Le principe de précaution, un principe d action
265 pages
Français

Le principe de précaution, un principe d'action , livre ebook

-

265 pages
Français

Description

Depuis son irruption dans le champ social et politique, le principe de précaution a été très contesté : on l'a accusé d'être irrationnel et d'être un principe d'abstention. Cet ouvrage cherche à montrer que, tout au contraire, c'est un principe d'action qui ne cesse de s'appuyer sur la raison.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2009
Nombre de lectures 245
EAN13 9782296232860
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Préface
Au moment de mettre la dernière main à cet ouvrage, qui est la première partie
d’un dyptique (la seconde portant le titre «Vers une philosophie de la
précaution »), un regard sur l’amont de ce travail n’est pas inutile. Ces deux
livres sonttirés de ma thèse de doctorat, soutenue en novembre 2006.J’avais
formé le projet de cette thèse à l’aube de notre nouveau millénaire – il y avait là
pour moi un signe, un appel - en janvier 2000.Ce qui m’avait décidé alors à me
lancer dans ce grostravailétaittout à la fois letrès grand intérêt que j’éprouvais
pour le thème de la précaution, qui avait émergé de façon très vive et très
médiatique sous l’aspect du fameux principe de précaution, et la déception que
j’éprouvais devant l’usage de mon point de vue détourné qui en était très
souvent fait; et puis aussi déception de voir que dans le débat né autour du
principe de précautionles philosophes étaient peuou pas représentés.
J’avais alors l’intuition que ce principe était riche de développements
considérables, ou plutôt que derrière lui pointait du nezun véritable changement
d’ère, de civilisation. J’y pressentais le symptôme d’une transformation
profonde propre à répondre au moins en partie aux multiples
dysfonctionnements que le mode de développement denos sociétés occidentales
avait engendrés. J’avais aussi l’intuition que toute une partie des malheurs du
principe de précaution (principe souvent très mal utilisé et fortement contesté)
provenait du fait que l’on voulait lui faire porter plus que ce qu’il énonce – c’est
au départ un principe politique et juridique de gestions d’une certaine catégorie
de risques – et que la solution serait de séparer nettement le principe de
précaution, d’une part, de ce que j’allais m’employer à définir comme «la
précaution»- une attitude globale de l’homme face au monde, attitude appelée
à relayer notre confiance aveugle dans le «progrès»- d’autre part. . Mais il
fallaitétudier celaplus près.
Cela a été le départ d’une aventure intellectuelle passionnante mais exigeante,
tant le principe de précaution recouvre de champs disciplinaires variés. Je me
suis employé à les parcourir, mais en gardant toujours le regard et le style de
questionnement du philosophe.A mesure de l’avancée de mon travail, j’ai vu se
préciser le «cœur » de mon intuition : ce dont nous avons avant tout besoin
aujourd'hui, c’est de réinventer l’action, d’aller vers une conception enrichie de
7l’action, une conception qui fait une large place à la réflexion et à la
délibération. Et, dans ce schéma, le principe de précaution vient occuper une
place éminente et indispensable, dés que nous avons affaire à ces nouveaux
risques que la société techno-industrielle génère, les risques graves et
irréversibles qui peuvent peser à l’échelle de la planète. Mais aussi le principe
de précaution, en tant qu’instrument de gestion des risques, ne suffit pas à
répondre aux défis auxquels notre monde se trouve confronté. C’est toute une
philosophie de la précaution qui doit être construite, une philosophie apte à
guider toutes les avancées technologiques et leurs conséquences de plus en plus
fortes sur la nature et la société. En réalité, une philosophie pour ce qui est
devenu notre nouveau défi, l’invention et la mise en place d’un développement
véritablement durable.
Il reste des passages de ma thèse que je n’ai pas repris dans ces deux ouvrages.
Il en va ainsi de ceux concernant mes recherches à propos d’une anthropologie
de la précaution (quel homme pour la précaution, quel caractère ?) mais aussi
d’une éthique de la précaution (quelles vertus, quel bien, quelle justice pour la
précaution?). Je les reprendrai et les développerai dans un ouvrage ultérieur; il
