Les Individus face aux crises du XXe siècle
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Les Individus face aux crises du XXe siècle , livre ebook

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Description

La plupart des gens ne vivent pas dans l’Histoire, dans l’actualité, ils vivent leur vie. L’Histoire ? Beaucoup de gens la subissent alors que c’est avec eux qu’elle compose ses drames. Ils s’assurent contre le vol ou l’incendie. On ne saurait s’assurer contre l’Histoire. Telle est l’Histoire anonyme où se nouent de nombreuses intrigues entre les événements et la vie de chacun. Elle concerne aussi bien vous que moi ou des individus que ces mêmes événements ont transformés en personnages historiques… tel de Gaulle. Voici Marcel N., qui n’avait rien contre les Allemands et qui, « étant en règle et en vacances » cet été 44, refuse d’échapper à une rafle et meurt dans un camp : il voulait ignorer l’Histoire.À l’opposé, la participation à l’Histoire est le sang qui fait vivre cette militante, Olga K. Elle s’identifie à la classe ouvrière et, pour sauver son avenir, avoue devant des tribunaux staliniens des crimes qu’elle n’a pas commis. D’autres, au nom des principes de la Révolution française, se révoltent et, en Algérie, luttent pour l’indépendance du pays. Alors que d’anciens résistants, au nom des mêmes principes, participent à l’OAS pour les combattre. Il en est qui, en 14-18, ignorant les institutions, leurs règles et l’Histoire, quittent le bord de la route lors d’une retraite et ainsi, sans le savoir, désertent et se font fusiller. En analysant les comportements des individus pendant les grandes crises de ce siècle — révolutions, montée du nazisme, crises économiques, etc. —, on éclaire le passé et on tente ainsi de mieux maîtriser l’avenir. Marc Ferro est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales. Il est codirecteur des Annales. Il a animé Histoire Parallèle sur Arte. Il est notamment l’auteur, chez Odile Jacob, de Histoire de France et du Choc de l’Islam.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 janvier 2005
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738190314
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB, JANVIER  2005
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-9031-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À Vonnie, toujours… 1944-2004
Préface

2 août 1914 – « L’Allemagne a déclaré la guerre à la Russie. Après-midi, piscine. »
Franz Kafka,
Journal

La plupart des gens ne vivent pas dans l’Histoire, dans l’actualité : au vrai, ils vivent leur vie. Telle est l’histoire anonyme, celle des gens ordinaires.
Après coup, pour certains, seule une part de leur propre histoire subsiste, « congelée » en quelque sorte, mais omniprésente. Durant l’entre-deux-guerres, par exemple, le souvenir des tranchées est devenu obsessionnel pour les anciens combattants ; pour eux, l’Histoire se figeait en lui. Après la Seconde Guerre mondiale, pour d’autres, ce furent les camps de la mort qui ont effacé tout autre événement mémorable ; ailleurs, ce fut le Goulag, à moins que ce ne fussent les bombardements aériens ; pour d’autres aussi bien, ce fut le premier tracteur. On multiplierait les exemples.
L’Histoire ? Les gens la subissent alors que c’est avec eux qu’elle compose ses drames, ses développements.
Ils s’assurent contre le vol et l’incendie, sur la vie même, mais ils ne peuvent s’assurer contre l’Histoire 1 .
Immergés dans une société dont ils ne connaissent pas tous les ressorts, se reconnaissent-ils seulement dans l’Histoire qui s’est faite avec eux ? Et que représente ce passé auquel ils ont plus ou moins participé ? Qu’a-t-il de commun avec celui des historiens, des romanciers, des cinéastes ?
À l’inverse, certains, qui ont connu les mêmes événements, ont eu un parcours de vie greffé sur l’actualité, sur l’Histoire, soit parce que cette participation était le sang qui les faisait vivre, tels les militants, soit parce que leur profession les amenait à mieux en connaître de la politique, de l’Histoire en train de se faire, tels les avocats, les hommes d’affaires, les militaires, etc., observateurs brevetés en quelque sorte.
D’autres encore ont pu vouloir se consacrer à la science, à la médecine, aux arts, bref à des activités qui échappaient à l’actualité, au présent. « La politique », non, ce n’est pas pour eux. Évoquant auprès de Jean-Pierre Melville Le Silence de la mer , son film admirable sur l’âme de la Résistance, celui-ci me répondait qu’« artiste, il ne faisait pas de politique 2  ». Pascal Ory, dans Le Petit Nazi illustré (1979), a noté que ce sont les mêmes artistes qui ont dessiné les bandes dessinées pour enfants du journal nazi Le Téméraire , et, après guerre, celles des hebdomadaires communistes ou catholiques : ces artistes non plus « ne faisaient pas de politique », et n’est-ce pas la même voix qui, sous l’Occupation comme après la Libération, commente les actualités Pathé ?
À moins, en ce siècle marqué par des tragédies, qu’on n’ait appartenu à des régions-provinces frontières telle l’ Alsace, ou à des communautés, tels les Juifs ou les Tziganes, tous otages du passé. Ou bien qu’on n’ait été bénéficiaire ou victime des mêmes événements – négociants et paysans, fonctionnaires ou mineurs.
Pourquoi les uns et les autres, les riches et les pauvres, auraient-ils la même vision du passé, eux qui n’ont pas été égaux devant l’Histoire ? Et pourquoi, lorsqu’elle s’est manifestée, tous ces anonymes auraient-ils eu le même comportement ?…
Qu’ils aient cru vivre dans l’Histoire, ou en dehors d’elle, qu’ils en aient ignoré les vagues, tels ces éternels petits pêcheurs de la Méditerranée qu’a décrits Fernand Braudel 3 , qu’ils aient été aveugles, crédules, cyniques ou courageux, tous ces anonymes ont-ils su voir que l’Histoire est souvent animée par un soleil trompeur, par des Églises qui se dénomment aussi bien parti, État, ou encore par des croyances dont les sociologues et les historiens essaient de comprendre le jeu, pour autant qu’il soit intelligible ?
 
