L’in-quiétude éthique est fondatrice de la médecine
26 pages
Français

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Description

La médecine est indissociablement liée à la connaissance, à la science et à la recherche. Chaque acte médical, chaque décision chirurgicale et chaque geste de soin reposent sur un vaste ensemble évolutif de recherches fondamentales et cliniques et sur un acquis de connaissances, de compétences et d’expériences pratiques.Et il y a peu d’approche aussi humaniste que la médecine, dont la vocation est d’accompagner les blessés de la vie, de soulager leur souffrance, de préserver la vie, la santé et le bien-être. Ce dont témoigne l’engagement quotidien des médecins et soignants, auprès de toutes et tous, et plus particulièrement encore auprès des plus pauvres, des plus démunis, en France et hors de France.Pourtant, comme toute entreprise humaine au service des autres, la médecine nécessite en permanence, pour répondre à sa vocation même, d’être soumise à un questionnement constant.Ce n’est pas d’une attention bienveillante, venant comme un bonus à l’exercice de la recherche ou de la clinique, dont il s’agit, c’est d’un questionnement éthique permanent. Faute de celui-ci, la culture médicale ne peut en effet que devenir une culture d’activisme, encouragée par la prime à la seule évaluation quantitative et technique, où par exemple maintenir à tout prix l’espoir sur une énième ligne de chimiothérapie apparaît préférable au respect d’une qualité de vie pour le temps qui reste, respectueuse des souhaits du malade.Nous voici en réalité au cœur de la clinique lorsque se confrontent l’exigence d’une médecine qui veut sauver et l’exigence d’une médecine qui doit, avec discernement, savoir écouter, dialoguer et « lâcher prise ». Nous voici au cœur de la médecine lorsque l’ultime de la réflexion est de comprendre que l’acte médical est fondé avant tout sur un mouvement vers l’autre, une reconnaissance de l’autre, une mise au service de l’autre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782901094012
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

169162UEK_TDM_S02.book Page1Friday,4.May2018 3:5115
S02-P01-C01•L ’in-quiétude éthique est fondatrice de la médecine
Chapitre S02-P01-C01 1 0 C - 1 0 P - 2 0 S viendraitseulementencadrer.D’autantplusquelesquestionsdesanté
dépassent largement la médecine.
L’in-quiétudeéthiqueest
Laréflexionéthiquedonnesensàlascience,àlatechnique,auxalgorithmes. Mais plus encore, c’est par elle que vient au jour la qualitéfondatricedelamédecine 1 0 C - 1 0 P - 2 0
S
ultimedelaclinique,delarecherchediagnostiqueetdeladécisionthérapeutique. C’est dans ce sens que l’on peut dire que l’in-quiétude
ALAIN CORDIER,JEAN-CLAUDE AMEISEN ET DIDIER SICARD
éthique est fondatrice de la médecine.
Mieuxsoignergrâceàl’inscriptionLamédecineestindissociablementliéeàlaconnaissance,àlascience
etàlarecherche.Chaqueactemédical,chaquedécisionchirurgicaleet descompétencesdansunerelation
chaque geste de soin reposent sur un vaste ensemble évolutif de d’humanité
recherches fondamentales et cliniques et sur un acquis de
connaissances, de compétences et d’expériences pratiques.
Soigner autrui, c’est bien sûr lui faire bénéficier du corpus de
Et ilyapeu d’approche aussi humaniste que la médecine, dont la
connaissances et de compétences que permet la médecine. Mais cet
vocation est d’accompagner les blessés de la vie, de soulager leur souf-
apportserainsuffisantsansunegrandecapacitéd’empathieetdesymfrance, de préserver la vie, la santé et le bien-être. Ce dont témoigne
pathie, d’écoute et de discernement.
l’engagementquotidiendesmédecinsetsoignants,auprèsdetouteset Soigner autrui, c’est se mettre au service de la personne, lui donner
tous, et plus particulièrement encore auprès des plus pauvres, des plus
toute sa place, l’informer le plus clairement et le plus honnêtement
démunis, en France et hors de France. possible, respecteràlafois son droit de savoir et son droit de ne pas
Pourtant, comme toute entreprise humaine au service des autres, la savoir, et lui donner,àchaque fois qu’elle le souhaite, la possibilité de
médecine nécessite en permanence, pour répondre àsavocation choisir, et respecter ses choix. Mais même cela ne suffit pas. Il faut de
même, d’être soumiseàunquestionnement constant. l’humilité sans démission, de l’intérêt pour l’autre sans fusion, une
Cen’estpasd’uneattentionbienveillante,venantcommeunbonus ouverture au dialogue, un sens de la responsabilité.
àl’exercice de la recherche ou de la clinique, dont il s’agit, c’est d’un Depuis Hippocrate, la médecine répond du devoir de soins,
c’est-àquestionnementéthiquepermanent.Fautedecelui-ci,laculturemédi- dire d’une obligation de moyens. Mais un principe de précaution mal
cale ne peut en effet que devenir une culture d’activisme, encouragée comprisetuneformed’exigence«consumériste»réunisaffectentcette
par la primeàlaseule évaluation quantitative et technique, où par idée même de
responsabilité.
exemplemainteniràtoutprixl’espoirsuruneénièmelignedechimioUnestratégiefondéesurlaseuleprécaution,multipliantlesexamens
thérapie apparaît préférable au respect d’une qualité de vie pour le
inutiles,sansexamencliniqueapprofondi,sansdialogueetsanspropotemps qui reste, respectueuse des souhaits du malade.
ser la voie diagnostique ou thérapeutique la mieux adaptée, dans la
Nous voici en réalité au cœur de la clinique lorsque se confrontent seule crainte d’une plainte en justice, constitue une dérive grave pour
l’exigence d’une médecine qui veut sauver et l’exigence d’une médecine la médecine.
quidoit,avecdiscernement,savoirécouter,dialogueret«lâcherprise».
C’est d’autant plus regrettable que la prévention–forme première
Nousvoiciaucœurdelamédecinelorsquel’ultimedelaréflexionestde delaprécaution–estleparentpauvredenotresystèmedesanté,dont
comprendre que l’acte médical est fondé avant tout sur un mouvement
lebudgetpublic,l’undesplusélevésaumonde,consacreplusde97 %
versl’autre,unereconnaissancedel’autre,unemiseauservicedel’autre. de ses dépenses aux traitements et aux soins et moins
de3%àlapréLa médecine ne peut pas,àelleseule, déterminer ses finalités. Elle vention des maladies.
doit le faire en prenant en compte le point de vue de la personne
L’éthique est donc là, dans la façon de se poser la question du sens
malade, de la personne en situation de handicap, des associations de du métier de soignant. Elle est dans la conscience permanente que la
patients et de personnes handicapées, et de la société dans son
souffrance du malade, si elle reste inaccessible, doit néanmoins
touensemble. La démarche éthique ne prend son sens que si elle s’inscrit jours être prise en compte, et que plus la technique envahit la
médedans une délibération ouverte, qui inclut tous.
cine, plus la vérité de la personne lui échappe, plus la personne
La médecine n’est pas d’abord dans son pouvoir mais dans sa res- disparaît derrière la maladie.
ponsabilité.Parlerderesponsabilité,c’estlaisserveniraujourleretour- Deux principes majeurs apparaissent alors :
nement des certitudes confortables et du pouvoir sécurisant que
–lesavoirabsolun’existepas,l’incertitudedisputeratoujourslapreprovoquelevisagedeceluiquisouffre.Lesensdelamédecineserévèle mière placeàlacertitude, l’impuissanceàlapuissance ;
en cherchant du côté d’une«in-quiétude éthique », d’une impossible –lerespectdumaladeconduittoujoursàleconsidéreretàletraiter
quiétude du savoir, du vouloir, dupouvoir.
comme une personne.
L’éthiquen’estniunornementniunecontrainte.L’éthiquen’estni
le retour aux formules incantatoires des médecins des pièces de Déontologieetéthique
Molière,nil’expressiond’unordremoral.L’éthiqueestlecœurdetout
La déontologie crée une obligation réglementaire d’application deacte de prévention, de soin et de traitement médical ou chirurgical.
Elle n’est pas complémentaire de celui-ci mais son essence. Car toute règles auxquelles tout praticien doit se conformer.
démarche médicale est toujours plus complexe qu’il n’y paraît et ne Ainsi, le Code de déontologie médicale dit dans son article2que
peut jamais se réduireàunéchange scientifique que la compassion «lemédecin, au service de l’individu et de la santé publique, exerce
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Éthiquemédicale
sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa Lesgrandsprincipes
dignité »,danssonarticle 37qu’« entoutecirconstance,le médecin
Leur définition
doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assister
Depuis l’ouvrage fondateur Principles of Biomedical Ethic
demoralementetévitertouteobstinationthérapeutiquedanslesinvesT.L. Beauchamp et J.S. Childress de 1979, l’éthique biomédicale setigations et la thérapeutique », et dans son article 38
que«lemédefonde sur quatre grands principes :cin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments,
–lerespect de l’autonomie de la personne ;assurer par des soins et mesures appropriées la qualité d’une vie qui
–lanon-malfaisance ;prendfinafindesauvegarderladignitédumaladeetréconforterson
–labienfaisance ;entourage
».
–lajustice.L’expertisemédicaleetensantépubliqueainsiquelaformationiniLe respect de l’autonomie de la personne signifie
:tialeetlaformationcontinuedoiventrépondreauxprincipesd’impar•l ’informer clairement et loyalement pour :tialité, de transparence, de pluralité et du contradictoire. Les liens
–oubien lui permettre de choisir, si elle le souhaite, une stratégied’intérêts peuvent susciter des conflits d’intérêts. C’est pourquoi la loi
diagnostique ou thérapeutique ;arenduobligatoireunedéclarationpubliqued’intérêtsdetoutenature
–oubien accepter son refus ;lorsque la mission demandée, notamment l’expertise sanitaire, l’exige,
•nepas asséner d’emblée toutes les informations, afin de tenirafin de permettre une appréciation collective et une vérification
indécomptedeladuréenécessaireàuneclaireréceptiond’unmessage,afinpendante de l’existence ou de l’absence de conflit d’intérêts au regard
deveiller,aussi,danslemêmetemps,aurespect,lecaséchéant,desonde cette mission.
droit de ne pas savoir.L’éthique de son côté pose la question des choix dans les situations
La non-malfaisance,« d’abord ne pas nuire»(primum non nocere),qui ne sont jamais simples, où surgissent non seulement des conflits
signifie
:d’intérêts,maisaussidesconflitsdevaleurentermesdifférentielsd’exi–nepas infliger de souffrances inutiles physiques ou psychiques ;gence. L’éthique est avant tout destinéeàceque les problèmes ne
–nepasexercerd’obstinationdéraisonnable(oud’acharnementthé-soient pas esquivés au nom des règles et des contingences de tous
rapeutique), en particulier en fin de vie ;ordres.
–nepas refuser d’accéderàune demande réfléchie de la personneAutant il peutyavoir desrègles déontologiques, autant il ne peut y
malade,ycompris lorsqu’il s’agit d’un changement de lieu de soin.avoir de règles éthiques. Car une fois les textes respectés, les questions
La bienfaisance signifie :commencent.
–d’abord soulager la douleur et la souffrance ;Par exemple, si le consentement libre et informé d’un malade–ou
–sepréoccuper du bien-être de la personne sans paternalisme ;plutôtsonchoixlibreetinformé–estd’ordredéontologique,sonsens
–êtreattentifàune balance positive bénéfice/risque.et le processus quiyconduit sont d’ordre éthique car, justement, la
Lajusticesignifietraiterdefaçonéquitablelespersonnes,enveillantréflexion éthique s’interroge sur la meilleure façon de rendre possible
àconféreràchacune une égalité des chances.et d’accompagner un choix ou un consentement.
Maiss’iln’yapasderègleséthiques,ilyadesconditionsnécessaires Les failles d’une éthique uniquement principielle
àl’exercice de la réflexion éthique:non seulement la déclaration des Deux failles surgissent immédiatementàl’esprit:
liens d’intérêts et une appréciation indépendante de l’absence de
–lacontradiction éventuelle entre ces principes ;
conflits d’intérêts, mais aussi l’inscription de la réflexion dans une –l’importanceetlapertinencedifférentesaccordéesàchacundeces
démarchecollective,ouvertesurlasociétéau-delàduseulchampdela
principes selon le médecin ou s

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