Les débuts du système suisse des brevets d’invention (1873-1914)
560 pages
Français

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Les débuts du système suisse des brevets d’invention (1873-1914) , livre ebook

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Description

« L’intérêt général de l’industrie suisse s’oppose aux brevets. » Cet avis, exprimé en 1866 dans la Gazette de Lausanne, est alors largement partagé par les élites économiques et politiques du pays. En effet, la Suisse s’industrialise au XIXe siècle sans système de brevets d’invention, c’est-à-dire sans accorder de droits de propriété et d’exclusivité sur les nouveautés techniques. Les informations sur les machines de production ou les procédés chimiques circulent librement, et les fabricants helvétiques ne s’en privent pas pour renforcer leur compétitivité internationale.
Les choses changent à la fin du siècle. En 1888, le Parlement adopte la première loi fédérale sur les brevets. Le changement ne s’explique pas seulement par les accusations de piraterie exprimées par les industries d’autres pays, mais aussi par les positionnements et les intérêts des acteurs suisses eux-mêmes. L’ouvrage de Nicolas Chachereau cherche à comprendre quels groupes socio-économiques ont voulu la loi et pourquoi − et lesquels d’entre eux ont ensuite pu en tirer parti. Alors que beaucoup espéraient que les inventeurs modestes profitent des brevets, ceux-ci se révèlent bien plus importants pour les multinationales, notamment dans la fabrication de machines. Loin des discours actuels de célébration de l’innovation, ce livre dresse ainsi le portrait d’une institution en phase avec les évolutions générales du capitalisme helvétique de la même époque.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782889304356
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2022
Rue du Tertre 10
2000 Neuchâtel
Suisse
 
 
www.alphil.ch
Alphil Diffusion
 
 
commande@alphil.ch
 
 
DOI : 10.33055/ALPHIL.03186
 
ISBN papier : 978-2-88930-433-2
ISBN PDF : 978-2-88930-434-9
ISBN EPUB : 978-2-88930-435-6
 
 
La publication de ce livre a été soutenue par le Fonds national suisse de la recherche scientifique.
 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
 
Illustration de couverture : Réalisée à partir d’une photographie d’une turbine à vapeur, système Zoelly, fabriquée par Escher Wyss & Co. (ETH-Bibliothek Zürich, Bildarchiv, Ans_05547-019-AL-FL, DOI : 10.3932/ethz-a-000108050), et d’un dessin tiré du brevet suisse n° 23 575 de la même entreprise.
 
Responsable d’édition : Sandra Lena


Remerciements
Q uand les historiens se penchent sur les figures d’inventeur, ils soulignent l’inscription sociale et le caractère collectif de l’activité d’hommes vus comme des génies solitaires. Le génie en moins, le constat s’applique assurément aux chercheurs. Sans de nombreuses personnes, ce livre, issu d’une thèse de doctorat, n’aurait pu voir le jour.
Avant toute chose ma plus profonde gratitude à mon directeur de thèse, Cédric Humair, pour ses conseils, ses réflexions stimulantes, ses encouragements, son encadrement et son indéfectible soutien.
Mes remerciements aussi aux membres du jury, Thomas David, Gabriel Galvez-Behar et Mary O’Sullivan, pour leur implication, leurs conseils et leur aide, dans cette phase finale de mon travail ou à d’autres moments.
Je tiens aussi à rappeler l’importance du personnel des archives et des bibliothèques, sans qui rien ne serait possible, et à leur exprimer ma gratitude d’avoir catalogué, classé, apporté ou numérisé, parfois même retrouvé, les matériaux de cette recherche. Des remerciements particuliers à Marcel Sennhauser de scienceindustries et à Louis Lagler de l’Association suisse des conseils en propriété industrielle pour m’avoir non seulement ouvert les archives de leurs associations, mais aussi fouillé des caves et retrouvé les clés de vieilles malles.
Pour les conseils qu’ils m’ont donnés, les opportunités qu’ils m’ont offertes et pour avoir accepté de m’accueillir au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société à Villejuif près de Paris, et à l’Institut d’histoire des techniques de la Technische Universität à Berlin, ma reconnaissance à Maurice Cassier d’une part, Wolfgang König et Marcus Popplow d’autre part. Sans eux, j’aurais beaucoup moins été confronté à de tout autres manières de concevoir le travail historique. Mes pensées aussi à ceux que j’ai croisés dans ces deux instituts et qui m’y ont réservé un accueil très chaleureux. Ma gratitude également au Fonds national suisse pour la recherche scientifique, qui m’a offert la possibilité de ces échanges et qui a en outre financé la publication du présent ouvrage.
Pour des collaborations et des échanges autour de nos objets de recherche, mes remerciements aussi à Isaline Deléderray-Oguey, Sylvain Wenger, Jérôme Baudry et Audrey Millet. Mes remerciements également à Béatrice Veyrassat, qui avait lu le résultat de mes toutes premières recherches, ainsi qu’à Alain Cortat, qui a bien voulu commenter une étape initiale de mon travail en 2013. Merci aussi à tous ceux et celles qui m’ont fait avancer, parfois sans le savoir, par une simple question ou un nouveau regard sur mon objet de recherche. Je pense en particulier à tous ceux et celles qui, au sein du Programme doctoral en histoire contemporaine, m’ont un jour permis de présenter des travaux en cours.
Merci à tous les collègues de la Section d’histoire de l’Université de Lausanne pour les discussions, leur aide directe, leurs encouragements et, plus généralement, d’avoir contribué à un climat agréable. Que personne ne se sente exclu si je me permets de nommer plus particulièrement ceux avec qui j’ai, à un moment ou un autre, partagé un bureau : Sandra Bott, Frédéric Clavert, Piergiuseppe Esposito, Marc Gigase, Saffia Shaukat.
Merci aux collègues du Laboratoire d’histoire des sciences et des techniques à l’EPFL pour leur accueil, leur enthousiasme et leur amitié.
Un très grand merci à mes relectrices et relecteurs, et plus particulièrement à Cléo Chassonnery-Zaïgouche et Piergiuseppe Esposito. Je dois bien plus que cela à ce dernier, et j’ai une profonde gratitude pour son soutien et sa disponibilité.
Ma reconnaissance à tous mes amies et amis, qui se sont montrés compréhensifs et encourageants, avec un clin d’œil à Marie-Aurore et Pierre pour une vie partagée et collectivement enrichissante. Merci à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont cherché à me faciliter la tâche, avec une mention spéciale à Claire-Lise et Thierry pour l’accueil dans leur refuge vercorinard accompagné de boissons et de repas succulents.
Merci à ma famille de m’avoir appris la curiosité et l’indépendance d’esprit, de s’être montrée aussi compréhensive et d’avoir accepté mon manque de disponibilité dans les derniers mois de rédaction.
Les mots manquent pour dire tout ce que je dois à Marie – du fond de mon cœur merci d’avoir su m’encourager, me revigorer, me sustenter, me relire ou même me discipliner, sans perdre courage.


