La lecture à portée de main
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Description
Informations
Publié par | BNF - Collection XIX |
Nombre de lectures | 1 |
EAN13 | 9782346090327 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Fig. 1, — Le palais du gouvernement à Ottawa.
Remy de Gourmont
Les Canadiens de France
APOLOGUE
POUR SERVIR DE PRÉFACE
L’OISEAU BLEU DU CANADA 1
J’ai souvenance, par une belle matinée de juillet, d’être, descendu dans mon jardin au moment où l’aurore, de ses premiers feux, dorait les cimes ondoyantes des grands pins,
Au milieu d’un parterre était un vieux pommier couvert de fruits et de feuilles et cher à mes enfants, pour avoir contenu le nid de plusieurs générations de rouges-gorges. Un couple de ces aimables oiseaux, en avaient, à ce moment, choisi la fourche hospitalière, pour y placer le berceau de leur jeune famille ; là, sur du fin foin, reposait l’espoir de la future couvée, quatre émeraudes. Mes yeux s’y fixèrent d’abord. La femelle était à son poste, l’œil vigilant ; le mâle, perché sur la plus haute branche d’un orme voisin, l’orgueil de mon enclos, roucoulait à sa compagne l’hymne matinal.
Près du pommier, croissait un tournesol, dont la corolle, amoureusement penchée vers l’astre du jour, laissait voir, au milieu d’un feston de verdure, une vaste fleur d’acanthe ; à l’extrémité de chaque feuille, étincelaient, saphirs vivants, d’innombrables gouttelettes de rosée, au centre du tournesol était posée une ravissante petite créature, dont les ailes azurées, se détachant de l’acanthe et du vert tendre, miroitaient aux rayons du soleil : elle salua de quelques notes mélodieuses, puis s’envola. J’étais ravi de tant de splendeurs...
Ce spectacle, que peut-être il ne me sera jamais donné de revoir, avec de tels accompagnements, m’éblouit par son éclat, par la vivacité de ses nuances. Était-ce la réalité, ou quelque scène féerique des Mille et une Nuits ? C’était simplement l’Oiseau bleu du Canada, que j’avais vu dans toute la pompe de son costume nuptial .
1 Extrait du Foyer canadien ; Québec, 1863, t. I er .
INTRODUCTION
LES DEUX RACES
But de cet ouvrage. — Français et Anglais. — Raison d’être du Canada. — Canadiens ou Américains. — L’envers de la tolérance anglaise. — Plaidoyer d’un Anglais. — Le français, l’erse et le gaélique. — Plaidoyer d’un Français. — Les classes dirigeantes. — Les capitalistes. — Le Canada reconquis par la France.
Resserrer en quelques pages les traits épars de la physionomie moderne du Canada, après avoir tracé ailleurs l’esquisse de son histoire 1 , tel est le but qu’on s’est proposé dans ce volume. Ce n’est ni un récit de voyage, ni un guide pour les voyageurs, mais plutôt un tableau de mœurs où l’on aurait fait entrer tout ce qui constitue vraiment les mœurs d’un pays, depuis la manière dont le paysan pousse sa charrue jusqu’à la façon dont le poète comprend la vie idéale.
De plus, il nous a semblé qu’un plan méthodique et géométrique, plus facile à remplir, aurait peut-être rebuté le lecteur, qui a le droit, tout en s’instruisant, de ne pas vouloir s’ennuyer. Nous nous sommes donc permis bien des zigzags ; nous avons marché, non pas au hasard, mais un peu à l’aventure, ce qui est bien différent, cueillant çà et là la légende, le conte, la chanson, l’anecdote. On ne s’étonnera pas de ce que nous ayons fait une assez large place à la langue et à la littérature canadiennes ; il y a pour nous justifier plusieurs raisons, et l’une d’elles est que ce sont des sujets très peu connus, bien que fort intéressants pour nous.
Quant à l’histoire politique, nous croyons qu’il suffisait d’en tracer les grandes lignes, surtout en ce qui concerne la province de Québec. Nous avons tenu, en effet à séparer, dans cette étude, l’élément français de l’élément anglais, et il fallait bien conter par quelles vicissitudes ont passé nos compatriotes, depuis la conquête, pour acquérir l’indépendance et assurer leurs destinées.
Ce livre ne comporte pas un tableau complet de la Puissance du Canada (en anglais Dominion of Canada) ; la partie, ou plutôt les deux parties françaises, la province de Québec et le Nord-Ouest devaient seules nous intéresser, car la race anglaise a donné aux régions canadiennes où elle domine un aspect qui ne diffère pas sensiblement des États-Unis. Il nous a donc semblé que nous pouvions, sans dommage pour la curiosité de nos lecteurs, sauter à pieds joints par-dessus la province d’Ontario, où les Anglais dominent sans conteste.
C’est de cette province que nous sont venues deux singulières nouvelles : l’une assez risible, l’autre d’une capitale importance.
La première était ce fait qu’un club d’Ontario a émis le vœu que la langue française fût proscrite du Canada. Risible, cette proposition, mais non : en y réfléchissant on voit qu’elle tient étroitement au mouvement annexionniste entretenu depuis peu par quelques agitateurs.
L’annexion du Canada à l’Union, c’était la seconde nouvelle dont nous voulions parler.
Pour y arriver, le meilleur moyen serait, en effet, la proscription de la langue française. Quatre ou cinq millions de Canadiens, parlant anglais, ramenés par la langue aux mœurs anglaises, n’auraient plus aucun droit à l’existence séparée comme peuple : s’ils n’étaient pas annexés politiquement à l’Union, ils le seraient de fait et la seule barrière qui sépare les deux pays tomberait.
Les Canadiens doivent le savoir : s’ils veulent rester Canadiens et maîtres de leur avenir, qu’ils soient Français, c’est leur seule raison d’être. Le continent américain du Nord appartiendra à deux races ou à une seule race, mais si une seule race l’accapare, deux gouvernements seront bien inutiles : on supprimera le plus faible, ne fût-ce que par économie.
C’est pour bien montrer qu’il y a un Canada français que nous avons écrit ce livre où il n’est question que de langue, de moeurs, d’institutions françaises. Que nos frères de là-bas sachent que nous sommes avec eux et que chaque fois que s’en présentera l’occasion, nous affirmerons, en face de l’envahissement anglo-saxon les droits de notre race et son pouvoir.
Le dernier mot, peut-être, au sujet de cette annexion, a été dit par le pape (New- York Herald, 15 mars 1889) : Le pape ne veut pas de l’annexion. L’on sait la profonde influence du clergé catholique sur les Canadiens français : ceux qui ne comprendraient pas que dans cette question l’avenir de leur race est en jeu, comprendront que leurs libertés religieuses en seraient diminuées.
Elle est grande, aux États-Unis, la liberté religieuse, mais elle est partagée entre tous également, tandis qu’au Canada les catholiques. ont acquis, dans la province de Québec une situation privilégiée due à leur unanimité. Ces raisons, qui ne seraient pas valables pour nous, sont, au contraire excellentes au Canada où, avec la langue, la religion est le meilleur appui d’une nationalité qui ne peut se maintenir que par une lutte incessante.
Mais son avenir est certain et voici une solution : que le jour où les Français auront, par l’intermédiaire de M. Chaplean, par exemple, la haute main sur le gouvernement, on réglemente sévèrement l’immigration anglo-irlandaise qui vient tous les ans inonder le Canada, qu’elle soit, sinon proscrite, du moins atténuée et la fécondité des Canadiens français aura bientôt le dessus. Dans un pays où les familles n’ont jamais moins de huit à dix enfants, l’immigration est inutile : il faut laisser la population se développer logiquement, s’enrichir de ses propres efforts, prendre lentement, mais très sûrement possession des terres libres.
Un pays, après tout, appartient aux premiers occupants, à moins de consentement mutuel. Et ne voit-on pas, dans ce cas, que les Anglais sont des intrus au Canada ?
Fig. 2. — Marché de Montréal.
Les États-Unis aux Anglais, soit, mais.... le Canada aux Français.
Ce n’est qu’un vœu, assurément, et s’il est chimérique,, on nous accordera qu’il n’est pas plus subversif que celui des Anglais dont les efforts tendent à diminuer, pour ne pas dire annihiler l’influence française.
Pour avoir ét