L Hôpital nous a sauvés : sauvons-le !
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L'Hôpital nous a sauvés : sauvons-le ! , livre ebook

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Description

Urgences hors service, lits fermés, personnel manquant… La capacité de l’hôpital public à répondre à la demande de soins s’effondre sous nos yeux. André Grimaldi revient sur des décennies d’erreurs gouvernementales qui ont sabordé de l’intérieur notre système de santé, autrefois réputé le meilleur du monde. Il est vital de construire un service public de santé territorialisé, en renforçant notre première ligne de défense, les équipes pluriprofessionnelles de la médecine de ville, et en reconstruisant un service public hospitalier cogéré avec les soignants. Ce livre nous alerte sur le diagnostic consternant d’un hôpital public malade et délabré, avant de proposer des mesures de traitement chocs pour sauver l’hôpital et les urgences. « André Grimaldi nous transporte dans cet univers kafkaïen, soumis à une administration pléthorique de facture postsoviétique, qui recourt à des ‘‘codeurs’’ et à des sociétés de conseil, privilégie les pathologies rémunératrices, transforme le projet médical en business plan, le tout afin de maximiser les résultats financiers de l’hôpital. » A. Supiot André Grimaldi est professeur émérite de diabétologie au CHU Pitié-Salpêtrière à Paris et cofondateur du Collectif Inter-Hôpitaux. Il a publié Manifeste pour la santé 2022, Santé : urgence, La Vérité sur vos médicaments, Les Maladies chroniques et Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 octobre 2022
Nombre de lectures 3
EAN13 9782415003753
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , OCTOBRE  2022
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-4150-0375-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
PRÉFACE
par Alain Supiot
Comme une maison rongée par les termites, l’hôpital public est aujourd’hui menacé d’effondrement. Pendant des années en France, les certitudes technocratiques de gouvernants de tout bord, conjuguées à la confiance du public dans « le meilleur système de santé du monde », ont rendu les uns et les autres sourds aux alertes maintes fois lancées par les soignants. Puis survint la pandémie de Covid-19 et il devint impossible de se mentir plus longtemps sur la réalité et la gravité du mal. Dès lors, deux questions ont surgi qui auraient dû être au cœur des débats électoraux de 2022 : comment en est-on arrivés là ? Et comment rétablir sur des bases solides notre système de santé ? Mais, de vrais débats sur ces questions vitales, il n’y eut point. Ils furent escamotés par calcul politicien et empêchés par l’éclatement du forum démocratique en chapelles médiatiques, où officient en continu des chaînes cultivant chacune les certitudes de ses fidèles et toutes occupées par les derniers sondages ou les dernières « petites phrases ».
Pendant ce temps, l’hôpital public continue de faire eau de toutes parts. Les appels à l’aide des soignants n’ayant pas été entendus, beaucoup quittent le navire plutôt que de sombrer avec lui. Qui leur jettera la pierre ? Entre renoncer à soigner les malades et être contraints de les maltraiter, que choisirions-nous ? Beaucoup partent donc, et les candidats se font rares pour les remplacer ou venir en renfort à ceux qui restent. Face à cette sécession silencieuse, le gouvernement n’a su répondre à ce jour que par la seule motivation qu’il reconnaisse aux êtres humains : l’argent. C’est ce « signal prix » qui conduit à créer aujourd’hui des postes de contractuels beaucoup mieux rémunérés que le personnel statutaire et à accélérer ainsi la dislocation des collectifs de travail qu’engendre depuis vingt ans la gouvernance de l’hôpital par les nombres. Le « signal prix » d’une pénalité financière infligée aux patients « réorientés » est également le remède censé sauver les services d’urgences, submergés par l’incapacité de la médecine de ville à assurer la généralité et la continuité des soins de premier recours. Sous la forme cette fois d’une récompense, le « signal prix » est aussi le principal remède imaginé à ce jour pour lutter contre les déserts médicaux – comme si les praticiens craignaient de ne pas y trouver assez de patients pour bien gagner leur vie et non de s’installer dans ce qui est aussi un désert de services et d’équipements publics. Soignants et patients seraient-ils donc seulement des homines economici ou, ce qui revient au même, des ânes, animés seulement par l’impulsion du bâton ou de la carotte ?
Les ravages de cette anthropologie économique ont été résumés d’une façon lumineuse par Cornelius Castoriadis : « Faire toujours de son mieux sans en attendre de profit matériel n’a pas sa place dans l’échafaudage imaginaire du capitalisme […]. Sur ce plan, le capitalisme vit en épuisant les réserves anthropologiques constituées pendant les millénaires précédents. De même qu’il vit en épuisant les réserves naturelles. » Le capitalisme ? Mais l’hôpital public n’échappe-t-il pas par nature à son emprise, de même que les praticiens libéraux, dont le travail obéit au serment d’Hippocrate et non aux lois du marché ? On en revient à ces deux questions fondamentales : comment en est-on arrivés là ? Et comment en sortir ? Autrement dit, quel diagnostic et quel traitement ? André Grimaldi répond à ces deux questions de façon aussi concise et limpide qu’implacable.
Lire ses réponses et les donner à lire est une mission d’intérêt public car, si loin qu’on remonte dans l’histoire des institutions, préserver la vie humaine au travers des générations successives a toujours été l’une des premières fonctions du politique. Déjà, au V e  siècle avant notre ère, Hérodote rapporte les obligations légales imposées aux Babyloniens pour assurer la solidarité entre malades et bien portants. Plus de mille ans plus tard, en 529, le Code de Justinien dotait les hôpitaux d’un cadre juridique destiné à en garantir le bon fonctionnement. Y figure notamment cette prescription dont l’actualité ne se dément pas : « Ce qui est donné en vue de pieuses actions relevant d’un établissement hospitalier ne doit pas être détourné au profit privé d’un particulier. » L’empereur se reconnaissait ainsi le rôle de garant d’une mission d’intérêt général – la protection de la santé –, dont l’Église était la gérante. Elle le demeurera en France jusqu’à la Révolution de 1789, et même au-delà, en raison du piètre bilan de la nationalisation des hôpitaux décidée par la Convention en 1794. Ces derniers furent ainsi pendant des siècles placés sous l’égide de la charité, ce dont témoignent encore les noms religieux conservés par beaucoup d’entre eux.
Un tournant majeur est intervenu avec l’instauration de l’État social. Grande invention juridique des démocraties du XX e  siècle, l’État social repose non pas sur la charité , mais sur la solidarité . C’est sur cette base que furent développés les services publics ; financés par tous, ils répondent à des besoins jugés essentiels pour toute la population (d’enseignement, de soins, d’énergie, de transport, etc.) dans des conditions d’égalité, de continuité et d’accessibilité économique que ne garantit pas le secteur privé. C’est aussi sur cette base de la « solidarité nationale » que la Sécurité sociale fut conçue en 1945 comme « une vaste organisation nationale d’entraide obligatoire ». Conformément au programme du Conseil national de la Résistance, il ne s’agissait plus d’assurer aux plus pauvres des secours financés par la charité publique ou privée, mais d’instituer des solidarités entre générations, entre bien portants et malades, entre chargés de famille et sans enfants, entre actifs et chômeurs, etc. Solidarités en vertu desquelles chacun finance selon ses ressources et reçoit selon ses besoins.
L’hôpital public tel que nous le connaissons repose sur ces deux piliers de l’État social : les services publics et la Sécurité sociale. C’est un service public permettant à tous d’accéder dans des conditions d’égalité et de continuité aux meilleures technologies médicales, et non plus un asile destiné aux pauvres. Et son financement est assuré par la Sécurité sociale, dont le budget, dans le modèle français, est distinct de celui de l’État, qui ne peut en principe y puiser pour renflouer le sien (cet interdit a été, on le verra, enfreint durant ces dernières années).
La création de l’Assurance-maladie en 1946 a aussi transformé profondément les conditions d’exercice de la médecine de ville, en prenant en charge la rémunération des praticiens et une bonne part des dépenses pharmaceutiques. Dénoncée maintes fois par le grand juriste récemment disparu Jean-Jacques Dupeyroux, une « lourde erreur » a alors été commise, dont André Grimaldi décrit les funestes effets sur l’état présent de notre système de santé. Cette erreur a consisté à conférer à tous les médecins un droit à bénéficier de cette prise en charge de leurs honoraires par la solidarité nationale, sans remettre en cause les dispositions de la charte de la médecine libérale de 1927 (notamment le paiement à l’acte et la liberté d’installation) qui avaient été adoptées pour empêcher l’instauration du tiers payant et des réseaux de soins alors financés par les mutuelles. Cette concession, gratuite et injustifiée, à des syndicats médicaux exigeant le beurre et l’argent du beurre les a confortés dans le déni du fait que les revenus des médecins, comme ceux des fonctionnaires, sont essentiellement financés par des prélèvements obligatoires. Ce déni syndical (où de nombreux praticiens ne se reconnaissent pas) continue d’entraver la construction d’un service public de la médecine de proximité. Alors que cette médecine de premier recours – au premier chef la médecine générale – devrait être le socle de ce système, ce sont les hôpitaux publics – au premier chef leurs services d’urgences – qui en sont venus à occuper cette place par défaut, avec tous les effets délétères que l’on sait. Cette inversion des rôles a été aggravée par les réformes ultérieures consistant à instaurer un numerus clausus destiné à limiter le nombre de médecins ; à autoriser des dépassements d’honoraires plutôt que de les revaloriser ; à supprimer les obligations de participer à la permanence des soins, etc.
L’observateur extérieur (extérieur tant qu’il est bien portant !) retrouve ici à l’œuvre un néocorporatisme à la française, qui n’est pas propre au domaine médical, mais se manifeste dans d’autres secteurs, tels que la politique agricole, cogérée depuis des décennies avec le bonheur social et écologique que l’on sait par le ministère et la FNSEA, à l’exclusion des syndicats minoritaires. De même les deux autres maladies de l’hôpital public diagnostiquées par André Grimaldi – les défaillances du modèle hospitalo-universitaire (CHU) instauré par la réforme Debré et la politique de l’hôpital-entreprise – correspondent à des pathologies de portée plus générale.
Les défauts du modèle hospitalo-universitaire sont plus généralement ceux d

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