Alléguer une pathologie médicale ou psychiatrique, jusqu’à en fabriquer les symptômes physiques, sans en tirer de bénéfices secondaires directs, dans le seul but d’occuper socialement le rôle de malade et avoir paradoxalement recours à la médecine, telle se présente cette catégorie de malades étonnants. Le diagnostic en revient aux somaticiens, alors même que la nature en est typiquement psychiatrique, par la tromperie inconsciente qu’elle suppose. C’est justement dans la catégorie des « troubles somatiques » que cette pathologie (« troubles factices ») est actuellement identifiée dans le DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th ed.). Un diagnostic, en réalité souvent retardé, est indispensable pour éviter les complications et les dépenses liées aux investigations répétées pour ces symptômes longtemps inexpliqués, en reconnaissant que le traitement est le plus souvent décevant, pour ces patients prêts à toute prise en charge… à l’exclusion de la psychiatrie.
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Extrait
Chapitre S03P01C44 Pathologie factice
H R UGUES OUSSET
C44 P01 3 0 S
44 C 1 P0 3 S0
Alléguer une pathologie médicale ou psychiatrique, jusquà en fabri quer les symptômes physiques, sans en tirer de bénéfices secondaires directs, dans le seul but doccuper socialement le rôle de malade et avoir paradoxalement recours à la médecine, telle se présente cette caté gorie de malades étonnants. Le diagnostic en revient aux somaticiens, alors même que la nature en est typiquement psychiatrique, par la tromperie inconsciente quelle suppose. Cest justement dans la caté gorie des « troubles somatiques » que cette pathologie (« troubles fac tices ») est actuellement identifiée dans le DSM5 (Diagnostic and th Statistical Manual of Mental Disorders, 5 ed.) [1]. Un diagnostic, en réalité souvent retardé, est indispensable pour éviter les complications et les dépenses liées aux investigations répétées pour ces symptômes longtemps inexpliqués, en reconnaissant que le traitement est le plus souvent décevant, pour ces patients prêts à toute prise en charge à lexclusion de la psychiatrie.
Définition
On parle de pathologie factice lorsque lon a pu mettre en évidence quun patient crée de toutes pièces les symptômes dont il se plaint et « fabrique » les signes physiques, en rapport avec ses plaintes, par diffé rents artifices de façon mensongère. La nature inconsciente du proces sus en cause et le fait que le sujet nen tire pas de bénéfices extérieurs (par exemple, avantages socioprofessionnels, exemption dobligations, évitement dune condamnation) différencient ces cas de la simula tion, et assurent un certain degré de légitimité à la prise en charge médi cale puisquil faut admettre quil sagit là de lexpression, il est vrai très atypique, dune profonde souffrance psychologique. La « fabrica tion » des symptômes est ellemême consciente et différencie ces cas des manifestations de conversion hystérique (Tableau S03P01C44I). Il faut enfin, pour retenir le diagnostic, sassurer quil ny a pas de pathologie réelle sousjacente ou quelle est démesurément exagérée et quil ny a pas de maladie psychiatrique caractérisée, capable à elle seule dexpliquer la pathologie. La dernière version du DSM (DSM5) de 2015 a ainsi fixé les cri tères du diagnostic et modifié la place de cette catégorie : « troubles factices », antérieurement individualisée de façon autonome pour la ranger dans le groupe des symptômes somatiques (somatic symptoms
Production des symptômes Consciente Consciente Inconsciente
Motivation des symptômes Inconsciente Consciente Inconsciente
S03P01C44 • Pathologie factice
and related disorders), avec la conversion hystérique dans leur expres sion neurologique (functionnal neurologic symptom disorder), dans le souci de sen tenir aux faits sans interprétation.
Théories explicatives
Lexplication des troubles reste très controversée et leur origine, mystérieuse, de sorte quil faut sen tenir à des facteurs étiologiques souvent retrouvés et à des théories explicatives. Les facteurs étiologiques le plus souvent retrouvés sont une carence affective de la petite enfance, des traumatismes sans possibilité délabo ration verbale, une ou des affections somatiques ayant à la même période nécessité des soins prolongés ou une hospitalisation, lapparte nance à une famille centrée avec inquiétude sur les problèmes de santé, et une incidence particulièrement importante des troubles psychia triques au sein de la famille. Lexistence de traits de personnalité patho logique est également souvent retrouvée (personnalité « limite », narcissique, antisociale, sadomasochiste, ou histrionique). Les théories explicatives nombreuses sont la preuve quil ny a pas dexplication simple, et il faut retenir essentiellement celles centrées sur lexistence dune « conduite de maladie » en rapport avec un trouble de lidentité, la maladie permettant au sujet de se faire « reconnaître », avec initialement une attitude de séduction, faisant place à une grande hostilité au moment du démasquage. Les interprétations psychodyna miques soulignent lambivalence de ces patients (alternant le rôle de victime et dagresseur, lamour et la haine), avec des mécanismes didentification projective et, par défaut de possibilités de représenta tion, lobligation de « figuration ». La comorbidité psychiatrique (psy chose, état dépressif) est fréquente. Dans les relations avec lentourage et le milieu médical, le besoin de maîtrise, mis en échec progressivement, explique dans le même sens le développement de lagressivité, à légard de soi et des autres avec des risques de suicide. Le point le plus important à retenir est la souffrance psychologique très profonde dont léquipe médicale qui sest sentie piégée a beaucoup de difficulté à tenir compte, et développe des contreattitudes aggravantes.
Historique
Ce paragraphe se limite aux faits importants pour comprendre lévo lution des présentations cliniques et des modalités de diagnostic pour un problème dont on peut trouver les traces dans les livres de médecine les plus anciens (Galien) : En 1903, à propos dune observation dautomutilation recueillie par Dieulafoy, le terme de « pathomimie » est proposé par le romancier Paul Bourget. En 1951, R. Asher [2] rapporte la première grande série de la litté rature, en proposant pour regrouper les observations le nom de « syn drome de Münchhausen », sans certitude, en référence aux aventures extraordinaires, largement inventées ou exagérées, durant la guerre russoturque de ce cavalier prussien, Karl Frederick Hieronymus von Münchhausen, et qui ont été popularisées par le livre de Rudolph Erich Rasp. On a gardé lhabitude de désigner sous ce terme les observations, surtout masculines, qui évoluent sur plusieurs années, dans un contexte de grande fabulation (pseudologia fantastica), avec vagabondage médical,