Mais l’Histoire n’est pas seulement enchaînement de faits, de circonstances perceptibles et dont la mémoire garde, ou non, la trace. Elle est constituée également de développements et de formes qui ne sont pas directement sensibles. Aux siècles passés, Malthus, Marx, Weber, Polanyi, par exemple, avaient repéré quelques-uns d’entre eux : le rapport entre la croissance de la population et la production des biens, la lutte des classes, les formes de la domination, la relation entre l’économie et la vie sociale, etc. Ces données constituent l’un des envers des événements et phénomènes précédents, car leurs effets, leur tempo ne croisent pas immédiatement la vie courte des individus et ne sont pas directement sensibles. Il en va ainsi de la mémoire qu’on partage, ou non, avec son groupe social ou avec d’autres communautés : il en va de même également de certains comportements collectifs, en particulier des ressentiments qu’ils ourdissent, tels le racisme, l’ antisémitisme.
Ces dernières décennies, ces phénomènes et dispositifs, croisés avec les effets d’une accélération de la globalisation de l’économie, des médias, etc., ont abouti à des mutations, modifiant les mentalités, le statut et le sens de la famille, et assurant, là, un retour offensif des traditions dites religieuses ; ici, une translation de l’idéologie de la nation ou de la révolution socialiste vers celle des droits de l’homme.
Ils ont aussi modifié l’intérêt pour le passé tout comme les questions qu’on lui pose. Grâce au développement des connaissances historiques également, ce ne sont pas les mêmes « faits » qui sont pris en compte. Par exemple, le travail sur la Grande Guerre de 1914-1918 a longtemps porté sur ses origines, la responsabilité de son déclenchement ; puis le sacrifice des combattants, l’attitude du commandement ont pris la relève, un thème que le cinéma a abondamment illustré et qu’a accompagné, en France notamment, l’intérêt pour les mutineries. Avec la réflexion sur la Seconde Guerre mondiale et ses horreurs a succédé une interrogation sur l’ensauvagement des combattants de 14-18, les violences commises et pas seulement subies. Ce type d’études a pris la relève des travaux où la nation, le patriotisme, l’internationalisme figuraient parmi les principaux moteurs de cette guerre. Celle-ci est ainsi apparue la matrice des crises qui vont suivre : « J’y ai vu poindre le totalitarisme », écrivions-nous en 1967, ce que d’aucuns ont redécouvert après la chute du communisme.
 
Ainsi, l’analyse historique n’a cessé de transformer l’axe et la distance de son regard, et elle a fait des progrès prodigieux. À l’histoire des grands hommes et des batailles, politiques ou militaires, à une vision héroïque, elle a ajouté ou substitué l’étude des masses que la statistique a prise en main pour dépasser l’étude des personnages, des cas uniques, peu significatifs. À cette histoire-là s’est confrontée bientôt l’histoire-mémoire qui, en mettant en cause l’absence d’autonomie de l’histoire traditionnelle, a contribué à décomposer les visions globales ; puis a surgi une histoire au ras du sol pour se saisir de réseaux familiaux, professionnels, communautaires. À côté de l’histoire vue par en haut, celle du monde des dirigeants, de leurs stratégies, à côté de la macro- et de la micro-histoire, toujours à la recherche de sens, se sont inscrites l’histoire comparative, la construction de modèles, que sais-je encore 4  ?
Dans ce maelström qu’est devenue la vie du simple individu, son histoire anonyme, la relation de sa propre existence aux événements et crises de l’Histoire ? Il semble qu’elles aient été emportées.
Dans ces statistiques, ces courbes, ces modèles, où donc figurent ses souffrances, ses peurs, ses espérances, ses dilemmes ?
Or combien d’histoires singulières ne se sont-elles pas nouées entre les événements qui ont surgi et la vie de chacun ?… Elles ont pu concerner aussi bien vous que moi et des personnages que ces événements ont fait « entrer dans l’Histoire ». On ne saurait les ignorer, les déraciner de leur milieu, qu’ils aient été des modèles ou des repoussoirs 5 .
Au lieu de considérer ces différentes expériences comme de simples anecdotes, en se demandant si elles sont typiques, ou uniques, ou représentatives, on les examinera ici comme des miniatures de l’Histoire , qui, tels des microcosmes, sont susceptibles d’éclairer le fonctionnement des sociétés 6 . En cernant la gamme des attitudes que révèlent ces histoires singulières, on restitue, autant qu’il se peut, la pluralité du passé et l’on fait apparaître une sorte de spectre des comportements individuels, voire collectifs qu’ont pu sécréter les différentes situations et crises de notre temps.
« Que pensez-vous de la crise actuelle ? » demandait-on à Federico Fellini, quelque temps avant sa mort…
« Quelle crise ? répondait-il, nous sommes en crise depuis la fin de l’ Empire romain. »
C’est dire qu’à côté de celles qui sont abordées dans cet ouvrage, d’autres devraient être examinées à leur tour : l’ Italie précisément, au tournant des années 1943-1945, le destin des citoyens dans les démocraties populaires, la situation au Viêt-nam et au Cambodge après les indépendances… Et quoi encore ?
Puissent déjà les situations examinées ici éclairer les hommes et les femmes de demain pour que, comme disait Eugène Ionesco, « ce que nous faisons ne soit pas parallèle à la vie 7  ».
En guise d’ouverture : L’Histoire absente et pr

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