L’utilisation des biomarqueurs a permis une amélioration considérable de la gestion de problèmes médicaux fréquents et graves en médecine d’urgence. Les premiers progrès sont venus de la pathologie cardiovasculaire. La sécurisation de la prise en charge diagnostique par l’utilisation de stratégies composites incluant les biomarqueurs a imposé ces outils comme des éléments fondateurs de la rationalisation de la prise en charge : plus sûre pour le patient et permettant d’épargner des ressources précieuses. Le modèle idéal a été porté par l’utilisation du dosage des D-dimères dans le diagnostic de la maladie thrombo-embolique. En effet, l’algorithme décisionnel a été construit en rationalisant le recours aux différents outils selon le risque clinique estimé d’avoir la maladie. Ce type de stratégie a ensuite été décliné avec des biomarqueurs différents selon le type de syndrome d’intérêt, avec des succès variables en rapport avec les biomarqueurs, les maladies, les malades. Il n’en reste pas moins vrai que nombre de biomarqueurs sont aujourd’hui inclus dans les référentiels. Il convient donc de bien connaître le respect des indications et les limites des procédures pour appréhender au mieux ces outils.
Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Chapitre S08P01C03 Biomarqueurs diagnostiques en médecine d’urgence
YANNERICKCLAESSENS, THOMASRIQUÉ, THOMASMALLETCOSTE M A M ET ARC LEXIS ACCHI
0 03 0
C03 01 P 08 S
L’utilisation des biomarqueurs a permis une amélioration considé rable de la gestion de problèmes médicaux fréquents et graves en méde cine d’urgence. Les premiers progrès sont venus de la pathologie cardiovasculaire. La sécurisation de la prise en charge diagnostique par l’utilisation de stratégies composites incluant les biomarqueurs a imposé ces outils comme des éléments fondateurs de la rationalisation de la prise en charge : plus sûre pour le patient et permettant d’épar gner des ressources précieuses. Le modèle idéal a été porté par l’utilisa tion du dosage des Ddimères dans le diagnostic de la maladie thromboembolique. En effet, l’algorithme décisionnel a été construit en rationalisant le recours aux différents outils selon le risque clinique estimé d’avoir la maladie. Ce type de stratégie a ensuite été décliné avec des biomarqueurs différents selon le type de syndrome d’intérêt, avec des succès variables en rapport avec les biomarqueurs, les maladies, les malades. Il n’en reste pas moins vrai que nombre de biomarqueurs sont aujourd’hui inclus dans les référentiels. Il convient donc de bien connaître le respect des indications et les limites des procédures pour appréhender au mieux ces outils.
Biomarqueur en médecine d’urgence : définition et contexte
Définition Le terme « biomarqueur » est un néologisme d’origine anglo saxonne dont la définition est plurielle. Initialement, ce terme a été uti lisé par les météorologues pour définir des traceurs de pollution atmo sphérique. En biologie, l’acceptation courante veut qu’un biomarqueur soit une caractéristique biologique, le plus souvent une protéine, mesurable et liée à un processus normal ou non. Dans le domaine médical, un biomarqueur peut être utilisé pour le dépistage médical (recherche d’une maladie dans une population), le diagnostic (caractérisation d’une maladie chez un individu), la réponse à un trai tement médical, la rechute après un traitement, la toxicité d’une molé cule (marqueur compagnon). Il s’agit alors le plus souvent d’une protéine (dosable dans le sang ou l’urine). La terminologie de biomar queur a été adoptée par les médecins oncologues pour définir les mar queurs tumoraux indicateurs de masse tumorale, le plus ancien étant la protéinurie de BenceJones. Il est intéressant de constater que, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le premier biomarqueur est la glycémie, identifié en 1848, et que le concept de biomarqueur s’étend aux modifications génomiques. Devant une telle confusion, il faut rappeler les règles de développe ment d’un biomarqueur. Le Early Detection Research Network, National Cancer Institute (EDRN, ÉtatsUnis) recommande un pro cessus en cinq étapes pour développer un biomarqueur :
S08P01C03 • Biomarqueurs diagnostiques en médecine d’urgence
– une phase exploratoire préclinique de recherche de candidats bio marqueurs par comparaison d’un groupe malade et d’un groupe témoin ; – le développement d’un test clinique reproductible sur un échantil lon représentatif de la populationcible ; – l’étude clinique rétrospective de validation sur une population malade ; – l’étude clinique prospective sur la population cible pour détermi ner l’utilité du biomarqueur ; – l’étude prospective d’impact pour valider l’intérêt clinique du bio marqueur. En résumé, c’est non pas le paramètre biologique luimême mais l’utilisation que l’on en fait dans un contexte précis qui le définit comme biomarqueur ; hors de ce contexte, il redevient un paramètre biologique comme les autres. Le terme de biomarqueur répond par conséquent à une définition fonctionnelle.
Contexte de la médecine d’urgence
La pratique de la médecine d’urgence en général et dans les services d’urgences hospitaliers en particulier présente des caractéristiques propres, qui en font la richesse mais également la difficulté : l’afflux constant de patients toujours plus nombreux, fragiles, polypatholo giques, l’hétérogénéité des affections rencontrées se heurtent à des contraintes de temps, de moyens et d’optimisation d’allocation des ressources. Dans ce contexte, la rationalisation des stratégies, diag nostiques et thérapeutiques, est indispensable. Pour être opération nelles, ces stratégies doivent reposer sur des arbres décisionnels faciles à mettre en œuvre et applicables au lit du malade. Le développement des biomarqueurs cardiaques a permis cette évolution. L’habileté même des urgentistes à maîtriser ces algorithmes et à les faire progres ser est aujourd’hui au cœur de ce métier. Il s’agit cependant de ne pas oublier que ces outils, aussi puissants soientils, ne se suffisent pas à euxmêmes. Ils requièrent l’absolue nécessité d’être intégrés aux pra tiques conventionnelles.
Principaux biomarqueurs et utilisation
DDimères et maladie thomboembolique veineuse
Le modèle le plus pur du point de vue académique est celui de l’utili sation du dosage de Ddimères pour le diagnostic d’exclusion de la mala die thromboembolique veineuse. Sur un plan conceptuel, le dosage des Ddimères est facilement intelligible ; en effet, l’organisme est en quête permanente d’équilibre ; ainsi, la formation d’un caillot s’accompagne immédiatement d’un phénomène de sa destruction, la fibrinolyse, dont le but est notamment de fragmenter les polymères de fibrine par l’action de la plasmine. La conséquence est la présence dans le sang circulant de fragments particuliers de fibrine, les Ddimères. Le dosage de ce biomar queur a bénéficié d’avancées technologiques permettant de disposer aujourd’hui de méthodes fiables et reproductibles. Le test le plus utilisé en France utilise une méthode proche de l’ELISA classique mais auto ® matisée (test Vidas , BioMérieux). En utilisant un seuil à 500 ng/ml, il est possible de prédire avec un excellent niveau de certitude si le patient est exempt de la maladie. L’utilisation d’un mode de raisonnement bayé sien est la clef de voûte de cette réflexion [3, 10]. Ce raisonnement est