Quand Franco réclamait Oran
275 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Quand Franco réclamait Oran , livre ebook

-

275 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Profitant de la défaite militaire française de 1940, le régime espagnol du général Franco revendiqua expressément la souveraineté sur la ville d'Oran, alors possession de la France mais autrefois préside du royaume d'Espagne pendant près de trois siècles. "Oran appartient à l'Espagne", martela inlassablement le Caudillo auprès de ses alliés Hitler et Mussolini qui nourrissaient pour leur propre compte le projet de conquérir la ville. Le débarquement anglo-américain de 1942 en Afrique du Nord sonna le glas de toutes ces convoitises.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2008
Nombre de lectures 93
EAN13 9782296198760
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Quand Franco réclamait Oran
L'Opération Cisneros

Alfred Salinas
© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296056862
EAN : 9782296056862
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Avant-propos Chapitre 1 - Le contentieux franco-espagnol Chapitre 2 - Les exilés et le royaume Chapitre 3 - Les droits historiques de l’Espagne Chapitre 4 - La croisade oranaise de Franco l’Africain Chapitre 5 - Conspirateurs, révolutionnaires et prédicateurs Chapitre 6 - Les moyens d’action : Solidarité sociale et militantisme politique Chapitre 7 - Crépuscule d’un pouvoir Chapitre 8 - La République espagnole d’Oran, terre d’asile et d’enfermement Chapitre 9 - Oran sous le régime de Vichy : histoire d’une amnésie Chapitre 10 - Le jour J ne viendra pas Chapitre 11 - Les rêves ne meurent jamais Notes et références Sources et Bibliographie
Avant-propos
Vers huit heures du matin, juste au moment où le soleil surgissait derrière les falaises de Canastel, les cloches de la cathédrale du Sacré-Cœur se mirent à sonner, à pleine volée, comme saisies de frénésie. Ce fut le signal. Tous les clochers de la ville entamèrent un carillon virevoltant. Les sirènes de la défense antiaérienne, puis celles des remorqueurs et des usines, rejoignirent ce concerto qui inondait l’espace depuis les hauteurs de la colline Santa-Cruz jusqu’aux plateaux Saint-Michel et Karguentah. En cette journée printanière de 1941, baptisée « Jour de la Libération » par la radio d’Etat de Madrid, Oran fêtait l’arrivée des troupes espagnoles venues en prendre possession, suite à l’accord amiable passé avec le gouvernement français du maréchal Pétain.
La population, toutes races confondues, s’était massée, endimanchée et joyeuse, le long du parcours pour les accueillir. Les couleurs « sang et or » pavoisaient les façades des immeubles. Place Kléber, en bordure du vieux quartier espagnol, la « bandera » flottait déjà au fronton de la préfecture. La veille au soir, dans la plus grande discrétion, on avait ramené le drapeau tricolore. Après cent dix ans de présence française, le dernier préfet s’en était allé en catimini, avec sa police spéciale et ses dossiers, sans souhaiter bonne chance à ses anciens administrés dont il avait toujours méconnu la culture et les traditions. Une multitude anarchique d’affiches et de graffitis décoraient murs, poternes, rambardes et patios. Elles disaient la nouvelle identité des Oranais : « Viva España ». La statue équestre de Jeanne d’Arc, qui trônait comme un anachronisme devant la cathédrale, avait été déboulonnée au profit de celle du cardinal Jimenez de Cisneros, ce moine soldat qui avait conquis jadis la cité au nom des Rois Catholiques.
La brume se désagrégeait au bout de la rade, laissant apparaître le croiseur nationaliste Canarias qu’escortait une nuée de petites voiles blanches et pointues, embarcations et caboteurs des marins pêcheurs de la ville. Simultanément, par l’avenue d’Oujda, à la périphérie sud-ouest, là où se dressent les Arènes, les premiers détachements militaires faisaient leur entrée, précédés par la fanfare des joueurs de cornets et de tambours. Les vétérans de la Légion composaient cette avant-garde de fantassins défilant en rangs serrés, chemises ouvertes, d’un pas martial que leurs bottes noires poussiéreuses rendaient assourdissant. Suivaient les troupes à cheval. Elles étaient formées de volontaires rifains enturbannés de rouge, portant djellabas blanches, exhibant les uns des fusils démodés, les autres des lances moyenâgeuses. C’était la garde maure du général Franco.
