Le Juif errant est arrivé , livre ebook

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Ce livre rassemble vingt-sept articles sur les juifs qu'Albert Londres écrit lors d'un périple qui débute à Londres, se poursuit à Prague, en passant par les ghettos de Varsovie et de Transylvanie, et qui prend fin en Palestine.
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Publié par

Date de parution

30 août 2011

Nombre de lectures

109

EAN13

9782820608369

Langue

Français

Le Juif errant est arriv
Albert Londres
1930
Collection « Les classiques YouScribe »
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ISBN 978-2-8206-0836-9
Chapitre 1 UN PERSONNAGE EXTRAVAGANT

Les bateaux qui vont de Calais à Douvress’appellent des malles. Au début de cette année, la dix-neuf centvingt-neuvième de l’ère chrétienne, j’étais dans l’une de cesmalles.
Elle semblait assez bien faite, l’ordre yrégnait. Dans le compartiment le plus bas, des voyageurs, passeportau bout des doigts et formant une longue file, attendaient de seprésenter devant la police. D’autres, au coup de cinq heures, serendaient pieusement au rendez-vous rituel de la théière.L’escalier était bourré de cœurs inquiets. Qu’allait faire lamer ? Descendrait-on au fond de la malle ?S’installerait-on sur son couvercle ? Le couvercle l’emporta,la foule gagna le pont.
Là, c’était la grande parade desvalises !
Le bateau, jusqu’ici muet, se mitalors à parler. Par la magie de leurs étiquettes, les valisesracontaient leur voyage. Shéhérazade eût été moins éloquente. Unevue du Parthénon disait que celle-ci venait d’Athènes. Elle s’étaitarrêtée dans un palace à Rome, puis dans un « albergo » àFlorence. Cette autre devait être une indécise : n’avait-ellepas changé trois fois d’hôtel au Caire ? Une toute petitevenait de Brisbane avec escale à Colombo. Plusieurs arrivaient del’Inde. Les images des hôtels de Bombay étaient plus jolies que lesimages des hôtels de Calcutta. Dans un coin, une malheureuseregrettait Biskra, un palmier collé à son flanc. Menton,Saint-Raphaël en renvoyaient une vingtaine. La Suisse aussi. Sur dubeau cuir de vache, la neige et le soleil des autres paystraversaient mélancoliquement le détroit.
Soudain, tandis que je pensais à tous cessmokings pliés et ambulants qui rentraient en Angleterre, unpersonnage extravagant surgit parmi ces bagages.
Il n’avait de blanc que ses chaussettes ;le reste de lui-même était tout noir. Son chapeau, au temps du belâge de son feutre, avait dû être dur ; maintenant, il étaitplutôt mou. Ce galurin représentait cependant l’unique objeteuropéen de cette garde-robe. Une longue lévite déboutonnée etremplissant l’office de pardessus laissait entrevoir une secondelévite un peu verte que serrait à la taille un cordon fatigué.L’individu portait une folle barbe, mais le clou, c’était deuxpapillotes de cheveux qui, s’échappant de son fameux chapeau,pendaient, soigneusement frisées, à la hauteur de ses oreilles.
Les Anglais, en champions du rasoir, leregardaient avec effarement. Lui, allait, venait, bien au-dessus dela mêlée.
C’était un Juif.
D’où venait-il ? D’un ghetto. Il faisaitpartie de ces millions d’êtres humains qui vivent encore sous laConstitution dictée par Moïse du haut du Sinaï. Pour plus declarté, il convient d’ajouter qu’à l’heure présente ils viventaussi en Galicie, en Bukovine, en Bessarabie, en Transylvanie, enUkraine et dans les montagnes des Marmaroches. Autrement dit, sanscesser d’appartenir uniquement à Dieu, ils sont, par la malice deshommes, sujets polonais, roumains, russes, hongrois ettchécoslovaques.
L’accoutrement de celui-ci aurait pu luiservir de passeport. Il arrivait probablement de Galicie, sansdoute était-il rabbi, et quant au but de son voyage, pour peu quel’on connût quelques traits de la vie de ces Juifs, on le pouvaitaisément fixer : le rabbi se rendait à Londres recueillir des haloukah (aumônes).
