Procréer : Histoire et représentations
244 pages
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Description

La volonté de maîtriser la procréation ne date pas d’hier. Elle remonte même aux tous débuts de l’histoire de l’humanité. Mais elle n’est devenue efficace que depuis quelques dizaines d’années parce que nos connaissances sur la reproduction ont gagné en exactitude. Voici l’histoire du combat entre les fantasmes, les superstitions sur la procréation et le rationnel. Où l’on voit que l’irrationnel n’a pas disparu d’un coup avec les avancées récentes de la science médicale. Les débats contemporains en portent d’ailleurs la marque. Claude Humeau est professeur à la faculté de médecine de Montpellier et dirige le laboratoire de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier. Il est notamment l’auteur, avec Françoise Arnal, des Médecines de procréation.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 1999
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738162755
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , AVRIL  1999 15, RUE SOUFFLOT , 75005 paris
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-6275-5
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À ma complice, Françoise, et à son clone, Marie.
Je remercie très vivement ceux qui après lecture du manuscrit m’ont prodigué critiques, remarques et conseils : Hubert Bonnet, Jean-Claude Czyba, Caroline Morcel, Dominique Hazout, François-Bernard Michel, Jacques Montagut.
Préambule

De la PMA à l’AMP, ou comment l’embryon réveille les tabous

« Il est plus facile de désagréger un atome qu’un préjugé. »
E INSTEIN

En 1994, alors que nous pratiquions la fécondation in vitro depuis déjà plus de dix ans, est promulguée la loi dite de Bioéthique qui réglemente, entre autres, les activités de Procréation médicalement assistée. Cette loi satisfait les praticiens, qui d’ailleurs l’appelaient de leurs vœux, puisqu’elle les autorise à faire ce qu’ils faisaient jusqu’alors et leur interdit de faire ce qu’ils ne faisaient pas ; cependant plusieurs points de sa formulation trahissent une certaine réticence du législateur. On ne peut passer sous silence l’introduction de quelques complications de la procédure en matière de don de gamètes et qui sont peut-être de nature à compromettre à long terme cette pratique, ainsi que le coup de frein implicite donné à la recherche sur l’embryon ou à l’évolution des techniques vers le diagnostic pré-implantatoire d’anomalies génétiques. Mais il y a plus significatif, bien qu’apparemment plus véniel, et qui explique peut-être cela : alors que la locution Procréation médicalement assistée et son acronyme PMA étaient passés dans le langage habituel, la dénomination officielle devient désormais Assistance médicale à la procréation ou AMP. Il s’agit certes d’un événement mineur, mais qui justement ne peut manquer d’attirer l’attention, tant il est certain qu’en matière de sémantique rien n’est anodin. Pourquoi le législateur a-t-il manifesté tant d’intérêt pour l’intitulé, alors que sur le fond il a entériné l’intégralité de la pratique courante ? S’il avait voulu signifier, consciemment ou non, que, mis devant le fait accompli et contraint d’accepter un véritable phénomène de société (car 1 % des enfants qui naissent en France sont issus de l’AMP), il se voyait obligé de marquer, sinon son désaccord, au moins sa réticence, il n’aurait pas agi autrement. Par une sorte d’opération de marketing à rebours, avec l’inversion de la formule, l’assistance, d’inspiration humanitaire, prend le pas sur la médecine, d’essence scientifique. Plus humaine et moins technique, l’Assistance médicale à la procréation a de ce fait une consonance moins interventionniste et son champ d’application semble changer d’échelle. Il devient plus individuel et personnalisé, en quelque sorte exceptionnel, alors qu’on voulait voir dans la Procréation médicalement assistée une technique de plus offerte par le lobby médico-pharmaceutique à la boulimie de la multitude des usagers potentiels de la santé. Par décret le compassionnel est censé l’emporter sur le commercial.
À l’évidence le législateur a été fortement influencé, ou peut-être même simplement conforté, par la vague d’opinions négatives qu’a soulevée pendant la dernière décennie l’avènement des Procréations médicalement assistées. On était fondé, au début, à attribuer les craintes suscitées par la mise en œuvre de la fécondation in vitro à l’existence d’effets secondaires indésirables, bien réels, comme la production d’embryons surnuméraires et de grossesses multiples, ou encore au risque alors mal évalué d’éventuelles anomalies congénitales, ou même à la perspective d’hypothétiques dérives eugéniques ou mercantiles. Autant de problèmes bien évidemment analysés par les praticiens eux-mêmes, qui les ont en grande partie maîtrisés et à propos desquels ils n’ont pas ménagé leurs efforts d’information et de transparence. Mais en fait le débat était faussé, car ce qui était en réalité mis en cause, c’était l’opportunité et la légitimité même des PMA. On se souvient en effet que l’objectivité et la sérénité n’ont pas toujours été de règle ; le ton adopté par certains contestataires, figurants ou même acteurs occasionnellement repentis, et l’acharnement qu’ils ont manifesté n’ont pu que les rendre suspects de parti pris, trop heureux de trouver dans des arguments a priori objectifs prétexte à discréditer des pratiques mal acceptées pour d’obscures raisons plus difficiles à formuler et peut-être même simplement à avouer. La mutation de cet acronyme révèle et concrétise cette frilosité ; elle montre en fait combien il est malaisé d’associer médecine et procréation, autrement dit combien la société féconde, ou continente, a de difficultés à assimiler que la stérilité soit une maladie et que l’AMP constitue une thérapeutique parmi d’autres.