Au milieu du cortège, figurait une berline d’apparat dont on avait rabaissé la capote. Le Caudillo en personne stationnait debout à l’arrière, sanglé dans un manteau kaki sans grand relief et saluant la foule qui lui jetait des fleurs sur son passage. Quand il arriva place d’Armes, devant l’hôtel de ville, la pression populaire était si chaleureuse qu’il manda à son entourage de poursuivre à pied. On se bousculait pour le voir et lui donner l’accolade. Les jeunes filles aussi jouaient des coudes, dans l’espoir de toucher les glands de son calot car cela, disaient-elles, leur apporterait bonheur et prospérité pour toute la vie. La liesse confinait à l’hystérie. Revêtus de tuniques bleu foncé et de bérets rouge écarlate, les membres de la Phalange, auxquels le service d’ordre avait été confié, éprouvaient bien du mal à contenir les débordements. « Viva Franco », criait-on jusqu’à perdre la voix.
Trois heures plus tard et quelques dizaines de mètres plus loin, le généralissime parvenait au château médiéval du Rosalcazar que ses partisans avaient érigé en siège du gouvernorat de la nouvelle province de l’Oranesado. Là, en présence des notabilités de la ville, il dit sa fierté de voir Oran revenue au sein de la mère patrie sans qu’une goutte de sang n’eût été versée. Puis, par des rues montueuses, il gagna l’église Saint-Louis, la plus ancienne de la cité, où l’archevêque Enrique Pla y Deniel, nouveau primat de la péninsule, concélébra avec le clergé oranais une messe d’action de grâces. A la fin de l’office, les orgues attaquèrent les notes de l’hymne espagnol. Dehors, trois mille colombes s’élançaient vers les cieux ...
Autant le dire d’emblée, la réalité ne prit jamais l’aspect de cette fiction. Pourtant le scénario paraissait cousu de fil blanc. Point de paramètres, d’attitudes ou de convictions qui n’eussent incité le train de l’Histoire à suivre un autre cours. Peu d’acteurs en 1940-41 n’auraient parié un seul centime sur le maintien de la présence française à Oran, tant semblait inévitable et irréversible le rétablissement de la souveraineté espagnole. L’Opération Cisneros, nom de code que donna le pouvoir colonial français au projet de conquête de la ville par l’Espagne nationaliste, était sur le point d’aboutir. Plus de cent cinquante mille soldats espagnols attendaient, l’arme au pied, sur la frontière de leur protectorat marocain, l’ordre d’envahir l’Oranie. La population locale, issue en grande partie de l’émigration espagnole, s’apprêtait à les recevoir triomphalement. Le coup de foudre qu’elle avait éprouvé en entendant leurs chefs s’insurger contre sa condition de colonisée était en passe de se confirmer. Mais au dernier moment le destin balbutia, hésita et se ravisa. L’ordre n’arriva jamais. Un grain de sable vint dérégler la belle programmation des faits, donnant un coup de barre aux trajectoires individuelles pour les orienter vers de nouveaux horizons. Oran avait esquivé son rendez-vous avec l’Histoire.
Pourquoi les prévisions les plus cohérentes, les prédictions les plus enthousiastes ne se réalisèrent-elles pas ? Pourquoi le général Franco, qui avait toutes les cartes en main, renonça-t-il subitement à son rêve africain, ou - pour reprendre la phraséologie employée alors par les ultras de la Phalange - pourquoi abandonna-t-il son projet d’arracher l’Oranie au joug de l’impérialisme français ? Faut-il attribuer sa décision à de pures contingences matérielles ou à l’incapacité structurelle de son régime de surmonter ses clivages internes et de passer du discours aux actes ?
Finalement, dans tout ce fatras de promesses et de provocations, il y eut beaucoup de bruit pour rien. Les Oranais sortirent de l’épreuve, convulsés et déçus, avec le sentiment d’avoir été bernés par l’Espagne franquiste. Ils trouvèrent rapidement une foi de remplacement qui les amena à se battre pour une nouvelle croyance, celle d’une France idéalisée, généreuse, protectrice des libertés.
Désirs, ratages et désillusions ont composé la trame de l’Opération Cisneros. Le pouvoir colonial français s’est employé à minimiser cet épisode de la seconde guerre mondiale, quand il ne l’a pas tout simplement occulté et censuré auprès de ses sujets et administrés. Car il y allait à cette époque de sa survie, contrairement aux revendications éparses des nationalistes algériens qui ne menaçaient pas encore ses fondations. Place donc au récit d’un événement ou, plus exactement, d’un non-événement qui

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents