Seule au front : Un témoignage de la première officière de l’infanterie canadienne
211 pages
Français

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Seule au front : Un témoignage de la première officière de l’infanterie canadienne , livre ebook

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Description

Je me suis retournée pour jeter un dernier regard d’envie vers les troupes d’infanterie qui remontaient dans leur TTB. Pendant une fraction de seconde, j’ai songé aux conséquences d’abandonner mon unité pour les rejoindre, en espérant que personne ne le remarquerait.
Mais tout le camouflage du monde n’aurait pas suffi à me dissimuler dans un bataillon uniquement composé d’hommes.
J’ai couru vers mon camion et y suis montée. J’ai fait un grand sourire à mon caporal, qui me regardait du siège du conducteur. Il a pointé ma joue et m’a fait remarquer que je saignais. Ignorant son commentaire, je me suis adossée au mur du camion et ai soupiré.
Puis j’ai lancé d’un ton convaincu qu’un jour, je serais dans l’infanterie. Il a simplement secoué la tête en riant, puis a engagé le camion sur la route de terre en direction du camp de base avant de dire : « Sauf votre respect, lieutenant, vous êtes complètement folle ! »
À 14 ans, Sandra Perron a joint les cadets de l’air. Fille de militaire, elle savait déjà ce à quoi elle aspirait : tailler sa place dans une unité de combat, même si aucune Canadienne ne l’avait jamais fait.
« Des femmes telles que Mme Perron non seulement disposent des qualifications nécessaires pour être d’excellentes soldates et officières, mais amènent en plus une panoplie de nouvelles aptitudes essentielles à intégrer. C’est à nos propres risques et périls que nous continuons de les tenir à distance. »
— L’honorable lieutenant-général Roméo A. Dallaire (ret.)
Deux tables plus loin se trouvaient les hommes qui s’étaient ligués contre nous ; des officiers qui m’ont fait la vie dure quand je suis devenue la première femme officier d’infanterie au Canada. Malgré le fait qu’ils étaient mes collègues – des hommes avec qui j’allais être envoyée dans des pays déchirés par la guerre, aux côtés desquels j’allais devoir me battre –, ils m’ont fait subir des choses que personne ne devrait avoir à endurer en milieu de travail. La raison de leur hargne ? Je faisais tomber les barrières de leur précieux bastion masculin. J’étais une intruse dans leur sacro-sainte unité de combat purement mâle, une menace pour leur conception du métier de soldat. Je n’étais pas la bienvenue dans le régiment, et ils me l’ont rappelé sans relâche, jusqu’à ce que je ne puisse voir aucune autre option que de quitter, de retourner à une vie civile.
La plupart d’entre eux occupaient maintenant des postes de commandement haut placés, dirigeant des unités de combat, développant des politiques à Ottawa, forgeant l’avenir de l’armée. Ils ont été grassement récompensés pour leur leadership même si à l’époque, ils l’ont cruellement employé contre moi. Je ne les avais pas revus depuis que j’avais quitté l’armée, mais curieusement, j’avais l’impression que cette soirée allait agir comme un baume sur les plaies infligées tant d’années auparavant et me permettre de tourner la page.
Ça semble peut-être absurde maintenant, mais je m’attendais à ce qu’ils me présentent leurs excuses.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 février 2018
Nombre de lectures 5
EAN13 9782764434772
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Myriam Caron Belzile, éditrice

Conception de la grille graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Pige communication
Révision linguistique : Catherine Lemay
En couverture : Courtoisie de © Ross MacDonald
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Perron, Sandra
[Out standing in the field. Français]
Seule au front : un témoignage de la première officière de l’infanterie canadienne / Sandra Perron ; traduction, Emily Patry.
(Biographie)
Traduction de : Out standing in the field.
ISBN 978-2-7644-3475-8 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3476-5 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3477-2 (ePub)
1. Perron, Sandra. 2. Canada. Forces armées canadiennes. Royal Régiment, 22e. 3. Délits militaires - Canada. 4. Discipline militaire - Canada. 5. Canada - Forces armées. 6. Canada - Forces armées - Femmes - Biographies. 7. Canada. Forces armées canadiennes. Royal Régiment, 22e - Femmes - Biographies. 8. Femmes militaires - Canada - Biographies. I. Titre. II. Titre : Out standing in the field. Français. III. Collection : Biographie (Éditions Québec Amérique).
U55.P475A3 2018 355.0092 C2017-942696-6

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2018

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© 2017, Sandra Perron.
Original title : Out Standing in the Field
Copyright © 2017, Original English-language edition:
Cormorant Books Inc.

Version française © Éditions Québec Amérique inc., 2018.
quebec-amerique.com





À mes chers parents et mes trois sœurs adorées.
Merci d’avoir toujours cru en moi.
Et à tous les membres passés et présents des Forces armées canadiennes, ces hommes et ces femmes qui mettent volontairement leur vie en danger dans l’espoir de bâtir un monde meilleur.