Les arguments fallacieux n’ont pas manqué, sur lesquels nous reviendrons : la stérilité ne serait pas une maladie mais un état ; elle trouverait la plupart du temps son origine dans des dérèglements psychiques et elle serait même tout simplement une vue de l’esprit, puisque les praticiens eux-mêmes parlent parfois de stérilité inexpliquée ; elle ne serait pas une fatalité mais un véritable fait de société, généré par la libération sexuelle, propagatrice de maladies sexuellement transmissibles, ou encore par le retard pris par les femmes à procréer pour cause de carriérisme, et en définitive par les effets pervers des pratiques anticonceptionnelles qui en découlent. En admettant in fine que la stérilité soit une pathologie, on la refoule alors dans le domaine des malaises inconfortables, dont on peut bon gré mal gré s’accommoder et avec lesquels on peut survivre. En désespoir de cause, ce serait une maladie « pas comme les autres », sous-entendu « qui n’a pas besoin d’être soignée ». Dans ces conditions, en toute logique, si la stérilité n’est pas une maladie, tout l’arsenal des techniques d’AMP mises en œuvre ne doit donc pas avoir droit au statut de thérapeutique. D’ailleurs on sait bien que ces traitements, qui ne seraient en réalité que des palliatifs, ne corrigent pas le défaut de fertilité, le couple devenant fécond, procréant, sans pour autant devenir fertile, c’est-à-dire intrinsèquement apte à procréer. Et de toute façon, de l’avis des détracteurs patentés, ils donneraient des résultats si faibles qu’on peut douter de leur utilité, des grossesses spontanées survenant même parfois chez des couples, catalogués selon eux comme stériles, mais en fait hypofertiles, avant qu’on ait eu le loisir de les traiter.
Mais tout cela n’est sans doute que prétexte et diversion. En somme tout allait bien tant que la stérilité était considérée comme une malédiction ou une punition, qu’il était recommandé au besoin de sublimer en une épreuve rédemptrice, et quand les traitements consistaient essentiellement en des pratiques charlatanesques ou superstitieuses, dont l’inefficacité ne contrariait pas les desseins de la Nature ou de son Créateur. La stérilité avait cependant acquis spontanément son statut de maladie dans les der nières décennies, sans qu’on légifère et quasiment incognito, avec la mise au point de thérapeutiques rationnelles, telles que l’induction de l’ovulation, dont les effets secondaires, pourtant spectaculaires en termes de grossesses multiples et d’accidents d’hyperstimulation, n’avaient d’ailleurs pas soulevé de protestations. Curieusement, c’est avec l’avènement de nouvelles thérapeutiques, autrement plus efficaces, dont le champ d’application est bien plus large, et qui ont de surcroît corrigé en partie les inconvénients des précédentes, mais impliquant la fécondation extra-corporelle, que ce statut a été remis en cause. Car ce sont d’abord les techniques d’AMP, malencontreusement affublées du vocable branché de « procréatique », qui ont été l’objet de controverses, quand les données de la biologie de la reproduction, qui suscitaient jusqu’alors l’admiration, sont passées, inaugurant l’ère de la « bio-cratie », du domaine du contemplatif à celui de l’application médicale.
C’est que les vieux tabous ont été malmenés. La possibilité de procréer sans sexualité est apparue contre nature, selon une logique acrobatique, mais d’inspiration supérieure, qui veut qu’à l’inverse il ne peut y avoir, contre toute évidence, de sexualité sans projet procréatif. N’est-ce pas aussi une atteinte intolérable à l’ordre des choses que de mettre en œuvre une technique susceptible de devenir plus efficace que la Nature ? N’est-il pas quelque peu malsain cet acharnement à se reproduire quand la Nature, ou son Créateur, en a décidé autrement ? La médecine ne se fourvoie-t-elle pas en se préoccupant d’une fonction qui n’est somme toute que l’expression d’un bas instinct ? N’est-ce pas un vieux fond de misogynie qui pousse le corps médical, masculin, accroissant sans cesse son pouvoir, à vouloir à tout prix instrumenter la physiologie de la femme pour la déposséder de son privilège de mettre au monde ? Et, comble de l’outrecuidance, voilà que l’enfant serait maintenant un dû, tout au moins celui que l’on espère en vain, et non pas un don du ciel, comme celui qui est parfois imprévu ou même indésirable. Quelque peu gênant aussi le voyeurisme de ceux qui assistent au phénomène le plus intime qui soit, la fécondation, regardant dans leur oculaire m

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