Migrations, relations internationales et Seconde Guerre mondiale

Marc Perrenoud

Description

«D’abord la passion pour l’histoire, mais aussi la défense des humiliés, des sans-droits.»
Cette phrase du grand historien français Benjamin Stora définit bien la trajectoire personnelle et intellectuelle de Marc Perrenoud, à qui nous rendons hommage dans ce livre.
Historien fécond, aux curiosités multiples, Marc Perrenoud est l’auteur d’une centaine d’articles, d’une thèse remarquable consacrée à la place financière suisse durant la période nazie, et d’une multitude de contributions à une bonne dizaine d’ouvrages. Bref, une oeuvre originale et critique sur l’histoire de la Suisse au cours du xxe siècle. Six thèmes structurent la présentation de cette oeuvre : la migration, les relations financières internationales, les relations économiques et commerciales, les réfugiés, la Suisse et l’Outre-mer, et le mouvement ouvrier. Outre la rigueur et le talent de cet historien atypique, c’est la priorité donnée à ceux d’en bas, ces hommes et ces femmes « sans histoire », qui caractérise ces écrits. Marc a le mérite d’avoir sorti des archives quantité de dossiers qui éclairent et documentent le fonctionnement du capitalisme helvétique, notamment durant la Deuxième Guerre mondiale. L’un des meilleurs connaisseurs de cette période, selon Jean-François Bergier, le regretté président de la Commission d’experts sur la Suisse durant le nazisme.

Dans un article introspectif repris ici, Marc Perrenoud constatait : « J’ai le souvenir d’un auteur affirmant que le livre est la patrie des gens qui n’ont pas de patrie [...]. Quels que soient l’auteur et le contenu de cette phrase, elle exprime bien mon parcours. » Ce livre est une invitation à le suivre, ou, peut-être, à le découvrir.

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Informations

• Publié par: alphil-presses-universitaires-suisses
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782889305063
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2021
Case postale 5
2002 Neuchâtel 2
Suisse
 
 
 
www.alphil.ch
 
Alphil Diffusion
[e-mail]
 
 
ISBN : 978-2-88930-372-4
ISBN pdf : 978-2-88930-507-0
ISBN epub : 978-2-88930-506-3
 
 
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Image de couverture : © KEYSTONE/PHOTOPRESS-ARCHIV/STR
Réfugiés d’Alsace photographiés à la frontière bâloise, Suisse, novembre 1944.
 
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Avant -propos
Cette publication est un hommage et une marque de reconnaissance. Au-delà, elle est un témoignage d’amitié rendu à une personne généreuse et loyale : Marc Perrenoud, historien à l’abondante production et aux multiples intérêts.
Comment rendre justice à son œuvre aux dimensions considérables ? Une centaine d’articles, des contributions remarquées dans une dizaine d’ouvrages et une thèse innovante consacrée aux relations parfois sulfureuses entre banquiers et diplomatie helvétique de 1938 à 1946. Précisons-le tout de suite : les initiatrices et initiateurs de ce volume ont renoncé à l’académique et un peu formel « Mélanges en l’honneur de… », forme habituelle pour ce genre d’exercice, mais bien peu adaptée à l’originalité de la trajectoire intellectuelle de Marc.
Dans son abondante production, nous avons tenté de faire un choix raisonné, capable de mettre en évidence les grandes lignes de force qui ont porté les recherches de l’auteur. Car un fil rouge – et c’est le cas de le dire ici – traverse ses écrits : la priorité donnée à celles et ceux « d’en bas ». Les sans-nom, les humbles, ces femmes et ces hommes qui ont mis du temps avant de trouver place dans l’historiographie savante. Marc Perrenoud est l’un de ceux qui ont défriché ce vaste territoire. Une préoccupation qui se manifeste dès ses premiers travaux portant sur l’histoire du mouvement ouvrier.
Et par voie de conséquence, Marc s’est intéressé de près aux mécanismes de la domination. La condition des ouvrières et des ouvriers, l’exploitation au travail, les logements chers et souvent insalubres, mais aussi la résistance par l’organisation politique et syndicale, le développement d’une culture ouvrière… Sans dogmatisme, avec sa science, sa curiosité et son talent d’historien. Son souci aussi de la dimension sociale et conflictuelle qui marque les rapports sociaux. Il en est résulté plusieurs travaux marquants sur les dominants eux-mêmes, ceux qui détiennent les pouvoirs. Par exemple ses recherches sur la place financière suisse et les acteurs qui l’animent.
Après avoir déterminé ce fil rouge, nous avons délimité les principaux champs d’investigation de Marc Perrenoud, afin de guider la sélection des articles présentés dans ce recueil. Sept têtes de chapitre se sont imposées, les voici : « Migration » ; « Relations financières internationales » ; « Relations économiques et commerciales » ; « Réfugiés » ; « Suisse - Outre-mer » ; « Mouvement ouvrier » ; « Divers ». Certes, ce choix reste au final limité. Il est loin de rendre compte de la richesse de l’ensemble de l’œuvre de Marc. Mais nous pensons que ce livre peut susciter l’intérêt d’un public savant et profane et – pourquoi pas ? – inspirer de futures recherches.
Marc Perrenoud n’est pas seulement cet historien reconnu par ses pairs. C’est aussi un historien-citoyen, jamais indifférent à ce qui se passe ici et maintenant. À cet égard, son engagement dans la Commission Bergier (chargée de faire la lumière sur les rapports de la Suisse avec l’Allemagne durant la période nazie) en est une belle illustration. Conseiller scientifique de cette commission, si souvent décriée et oubliée depuis, Marc y a montré toute l’étendue de ses qualités humaines et de ses compétences d’historien.
Il faut aussi, dans ce mot d’introduction, saisir l’occasion de remercier les personnes qui ont réalisé ce projet : Pietro Boschetti, Daniel Bourgeois, Alain Cortat, Sébastien Guex, Chantal Lafontant Vallotton, Rodrigo Lopez, Malik Mazbouri, Janick Schaufelbuehl, ainsi que les diverses personnalités et instances qui ont soutenu le financement de ce volume.


