangereuse, c’est seulement pour les autres. « La santé est toujours aussi bonne et je ne pense pas faire de sitôt un maccabé ( sic ) », lui affirme-t-il. Ce genre de formule revient souvent sous son crayon : « Le secteur continue à être tranquille, tu n’as pas à t’en faire » (26 novembre 1916). Pour lui les responsables de la guerre ne sont ni les militaires, ni les patrons, ni les hommes politiques, ce sont les Allemands. Il développe donc des arguments qui conduisent à relativiser les dires de ceux qui ont cru qu’il n’y avait dans les tranchées que des « ennemis fraternels » 2 . « Un bon coup dans les reins, ils n’y a rien de tel pour les apaiser », écrit-il à propos de ceux qu’il ne désigne que sous le nom de « boches ».
Dans les cantonnements, la guerre se mue bientôt en un « train-train quotidien » pareil à d’autres.

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