s’agit là de questions que je tiens pour décisives, et j’ai besoin de faire encore
mûrir ma pensée à ce sujet. Il me reste à souhaiter avoir apporté ici une petite
pierre dans ce complexe de la pensée nouvelle appelée, et il y a urgence, à se
substituer àl’ancienneidéologie du progrès.
D.G. Nancy, février2009.
8Introductiongénérale
Le principe de précaution a fait irruption dans l’actualité à partir des années 90
1(en particulier en 1992, à laconférence de Rio ).Dans les dernières années dela
décennie, il s’est émancipé de son cadre initial, l’environnement et les grandes
questions écologiques, pour gagner les domaines de la sécurité alimentaire et
sanitaire, puis le domaine médical. L’usage qui est fait du terme est devenu si
abondant et si varié qu’il est bien difficile d’en fixer un sens précis.C’est ainsi
qu’un article du Monde,daté du 8 février 2002, portait le titre:«Chirac-Jospin,
ou le principe de précaution ». De quoi s’agissait-il dans cet article? Du choix
qu’avaient fait les futurs candidats de retarderleur entrée dans la campagne
présidentielle. L’article expliquait que la situationpolitiquegénérale était
brouillée, que les perspectives économiques étaient peu sûres. On comprend le
choix qu’avaient effectué J. Chirac et L. Jospin: mais pourquoi ne pas parler
simplement de prudence politique ? La seule référence à l’«incertitude » (en
l’occurrence, les«incertitudes de la conjoncture ») justifiait-t-elle de sacrifier à
la mode du principe de précaution? La situation ne s’est pas améliorée depuis ;
on peut lire dans Le Monde du vendredi 23 juin 2006, sous le titre «Roissy
sélectionne sur fiches policières » un article avec ce passage étonnant :«Sans
qu’ils aient jamais été condamnés par la justice, certains d’entre eux (jeunes du
département) se voient interdire tout recrutement dans les zones réservées en
application du "principe de précaution" contre la délinquance»! Voilà certes
encoreunusage parfaitement approprié de ce principe!
1
Lors du Sommet de la Terre réuni par l’ONU à Rio en juin 1992, le principe est
incorporé à l’ensemble des dispositions destinées à mieux régler les rapports des
hommes avec la Terre ; il stipule que:«Pour protéger l’environnement, des mesures de
précaution doivent être largement appliquées par lesEtats selon leurs capacités.En cas
de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique
absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard des mesures effectives
visant à prévenir la dégradationde l’environnement ».
9Mais, en dépit de l’usage abusif qui en est fait, il ne semble pas que l’on puisse
réduire l’apparition du principe de précaution à un simple effet de mode
écologique, ou à une angoisse alimentaire ou sanitaire simplement
conjoncturelle. J’y perçois bien plus la conséquence d’une rupture dans notre
développement, le symptôme d’un véritable et profond «malaise dans la
civilisation », un appel à modifier quelques-uns des paradigmes de base qui la
structurent.
Notre civilisation repose sur une croyance très forte dans le progrès, progrès
dont le moteur principal est le développement des techno-sciences, et dans la
vertu de l’«individu rationnel », mû par la recherche de la maximisation de son
profit. Il est bien vrai que l’Occident a connu un extraordinaire essor ces deux
derniers siècles, et que c’est toute une philosophie de l’action, de l’esprit
d’entreprendre, de la soumission de la nature à notre volonté (selon le mot
d’ordre de Descartes : se rendre maître et possesseur de la nature) qui en sont
l’origine. Cette civilisation et sa vision du monde ne sont pas moribondes !
Mais de sérieux ébranlements, des alertes, des accidents d’un type nouveau, ont
fait vaciller une confiancejusque là largement dominante.
La science et la technique ont dû reconnaître leurs limites dans la prévision de
l’évolution de certains phénomènes et dans la maîtrise de nombreux risques.
Paradoxe et difficulté supplémentaire, ces risques ne sont plus tant des risques
«venant de l’extérieur » que des risques endogènes, générés, produits par le
propre développement de la science et des techniques ! Cette remise en cause
est suffisamment sérieuse pour appeler une révision de nos principaux standards
de développement. Il apparaît en particulier qu’il n’est plus possible de donner

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents