Le patient et médecin
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Description

Dans l’esprit de tous, la relation entre patient et médecin est simple et naturelle : l’un demande des soins, l’autre les lui prodigue. La réalité est souvent très différente. Soigner est peut-être naturel quand il s’agit de nos proches, mais les professionnels de la santé n’ont souvent ni la formation ni la motivation pour exercer dans les conditions adéquates. Un peu partout, le monde médical reste marqué par une culture peu propice au souci et au respect de l’autre.Certaines attitudes médicales peuvent même être maltraitantes, en particulier à l’égard des femmes.
S’appuyant sur des exemples tirés des contextes français et québécois, Marc Zaffran a voulu aller au fond de cette question, qu’il a souvent abordée dans ses différents ouvrages : comment la relation entre patient et médecin peut-elle cesser d’être un rapport de force et devenir, pleinement, une relation de soin — c’est à dire d’entraide, de soutien et de partage.
Marc Zaffran a été médecin de famille et en santé des femmes en France de 1983 à 2008. Sous le pseudonyme de Martin Winckler, il est l’auteur entre autres de La maladie de Sachs (1998), Le choeur des femmes (2009) et En souvenir d’André (2012). Il vit à Montréal et a enseigné à l’Université de Montréal, à l’Université McGill et à l’Université d’Ottawa.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 septembre 2014
Nombre de lectures 5
EAN13 9782760634084
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0005€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Zaffran, Marc Le patient et le médecin Comprend des références bibliographiques. ISBN 978-2-7606-3406-0 1. Relations médecin-patient. 2. Éthique médicale. I. Titre. R727.3.Z33 2014 610.69’6 C2014-941948-1 ISBN (papier) 978-2-7606-3406-0 ISBN (pdf) 978-2-7606-3407-7 ISBN (epub) 978-2-7606-3408-4 Mise en pages et epub: Folio infographie Dépôt légal: 3 e trimestre 2014 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2014 www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Elles remercient également de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
À Nadège D’âmenature, Andrée Duplantie et Daniel Weinstock
Préambule

L orsque j’étais enfant, on m’a souvent demandé – comme à tous les enfants – ce que je voulais faire quand je serais grand. La réponse me venait sans réfléchir: je voulais être médecin, comme mon père. J’étais un peu étonné de voir que ça suscitait l’admiration: je trouvais ça tout naturel. À mes yeux, mon père était le modèle à suivre. Il était bon, savant, rassurant; il nous soignait quand nous étions malades, mon frère et moi; il nous racontait des histoires qui nous faisaient rire; il nous emmenait au zoo et au cinéma; il nous protégeait. Et j’avais le sentiment que tout ça – enfin, sauf le zoo, peut-être – il le faisait avec tout le monde. Il était médecin de famille – et, en particulier, de la nôtre. Il était médecin et il faisait du bien.
Je ne réalisais pas, alors, ce qu’être médecin signifiait. Je n’imaginais pas le temps qu’il faut pour le devenir, les responsabilités que cela suppose, le poids que cela représente. J’ignorais qu’être médecin n’est pas un métier de tout repos. Ma vision était simple: un médecin, c’est quelqu’un qui soigne . Je le savais, j’en étais sûr et je pensais que tout le monde le savait. Il m’a fallu attendre l’âge de dix-neuf ans pour découvrir que je me fourrais le doigt dans l’œil jusqu’au coude.
Au CHU où j’ai été formé, beaucoup de médecins de premier plan – les Professeurs en chaire, les Agrégés – se comportaient avant tout comme des «docteurs», sûrs d’eux-mêmes et de leur valeur, non comme des soignants. Ils avaient manifestement beaucoup de plaisir à donner des cours en amphithéâtre, à faire étalage de leur culture et de leur esprit, à parler d’eux-mêmes et de leurs hauts faits d’arme, mais beaucoup n’étaient même pas de bons enseignants: ils ne répondaient pas aux questions; ils n’étaient pas au courant de ce qui se disait dans la presse scientifique; ils véhiculaient des idées dépassées, et les examens consistaient à recracher le contenu de leur cours polycopié.
Dans les services, parfois, c’était pire. Certains chefs de service étaient tout sourire avec leurs collègues, mais méprisants avec les autres professionnels de santé, hautains ou brutaux avec les patients – tout cela, sous les yeux des étudiants qu’ils étaient censés éduquer. Lorsque je m’étonnais et me révoltais de semblables attitudes, je m’entendais dire par beaucoup que tout cela était normal ou inévitable.
Certes, dans les hôpitaux où j’ai appris mon métier, dans les campagnes où j’ai exercé, j’ai rencontré des soignants remarquables, qui m’ont inspiré et appris beaucoup, et parmi ces soignants, certains – pas tous – étaient médecins. Mais les qualités de ces soignants, quel que fût leur mode d’exercice, restaient mésestimées par la plupart de leurs collègues; ils n’étaient pas donnés en exemple aux soignants en formation et on ne faisait pour ainsi dire jamais appel à eux quand il s’agissait de définir la politique de santé d’un service, d’un hôpital ou d’une région.
Plus grave: pendant mes études et bien après, j’ai croisé, entendu, dénoncé et parfois affronté beaucoup de médecins incompétents, peu scrupuleux, indifférents à ceux qu’ils étaient censés soigner – quand ils n’étaient pas carrément malveillants. Quel que soit le bout par lequel je prenais la question, je ne parvenais pas à comprendre comment on pouvait prétendre être un professionnel de santé en faisant aussi peu de cas des premiers intéressés.
J’ai dû me rendre à l’évidence: contrairement à ce que je croyais enfant, un médecin n’est pas toujours quelqu’un qui soigne. Autour de moi, parmi les professionnels qui, c’était visible dans leur comportement, faisaient du soin leur priorité, les médecins apparaissaient comme une minorité. La plupart semblaient beaucoup plus soucieux de leur statut et de leur carrière, de leurs ambitions et de leurs querelles, de leur influence et de leur aura, que du bien-être des patients. Et ça commençait très tôt: chaque fois que le centre de transfusion sanguine installait une équipe de prélèvement à la faculté, dans le couloir de la cafétéria, je trouvais toujours, malgré les cours et les stages, une heure pour m’y rendre avec quelques camarades, toujours les mêmes. Chaque fois que je m’y rendais, les infirmières me déclaraient, désabusées, que, de tous les étudiants, les futurs médecins étaient les moins nombreux à donner leur sang. Leurs enseignants, praticiens chevronnés, n’en donnaient jamais.
À mesure que les années passaient, j’ai compris que la faculté de médecine n’avait pas pour vocation de nous apprendre à soigner. Pendant l’enseignement magistral, beaucoup de «maîtres» méprisaient ouvertement les stages hospitaliers et survalorisaient le concours d’internat, sélectif et élitiste; en stage, beaucoup de praticiens passaient plus de temps à persécuter ou exploiter les étudiants qu’à leur apprendre la clinique, pourtant portée au pinacle dans leurs discours ex cathedra; la technologie, pourtant bien moins développée qu’aujourd’hui, l’emportait presque constamment sur l’écoute et l’examen attentif du patient; enfin, face aux malades, l’attitude de beaucoup de médecins mêlait condescendance, mensonges éhontés et mépris.
Tout le monde ne se comportait pas ainsi, cela va sans dire. J’ai eu la chance de rencontrer des médecins et des chirurgiens qui accueillaient les patients avec le sourire, répondaient du mieux qu’ils pouvaient à leurs questions, leur parlaient avec franchise, respectaient leurs craintes et leurs décisions. Mais ils étaient une minorité, et leur existence m’apparaissait comme une exception à la règle: la plupart des médecins ne soignaient pas, car le soin ne les intéressait pas. Ce qui les intéressait, c’était, au mieux, le challenge intellectuel des diagnostics difficiles (les diagnostics simples étaient qualifiés de «médecine vétérinaire»); au pire, la quête de pouvoir et de prestige. Pour beaucoup, la médecine aurait été bien plus intéressante s’ils avaient pu se passer des patients.
Parmi les étudiants qui m’entouraient, j’ai identifié – de manière un peu simpliste, mais assez fonctionnelle – trois types de personnalité. La première était celle des individus qui voulaient devenir médecin par idéalisme et par enthousiasme; ils étaient bardés de certitudes morales parfois un peu trop rigides – c’était mon cas. La seconde était celle des étudiants qui, sans aucune honte, affichaient leur sentiment de supériorité sociale et intellectuelle et ne se cachaient pas de leurs ambitions: ils feraient partie de l’élite. Dans le troisième groupe, le plus vaste, se trouvaient des étudiants qui étaient là pour toutes sortes de raisons, louables ou discutables, mais n’avaient pas les certitudes des membres des deux autres groupes. Ils étaient aussi, souvent, les plus vulnérables aux procédés de harcèlement moral employés par les enseignants: culpabilisation, humiliation, terrorisme.
À mesure que les années passaient, certains idéalistes de la première heure devenaient cyniques, d’autres voyaient leurs idéaux renforcés par l’expérience du soin. Certains «élitistes» ouvraient les yeux et s’humanisaient, d’autres s’affirmaient dans leur autoritarisme ou leurs comportements pervers. Et parmi les membres du plus grand groupe, certains apprenaient à soigner avec joie, mais d’autres, très nombreux, devenaient de plus en plus phobiques: pris entre les exigences insensées de leurs maîtres et la souffrance des patients, ils avaient peur de mal faire et devenaient tyranniques ou avaient surtout peur de faire mal et devenaient de plus en plus laxistes et détachés.
J’ai vu des crapules sexistes devenir des têtes d’affiche; j’ai vu des pervers et des escrocs exercer en toute impunité; j’ai vu des révoltés pétris d’humanité se suicider sans que quiconque leur ait tendu la main.
Et j’ai compris que la formation médicale française, élitiste et paternaliste, n’était pas seulement très éloignée des besoins de la population, mais aussi délétère pour ceux qui y étaient soumis.
En France, beaucoup trop de médecins se comportent en aristocrates détenteurs de vérités qu’ils ne veulent ni partager, ni réévaluer; non en professionnels de santé soucieux d’œuvrer ensemble au mieux-être commun.
Cette découverte m’a tant scandalisé que je n’ai cessé, depuis mes premiers pamphlets d’étudiant il y a quarante ans puis, au fil de mon itinéraire professionnel, dans des articles, des essais, des romans, de dénoncer ce que je considérais – et considère toujours – comme une escroquerie, un abus de confiance, une trahison morale. À l’issue de mes études, je me sentais extrêmement mal formé dans de nombreux domaines, à commencer par la thérapeutique. Je me sentais également frustré et nié dans toutes les tentatives d’apprentissage relationnel que j’avais ébauchées pendant mon passage à l’hôpital et, devenu médecin de première ligne, je me retrouvais désarmé face à la diversité des demandes et des situations auxquelles j’étais confronté. Au cours des années 1980, alors que je n’étais encore qu’un tout jeune médecin installé, j’ai eu la chan

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