La Morale, l Art et la Religion d après Guyau
165 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

La Morale, l'Art et la Religion d'après Guyau , livre ebook

-

165 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

La question morale et religieuse s’élève bien au-dessus de toute considération d’individualités ; il sera pourtant utile de la voir se poser et s’agiter dans une pensée vivante et mouvante qui fut toujours en travail jusqu’à la veille même de la mort. Aussi, avant d’examiner les problèmes sous leur forme abstraite, y a-t-il intérêt à résumer l’évolution intellectuelle d’un esprit où se retrouveront également empreints les doutes, les négations, les croyances, les espérances de notre temps ou, pour mieux dire, de tous les temps ; car, « malgré le nombre d’idées qui semblent entrer et sortir au hasard des têtes humaines, qui montent et tombent sur notre horizon, qui brillent et s’éteignent, il y a cependant en tout esprit une part d’éternité.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782346024315
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Alfred Fouillée
La Morale, l'Art et la Religion d'après Guyau
INTRODUCTION
L’école de l’évolution, qui aperçoit partout changement et métamorphoses, est naturellement portée à calculer la marche de l’humanité future d’après la ligne que celle-ci a décrite dans le passé et d’après le mouvement qui l’entraîne dans le présent. En Angleterre, Spencer et ses nouveaux disciples, — Stephen Leslie, Clifford, Barratt, miss Simcox, — n’ont pas craint de se faire, au nom de la science, comme les prophètes de la société à venir. En Allemagne, parmi beaucoup d’autres philosophes, Wundt a écrit récemment une Ethique où les considérations sur le passé des sociétés et sur les lois de l’évolution conduisent naturellement à des inductions sur l’avenir. En France, la doctrine de l’évolution n’a guère trouvé, dans ces dernières années, qu’un interprète vraiment original et libre pour entreprendre de construire une morale sur des bases en partie nouvelles et de deviner les transformations de ces deux grandes idées directrices : obligation, sanction. Psychologue et surtout moraliste, métaphysicien à ses heures, artiste toujours et poète, Guyau a essayé de compléter lui-même la morale évolutionniste des Darwin et des Spencer, dont il avait montré jadis les lacunes et les limites avec une rare pénétration. Grâce à lui, — et c’est la moindre justice à lui rendre, — la philosophie française n’aura pas été sans contribuer pour sa part à l’amendement d’une doctrine dont on ne saurait méconnaître ni l’influence actuelle ni l’importance future. La série de ses travaux sur la morale, l’art et la religion, trop tôt interrompus par la mort, — à trente-trois ans, — est à peu près la seule où nous puissions saisir, comme en raccourci, l’effort de notre génération pour reconstruire sur un plan nouveau ce que la critique s’était hâtée d’ébranler. Où en était la question morale et religieuse il y a quelques années ? Quels pas lui a-t-il fait faire vers une solution meilleure ? — Telles sont les questions qui s’imposeront à nous en étudiant, avec la liberté et la sincérité dont ils sont dignes, les travaux d’un des esprits les plus libres et les plus sincères de notre temps. Les questions qu’il a agitées et, pour sa part, élucidées, sont d’un intérêt vraiment universel. « Ce que je cherche à deviner en moi comme en vous-même, a-t-il dit, c’est la pensée humaine dans ce qu’elle a de plus complexe, de plus varié, de plus ouvert. Si je m’examine moi-même, ce n’est pas en tant que je suis moi, mais en tant que je trouve en moi quelque chose de commun avec tous les hommes ; si je regarde ma bulle de savon, c’est pour y découvrir un rayon de soleil. » C’est ce rayon venu du milieu intellectuel de notre époque que, nous aussi, nous voudrions saisir ; et nous essaierons de faire sentir en même temps les ombres qui l’enveloppent encore.
L’AVENIR DE LA MORALE DE L’ART ET DE LA RELIGION
CHAPITRE PREMIER
Une évolution Intellectuelle
La question morale et religieuse s’élève bien au-dessus de toute considération d’individualités ; il sera pourtant utile de la voir se poser et s’agiter dans une pensée vivante et mouvante qui fut toujours en travail jusqu’à la veille même de la mort. Aussi, avant d’examiner les problèmes sous leur forme abstraite, y a-t-il intérêt à résumer l’évolution intellectuelle d’un esprit où se retrouveront également empreints les doutes, les négations, les croyances, les espérances de notre temps ou, pour mieux dire, de tous les temps ; car, « malgré le nombre d’idées qui semblent entrer et sortir au hasard des têtes humaines, qui montent et tombent sur notre horizon, qui brillent et s’éteignent, il y a cependant en tout esprit une part d’éternité 1 . »
 