Chapitre 1
100 e anniversaire des Vingt-deux
Mes attentes pour la soirée étaient aussi hautes que le plafond de la salle de bal de l’hôtel Delta du Vieux-Québec. Des lumières rouges, bleues et jaunes scintillaient au plafond. Chaque mur était décoré de draperies illuminées par des projecteurs, comme aux Oscars, mais dans les trois couleurs du Régiment. Au fond de la scène, un drapeau du Royal 22 e Régiment couvrait le côté gauche et une grande bannière à l’effigie du castor, l’insigne du Régiment, occupait le côté droit. Au centre, un écran géant affichait des photos de soldats du régiment à des époques diverses, durant des guerres, à l’entraînement ou lors de déploiements à travers le monde. Une multitude de tables rondes étaient serrées les unes contre les autres et sur chacune d’entre elles trônait un centre de table en verre, lui aussi aux couleurs du Régiment, rempli de liquide pétillant. La fanfare régimentaire – avec ses trompettes, caisses claires, violons et flûtes – jouait Vive la Canadienne à plein régime, signe que les quelque deux mille invités devaient rejoindre les tables qui leur avaient été assignées. Fidèles au protocole, les soldats, officiers, vétérans et leurs conjoints et conjointes – tous vêtus de costumes élégants et de robes de soirée en l’honneur de ce 100 e anniversaire du Royal 22 e Régiment – ont interrompu à regret leurs conversations pour se diriger vers leur siège.
J’avais opté pour une robe bleu royal, l’une des couleurs régimentaires, avec des bas de nylon luxueux et des sandales argentées. Le petit castor du régiment, fièrement épinglé à la bretelle de ma robe, complétait ma tenue. Ma longue crinière était remontée en une coiffure élaborée laissant quelques boucles s’échapper de chaque côté. Je n’avais jamais mis autant de temps à me préparer pour une sortie, mais ce soir-là, j’avais désespérément besoin de me sentir forte, belle, en possession de mes moyens. Ce soir-là était crucial.
J’attendais cette réunion depuis les vingt-deux dernières années et je sentais la tension parcourir mon corps. J’avais l’impression de retourner en zone de guerre pour retrouver quelque chose que j’avais abandonné, laissé derrière ; quelque chose que j’avais un jour chéri et qui me semblait maintenant indispensable.
Ce soir-là, j’allais retrouver cette chose.
À ma table prenaient place cinq autres officiers et leurs épouses. Nos regards empreints de nostalgie révélaient une connexion profonde ayant traversé deux décennies : mariages, enfants, perte de personnes chères, missions en Bosnie, en Croatie, en Afghanistan. Ces cinq hommes avaient été surnommés les « Pepperoni Lovers » en référence à mon nom de famille, « Perron », parce qu’ils avaient choisi d’être mes alliés durant notre formation d’infanterie en 1992. Pour certains d’entre eux, le prix à payer avait été élevé. Ensemble, nous avions traversé l’enfer ce printemps-là. Mais ensemble, nous étions aussi devenus officiers d’infanterie.
Deux tables plus loin se trouvaient les hommes qui s’étaient ligués contre nous, des officiers qui m’avaient eu dans leur ligne de mire dès lors que j’ai été en voie de devenir la première femme officière d’infanterie au Canada. Malgré le fait qu’ils étaient mes collègues – des hommes avec qui j’allais être envoyée dans des pays déchirés par la guerre, aux côtés desquels j’allais devoir me battre –, ils m’avaient fait subir des choses que personne ne devrait avoir à endurer en milieu de travail. La raison de leur hargne ? Je faisais tomber les barrières de leur précieux bastion masculin. J’étais une intruse dans leur sacro-sainte unité de combat purement mâle, une menace pour leur conception du métier de soldat. Je n’étais pas la bienvenue dans le régiment, et ils me l’avaient rappelé sans relâche, jusqu’à ce que je ne puisse voir aucune autre option que de partir, de retourner à une vie civile.
La plupart d’entre eux occupaient maintenant des postes de commandement haut placés, dirigeant des unités de combat, élaborant des politiques à Ottawa, forgeant l’avenir de l’armée. Ils avaient été grassement récompensés pour leur leadership . Je ne les avais pas revus depuis que j’avais quitté l’armée, mais curieusement, j’avais l’impression que cette soirée allait agir comme un baume sur les plaies infligées tant d’années auparavant et me permettre de tourner la page.
Ça peut sembler absurde maintenant, mais je m’attendais à ce qu’ils fassent amende honorable. Pendant trop longtemps, j’avais nié mon désir de les voir se repentir. Dans les derniers mois, j’en étais pourtant venue à réaliser que leurs excuses me rassureraient, comme quoi les conditions que j’avais endurées ne seraient plus tolérées aujourd’hui.
J’avais hâte qu’ils me voient et se rappellent la jeune femme qu’ils avaient harcelée, exclue, violentée, mais qui se présentait malgré tout, sans rancune, pour célébrer les 100 ans d’histoire de son vaillant régiment. Ce soir-là, ils allaient me confier leur profond regret, leur sentiment de culpabilité et leurs remords pour ce qu’ils avaient fait. J’allais voir la lucidité dans leurs yeux, la conscience profonde de s’être comportés en vrais salauds, vingt-deux ans plus tôt. Des salauds qui ne se rendaient pas compte que leurs actions allaient me forcer à quitter l’armée, anéantissant mon rêve de devenir officière d’infanterie. Ce soir-là, ils allaient s

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