Introduction
L e 10 juillet 1887, le corps électoral suisse est appelé à se prononcer sur la création d’un système de brevets d’invention. Une écrasante majorité des votants, plus de 77 %, glisse ce jour-là un « oui » dans l’urne. Quoi de plus naturel ? Ne s’agit-il pas là d’un élément inséparable du développement des économies modernes ? Après tout, lorsqu’une révision du système des brevets, prévoyant son extension aux inventions de l’industrie chimique, est adoptée par plus de 70 % des voix lors d’une nouvelle votation dix-huit ans plus tard, le 19 mars 1905, la question n’a pas «  remué profondément le peuple suisse  », selon le jugement du Journal de Genève 1 . De fait, avec un taux de participation d’environ 36 % des électeurs inscrits, il s’agit d’un des scrutins les moins suivis depuis la fondation de l’État fédéral.
Certes, les brevets d’invention sont souvent présentés comme un élément presque naturel, du moins inévitable, du fonctionnement du capitalisme moderne. Ainsi, l’historien et économiste helvétique William Rappard (1883-1958) place les brevets parmi les «  mesures nécessitées par les progrès de la technique et par le développement des relations internationales  » 2 . Alors que Rappard se montre critique envers toute intervention économique étatique, dont le protectionnisme douanier et le monopole des chemins de fer créé en faveur de la Confédération constituent pour lui les exemples les plus frappants, les brevets d’invention trouvent grâce à ses yeux. Cette législation ne constitue qu’une mesure nécessaire, une de celles qui «  tendaient en général à réglementer l’exercice de l’initiative privée et de la libre concurrence, plus qu’à y déroger  » 3 .
L’objectif affiché des brevets est en effet d’inciter au développement de nouveautés techniques. Les brevets d’invention, ou simplement brevets, sont des titres délivrés par l’État, pour une durée limitée, qui permettent à leur détenteur d’interdire à d’autres de fabriquer, vendre ou utiliser un certain produit ou procédé nouveau. Même si les conditions pour obtenir un brevet valide et les droits qu’il confère dépendent des pays, on peut donner corps à cette définition en évoquant les traits les plus généraux valables dans les principales lois depuis le XIX e  siècle. Toute personne désireuse d’obtenir un brevet doit déposer une description écrite de l’objet ou de la technique nouvelle (« l’invention   ») auprès d’un organe officiel spécifié, par exemple un « office de la propriété intellectuelle ». Le brevet est accordé si cette description répond aux critères de dépôt fixés par la loi, qui exige en outre le versement d’une taxe et éventuellement la production d’autres documents. Le détenteur du brevet peut alors poursuivre en justice toute personne ou entreprise qui fabriquerait, importerait, vendrait ou utiliserait l’invention ou une imitation. Celui qui se voit ainsi attaqué peut se défendre en arguant par exemple que le brevet n’est pas valable, car l’idée décrite n’est pas nouvelle, et que son propre produit ou procédé diffère en tout cas substantiellement et n’en constitue donc pas une imitation. Si ces arguments échouent, et que le tribunal considère que le brevet a été enfreint, il peut ordonner la confiscation et la destruction de matériel (produits ou équipements de production), le versement de dommages-intérêts, voire infliger une amende ou même, dans certains cas, une peine de prison. Le brevet accorde ainsi une exclusivité sur une technique, et permet donc à son détenteur d’en tirer profit. D’aucuns attendent de cette situation qu’elle pousse à davantage d’investissements dans la recherche ou dans la mise en œuvre de telles innovations.
Pourtant, il suffit de suivre l’actualité en ce début de  XXI e  siècle pour prendre conscience qu’un consensus sur le sujet n’a rien d’évident. Les brevets font débat, puisque l’exclusivité qu’ils accordent est accusée de restreindre l’accès aux médicaments − ou aux vaccins −, d’entraver le développement des pays moins industrialisés, de favoriser les grandes entreprises ou de freiner l’innovation dans certains secteurs. Au  XX e  siècle déjà, ces controverses sont bien connues, tout comme au  XIX e  siècle. La Suisse ne dispose alors d’aucun système de brevets d’invention. Sur son territoire, aucun moyen de revendiquer le droit exclusif de produire, vendre ou utiliser une nouveauté technique. Lorsque certains réclament la création de cette institution après 1848, le Parlement et le Conseil fédéral n’entr

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