Platon, Epictète et Kant, pour la philosophie, Corneille, Hugo et Musset, pour la poésie, furent ses premiers maîtres, excitèrent ses premiers enthousiasmes. Encore adolescent, il était familier avec la philosophie grecque, tout rempli de cette « ardeur divine » dont parle Platon dans le Parménide, θδίϰ 2 . Sa première et seule religion avait été l’idéalisme platonicien et kantien ; il eut ainsi pour naturel point de départ le point d’arrivée où d’autres moins jeunes, tout près de lui, étaient parvenus avec effort. Il se représentait alors le monde comme un ensemble de volontés et même de bonnes volontés qui, les unes inconscientes, les autres conscientes, travaillent à une œuvre commune, en vue du bien ; l’amour lui paraissait, comme à Platon, l’âme de la nature entière. Si le triomphe d’Eros a pour obstacle aujourd’hui l’impénétrable matière, l’atome en apparence fermé au dehors et ramassé en soi, on peut espérer pourtant que, grâce au progrès des consciences, tout être finira par s’ouvrir, par devenir pénétrable à autrui, expansif, aimant ; l’atome même sera transparent à l’universelle lumière, envahi par l’universelle chaleur.

Lorsque l’amour ailé s’élança dans l’espace Pour conquérir le monde entier d’un seul essor, Il sentit dans l’éther, froissant ses ailes d’or, Je ne sais quoi de dur, d’opaque et de tenace.
 
Surpris, il s’arrêta. L’atome impénétré, Replié sur lui-même, opposait la matière A l’amour, et bravait, éternel solitaire, Le dieu qui joint les cœurs de son lien sacré.
 
Va-t’en ! lui disait-il. Ma poussière ténue Échappe à ton pouvoir ; tout ce qui n’est pas moi, Je l’écarté ; je suis la vivante paroi Qui se ferme sur l’être et qui n’a point d’issue.
 
L’amour l’écouta, puis divinement sourit... Tel que court un frisson ou s’élargit une onde, Ce sourire infini, gagnant de monde en monde, Courut, insaisissable et fort comme l’esprit.
 
Tout vibra, tout vécut, et dans l’atome même Quelque chose passa du grand concert des cieux ; Car nul n’était plus seul : le monde harmonieux Avait une même âme, et tout y chantait : j’aime 3 .
Depuis quelques années déjà, parmi les problèmes de philosophie, nul ne l’avait préoccupé autant que celui du mal, si difficile à concilier avec le règne universel de l’amour. C’était, à ses yeux, la question capitale de la métaphysique, — cette de l’optimisme et du pessimisme. Enfant encore, il avait vu parmi les siens, les uns souffrir, les autres mourir ; le spectacle de la mort, de la séparation à jamais, l’avait ému profondément ; la douleur d’une mère lui avait fait comprendre quelle est, de toutes les douleurs humaines, la plus grande peut-être et la plus inconsolable. En voyant souffrir ceux qu’il aimait, il s’était demandé de bonne heure : pourquoi la souffrance ? pourquoi la mort ? A sa gaieté naturelle, à sa vivacité d’enfant se mêlaient déjà des sentiments graves. Il entendait agiter autour de lui les problèmes de la destinée ; il y apportait une attention que ne semblait point comporter son âge ; et toutes ces pensées sur l’au delà, sans altérer la sérénité de son caractère, laissaient cependant dans son esprit des traces ineffaçables.

Je ne suis pas de ceux qui peuvent oublier, Qu’un instant de bonheur fait sourire et fait croire Quand l’indignation les avait fait nier. Tous les maux que j’ai vus restent dans ma mémoire ; Je pleure encor mes morts comme le premier jour ; Les cris de désespoir qui m’ont frappé l’oreille Vibrent encore en moi, sans que nul mot d’amour, Nul murmure enivrant du printemps qui s’éveille, Étouffe cette voix et fasse dans mon cœur Chanter l’insouciance où pleura la douleur 4 .
Parmi les tentatives des métaphysiciens pour justifier le mal dans la nature et dans l’homme, celle qui lui avait paru la plus plausible était la doctrine néo-platonicienne de la procession, sur laquelle il avait écrit des pages nombreuses. Il avait même proposé une interprétation ingénieuse et neuve de cette th

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents