La tristesse est un mur entre deux jardins
110 pages
Français

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La tristesse est un mur entre deux jardins , livre ebook

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Description

Ce livre est le fruit d’une rencontre inédite entre une historienne française et une avocate algérienne, toutes deux différemment engagées dans le mouvement de libération des femmes. Leurs échanges nourris portent sur les sujets qui traversent le débat intellectuel et la société française : la France et l’Algérie, la mémoire et l’histoire, la domination masculine, le retour du religieux, le féminisme et les vifs débats qui l’animent autour de la question de la différence et de l’universel. Un texte d’une grande richesse qui renouvelle notre approche du féminisme. Michelle Perrot est historienne, professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris-Diderot. Ses travaux pionniers font d’elle l’une des initiatrices de l’histoire des femmes en France. Elle a notamment dirigé avec Georges Duby L’Histoire des femmes en Occident. Wassyla Tamzali est écrivaine, avocate et intellectuelle féministe algérienne. Elle s’engage au Front des forces socialistes à l’ouverture démocratique en Algérie (1989-2003). Ancienne directrice des droits des femmes à l’Unesco à Paris, elle fonde en 2015 et dirige les Ateliers sauvages, un centre de résidence et de création en art contemporain à Alger. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 octobre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738156945
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le titre de ce livre est une citation de Khalil Gibran extraite du Sable et l’Écume. Aphorismes , Paris, Albin Michel, 1990. Traduction de l’arabe Jean-Pierre Dahdah.
© O DILE J ACOB , OCTOBRE  2021 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5694-5
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Introduction

Au printemps 2020, Michelle Perrot, historienne, et Wassyla Tamzali, avocate, reçurent de la part d’Odile Jacob une proposition à première vue inattendue et originale : accepteraient-elles d’échanger sur les problèmes du temps, de l’Algérie, de la mémoire et de l’oubli, des femmes, du féminisme, du foisonnement des différences ? Au vrai, de ce qu’elles voudraient. Occasion, peut-être, après tant d’années d’expériences diverses, d’aller plus loin sur des chemins où elles s’étaient croisées, sans vraiment se rencontrer. Elles acceptèrent. Le dialogue se poursuivit d’octobre 2020 à mai 2021, dans les conditions imposées par le Covid-19, et sans cesse relancé par l’actualité.
On en trouvera ici plus que l’écho.

Lettre de Michelle Perrot
Notre échange épistolaire, poursuivi depuis près d’un an, s’achève. Il est temps d’en prendre la mesure, pour nous et pour nos lecteurs. Son initiative revient à Odile Jacob, désireuse de susciter un dialogue entre deux femmes, différemment engagées dans le mouvement de libération des femmes, de part et d’autre de la Méditerranée, à un moment d’intense interrogation sur l’Algérie, la mémoire, le decolonial , le féminisme, le retour du religieux, les problèmes identitaires. Un paysage qui se brouille et dont on ne discerne pas toujours le dessin.
Cette proposition rejoignait votre étonnement, voire votre colère, de constater qu’au nom de la différence des femmes, en Algérie et ailleurs, consentent à leur sujétion, renoncent à l’universel qui a été le combat de toute votre vie. Vous avez accepté la proposition d’Odile Jacob, tout en vous interrogeant sur la pertinence d’un dialogue avec quelqu’une qui vous paraissait à la fois lointaine, sans doute insuffisamment informée de l’Algérie, et trop proche pour que la discussion soit percutante.
Pour ma part, passé la surprise du coup de fil de Boris Cyrulnik, médiateur persuasif, en mai 2020, j’ai vite acquiescé. L’Algérie faisait partie de l’horizon de ma jeunesse. À la Sorbonne, j’avais suivi les cours de Charles-André Julien, spécialiste de l’Afrique du Nord ; j’avais rencontré, au Groupe des étudiants d’histoire, deux amies martiniquaises de Frantz Fanon, Mado et Suzy, et lu sans doute sur leur conseil Peau noire, masques blancs. En septembre 1951, j’avais participé à un voyage étudiant qui nous avait fait découvrir Bougie, Constantine, Alger, les ruines romaines, la Kabylie, les Aurès où nous n’avions pu pénétrer ; en raison de désordres, nous dit-on, la route de Batna était interdite, les militaires montaient la garde. J’avais été éblouie par la beauté du pays, passionnée par les contacts que des organisateurs nous avaient ménagés, troublée par le malaise, voire l’angoisse que j’avais perçus et par ce que j’avais appris sur les massacres de Sétif et les tensions sous-jacentes. Je devins une adepte de Messali Hadj et de Ferhat Abbas, lectrice de la littérature algérienne – Mohamed Dib, Kateb Yacine, Mouloud Feraoun – que, nommée professeure au lycée de jeunes filles de Caen à l’automne 1951, je tentais de faire connaître à mes élèves. À partir de 1954, les « événements d’Algérie », comme on disait alors, nous mobilisèrent à Caen, autour des premiers « rappelés », surtout chrétiens, qui très vite témoignèrent sur les tortures, puis autour de Pierre Vidal-Naquet, assistant à l’université, qui nous révéla le drame de Maurice Audin. Le viol de Djamila Boupacha, que défendait Gisèle Halimi, nous horrifia. La guerre d’Algérie fut, si j’ose dire, « notre » guerre, celle qui acheva de nous rendre conscients des crimes de la colonisation. Nous l’avons dénoncée et combattue autant que nous avons pu, portant même quelques valises en nous prenant pour des résistants. Après l’indépendance, nous avons espéré que l’Algérie serait un État modèle de la décolonisation, donnant l’exemple de l’égalité des sexes en terre d’islam. Dans les moudjahidates montées au maquis, je voyais une avant-garde prometteuse. Par la suite, Annie et Benjamin Stora, Assia Djebar, aujourd’hui Leïla Sebbar, sont devenus mes amis et je lis et admire leurs œuvres respectives. L’Algérie s’est éloignée, mais je ne l’ai jamais vraiment perdue de vue.
Dialoguer avec vous, Wassyla, était un cadeau inespéré. Je connaissais vos engagements, vos responsabilités à l’Unesco où vous avez dirigé durant plusieurs années le programme pour l’égalité des sexes. Je vous avais rencontrée, furtivement, dans des réunions féministes, ou au cours de la campagne d’Aït Ahmed dont le FFS avait suscité un grand intérêt en France à la fin des années 1980, balayé par la sinistre victoire des islamistes aux élections de janvier 1992. Nous avions beaucoup d’amies communes – Sophie Bessis, Laure Adler, Liliane Kandel… Surtout, j’avais lu vos livres : Une éducation algérienne 1 , remarquable témoignage sur votre histoire familiale, ses joies dans la maison odorante de l’enfance, d’où « on voyait la mer de partout », la présence de votre mère, d’origine espagnole et si remarquablement ouverte au monde, ses drames : l’assassinat de votre père, sur les ordres d’un homme de son camp qui prenait la guerre comme l’occasion de régler les comptes du ressentiment. Dans Une femme en colère 2 , vous vous indignez de la complaisance des féministes françaises vis-à-vis du foulard, contre lequel vous vous étiez tant battue. « Être féministe, c’est refuser les pratiques néfastes aux femmes. » « Aux Européens désabusés », vous dites les raisons de votre hostilité à l’affirmation des différences : « Tous les jours le rêve universaliste se fracasse sur les images de la diversité, qui était un espoir et qui est devenu un cauchemar. » Les tragédies de la guerre d’indépendance, les difficultés de la décolonisation, le retour de l’extrémisme religieux, les impasses de la libération des femmes : vous avez vécu tout cela, Wassyla, non seulement en témoin menacé et contraint à l’éloignement, mais en actrice de premier plan, avec le regard critique que vous avaient conféré votre « éducation algérienne », votre formation juridique d’avocate et votre expertise internationale.
C’est cela surtout que je voulais interroger. Car, au point de départ, en raison de l’inégalité flagrante de nos positions, du surplomb de votre expérience, je me voyais surtout comme une questionnante de votre parcours. Vos propres questions à l’historienne, aimantées par votre souci du contexte et d’une approche comparative, ont su me constituer en interlocutrice. Avec nos différences : vous, l’avocate, désireuse de convaincre, avec le sens de l’argument, le goût de la formule ; moi, l’historienne, attachée à la précision des « faits », aux exigences de la chronologie et du contexte, tout en étant consciente de la subjectivité du récit, de ce regard qui fait l’histoire.
La conjoncture sanitaire, son tempo confiné et étiré, se prêtait à cet échange tout en lui imposant ses modalités. Nous avons fonctionné en « distanciel », combinant le téléphone et l’Internet, échangeant de courts textes que nous discutions, avant de les corriger, de les compléter et de les enrichir par nos lectures communes et diverses. J’ai appris beaucoup de vos suggestions. Durant cette étrange période, il est paru beaucoup de livres sur les problèmes identitaires, devenus préoccupation centrale. On sent bien qu’on est à la croisée de chemins dont on ne discerne pas le sens ni même la direction. Nous n’avions pas de plan préconçu et avons déroulé le fil de notre conversation au gré d’enchaînements dont les pôles et les lignes se sont assez vite dessinés. L’Algérie, la langue, le religieux, la mémoire et l’oubli, les impasses de la décolonisation, le poids de l’histoire et de la différence des sexes, les femmes et le féminisme tissaient la trame d’une réflexion dont nous redoutions qu’elle soit trop consensuelle par notre désir partagé de compréhension de l’autre. L’autre, «  decolonial , racisé, intersectionnel », dont l’expression nous laissait parfois perplexes, mais dont nous nous sentions souvent si proches par nos démarches antérieures et nos choix. Nos divergences étaient une occasion stimulante de réflexion.
Ainsi avons-nous conversé pour notre plus grand plaisir. Avec le désir de comprendre, de poursuivre, de découvrir d’autres rivages et le sentiment d’être à la croisée des chemins.
Et vous, Wassyla, comment voyiez-vous les choses ?

Lettre de Wassyla Tamzali
À ce point de notre conversation j’ai envie de m’écarter un peu de notre déroulé et de revenir sur la genèse de ce livre, à la lumière de ce que nous avons parcouru vous et moi. Je dois vous avouer que j’étais assez dubitative devant la proposition d’Odile Jacob d’un dialogue avec vous. Vous connaissant, ayant lu vos livres, et pour avoir échangé avec vous dans des rencontres féministes, je pensais que nous serions trop souvent du même avis, qu’il serait difficile de développer dans ce face-à-face un minimum de controverses, qui fait la dynamique de ce genre de livre. Je me trompais. Je n’avais pas pris en compte nos discipline

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