La malle ne tarda pas à déverser son contenusur le quai de Douvres. Je m’attachai aux pas du saint homme. Unevalise de bois ciré à la main, il suivait la foule. Un policemancoiffé à la Minerve sourit à sa vue. Lui, passa. On fut bientôtdevant la banquette de la douane. Il y posa sa caisse. À cetinstant et pour la première fois de ma vie, mon âme éprouva destressaillements de douanier. Qu’attendait-on pour lui fairedéballer sa marchandise ? Enfin, on l’en pria. La caisse livrason secret. Elle contenait un châle blanc rayé noir et frangé, unepaire de chaussettes, deux petites boîtes un peu plus longues quenos boîtes d’allumettes, épaisses deux fois comme elles et fixées àune lanière de cuir, deux gros livres qui, de très loin, sentaientle Talmud, et quelques journaux imprimés en caractèresbizarres.
D’anciennes incursions dans les synagoguesd’Europe orientale me permirent de reconnaître que le châle étaitun châle de prière, un taliss, et que les deux petitesboîtes représentaient les téfilin que tout Juif pieux lieà son front et à son poignet gauche les jours de grandeconversation avec le Seigneur.
Un douanier protestant était en droitd’ignorer la sainteté de tels objets ; aussi les traita-t-ilcomme il eût fait de boîtes à poudre ou d’un châle espagnol.
La visite achevée, le rabbi gagna le quai dela gare.
Il laissa partir le pullman et prit, dixminutes après, le train des gens raisonnables.
Naturellement, je m’installai en face delui.
Ma conduite ne m’était pas dictée par uncaprice. Cet homme tombait à point dans ma vie. Je partais cettefois, non pour le tour du monde, mais pour le tour des Juifs, etj’allais d’abord tirer mon chapeau à Whitechapel.
Je verrais Prague, Mukacevo, Oradea Mare,Kichinev, Cernauti, Lemberg, Cracovie, Varsovie, Vilno, Lodz,l’Égypte et la Palestine, le passé et l’avenir, allant desCarpathes au mont des Oliviers, de la Vistule au lac de Tibériade,des rabbins sorciers au maire de Tel-Aviv, des trente-six degréssous zéro, que des journaux sans pitié annonçaient déjà chez lesTchèques, au soleil qui, chaque année en mai, attend les grimpeursdes Échelles du Levant.
Mais je devais commencer par Londres.
Pourquoi ?
Parce que l’Angleterre, voici onze ans, tintaux Juifs le même langage que Dieu, quelque temps auparavant, fitentendre à Moïse sur la montagne d’Horeb. Dieu avait dit àMoïse : « J’ai résolu de vous tirer de l’oppression del’Égypte et de vous faire passer au pays des Chananéens, desHéthéens, des Amorrhéens, des Phérézéens, des Hévéens et desJébuséens, en une terre où coulent des ruisseaux de lait et demiel. »
Lord Balfour s’était exprimé avec moins depoésie. Il avait dit : « Juifs, l’Angleterre, touchée parvotre détresse, soucieuse de ne pas laisser une autre grande nations’établir sur l’un des côtés du canal de Suez, a décidé de vousenvoyer en Palestine, en une terre qui, grâce à vous, luireviendra. »
L’Angleterre défendait ses intérêts mieux queDieu les siens. Dieu avait donné d’un coup la Palestine et laTransjordanie.
Lord Balfour gardait la Transjordanie. Entreles deux époques, il est vrai, Mahomet avait eu un mot à dire.
*
**
Le train roulait. Mon rabbin sommeillait. Sonfameux chapeau, s’étant déplacé légèrement, découvrait la calottequ’il portait en dessous. Tout Juif orthodoxe doit avoir ainsi deuxcoiffures. Un coup de vent, une distraction pourraient faire que lapremière quittât son chef. Quelle inconvenance si le nom duSeigneur (béni soit son nom !) était alors prononcé devant latête décalottée d’un Juif !
À Chatam, mon compagnon rouvrit les yeux. Illes avait beaux. Si mon homme arrivait de Galicie, ses yeuxvenaient de beaucoup plus loin. L’Orient les habitait encore. Ayantextrait son Talmud de sa valise en bois, ce sujet polonais seplongea dans l’hébreu.
Les Anglais en promenade dans le couloirjetaient sur le voyageur un regard scandalisé. On peut appartenir àun peuple touriste et n’avoir pas tout vu. Ce sont les« peycés » (les papillotes) qui leur donnaient surtout uncoup dans l’estomac. Le rabbi devint bientôt l’attraction ducompartiment. Ceux qui l’avaient découvert le signalaient à leursvoisins. Et les curieux, feignant le bel air de l’indifférence,passaient et passaient encore devant notre box. Un vulgairecontemporain se fût dressé et leur eût demandé : « Quedésirez-vous, gentlemen ? » Mais quand on flirte avecDieu à travers de difficiles caractères d’imprimerie, a-t-on despensées pour de sottes créatures ? Et, calme, le rabbinbroutait son texte, les lèvres actives comme un lapin quidéguste.
*
**
Ce fut Londres. Le voyageur était attendu.Deux hommes, ceux-là habillés à l’européenne, le saluèrent sansenlever l

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