Daniel Bourgeois
Marc Perrenoud, la passion pour l’Histoire et la défense des humiliés
«  Dans le lointain rapport à 68, deux aspects me sont restés. D’ abord la passion pour l’Histoire, mais aussi la défense des humiliés, des sans-droits. Ce sont ces rapports à la politique que j’ai conservés. Dans mon travail d’ historien, il m’est ainsi apparu très vite, qu’il était nécessaire d’“agrandir l’Histoire”  » 1 .
Ces lignes du grand historien français Benjamin Stora, dans le parcours et les travaux duquel Marc Perrenoud se reconnaît volontiers, me semblent une bonne introduction aux quelques éléments biographiques qui ouvrent ce volume. Ceux-ci devraient permettre aux lectrices et lecteurs, nous l’espérons, de mieux comprendre la genèse de certains des articles de Marc publiés ici et de saisir la façon dont leur choix a été orienté par le vécu de l’historien, vécu que ses amies et amis entendent honorer par la présente publication. Bien sûr, il y a aussi les contingences de la vie, et elles sont nombreuses, surtout si, comme Marc, on entend vivre de son métier d’historien dans une Suisse qui ne reconnaît pas – ou très exceptionnellement – le statut de chercheur dans la durée. Cependant, on ne saurait ignorer les fondamentaux. «  Défense des humiliés, des sans-droits  », nous dit Stora : l’enfance de Marc se déroule dans des « lieux de mémoire », qui illustrent au plus haut point la valeur et la grandeur de cette défense.
Les sept premières années de sa vie se passent, en effet, au Chambon-sur-Lignon, village protestant du sud de l’Auvergne, où son père, pasteur, et sa mère enseignent au Collège cévenol. Les Cévennes, c’est le symbole, au XVII e  siècle, de la lutte des protestants persécutés contre les sinistres « dragonnades » du Roi-Soleil pour l’obtention de la liberté de croire et de penser. Plus près de nous, pendant la Deuxième Guerre mondiale, la population du Chambon s’est courageusement illustrée en protégeant un grand nombre d’enfants juifs de la déportation et de la mort, sous l’impulsion du pasteur André Trocmé, fondateur du Collège cévenol et militant pacifiste, et de sa femme Magda. La petite enfance de Marc a donc baigné dans la mémoire résistante et, tout particulièrement, de la lutte contre le génocide des Juifs et de l’engagement héroïque de toute une région pour les sauver. D’autres victimes ont trouvé refuge au Chambon, notamment des républicains espagnols, dont l’histoire sensibilise l’enfant à l’importance de l’antifascisme et du combat pour la liberté.
À travers les récits de sa mère, le jeune Marc hérite encore d’un autre sentiment de révolte, celui de l’anticolonialisme. Dans sa jeunesse algérienne, sa mère, qui participait à Sétif aux manifestations de l’armistice du 8 mai 1945, a assisté à quelques épisodes du terrible massacre d’Algériens alors perpétré par la police et les troupes françaises. Ce déchaînement de violence extrême, sans commune mesure avec les débordements causés par les revendications des indépendantistes algériens, décide la future maman de Marc à quitter l’Algérie coloniale. Bien des années plus tard, en 1965, après la terrible guerre d’Algérie, les parents de Marc désirent apporter leur pierre à la reconstruction du pays enfin indépendant : la famille s’installe à Oran, où le père de Marc sera pasteur de la paroisse protestante de la ville ; le foyer inaugure ainsi une expérience de quatre ans, contribuant à cet « agrandissement de l’histoire » évoqué par Stora. Le jeune Marc y découvre alors un monde nouveau, qui, bien plus tard, va enrichir ses réflexions d’historien des relations internationales et lui permettre d’intégrer le lointain dans l’histoire suisse, et d’éviter ainsi tout helvéto-centrisme. C’est certainement dans cette expérience algérienne qu’il faut chercher l’origine d’articles et de contributions à l’histoire des relations algéro-suisses comme la genèse des accords d’Évian dans laquelle la Suisse a joué un rôle important de bons offices, ou de l’hommage rendu à Aït Ahmed lors de ses funérailles à Lausanne, ou encore et plus généralement de la grande série d’articles sur les relations entre la Suisse et de nombreux pays du « tiers-monde », dans le Dictionnaire historique de la Suisse .
En 1968, Marc quitte le monde méditerranéen. Son père a décidé de regagner son pays natal et s’établit au Locle, où il poursuit sa carrière de pasteur. Pour Marc, passer d’Oran aux Montagnes neuchâteloises n’est pas chose aisée. Ses camarades de classe ont tendance à le percevoir comme étranger et il fait, toutes proportions gardées – il est quand même fils de pasteur ! –, l’apprentissage des enfants d’immigrés confrontés à leur nouvel environnement social. Dans le canton de Neuchâtel, il y a le « Haut », la région industrielle du Locle-La Chaux-de-Fonds, et le « Bas », la région du lac, de la capitale du canton, du négoce, plus patricienne. Plus que le « Bas », le « Haut » a été le lieu d’importantes luttes sociales et du développement du socialisme, dont l’histoire a profondément marqué le jeune Marc. Ici, « l’agrandissement de l’histoire » est moins à chercher dans la géographie – Marc rappelle tout de même les influences étrangères et que des «  personnalités telles que Michel Bakounine (1814-1876) ou Pierre Kropotkine (1842-1921) séjournent dans la régio