Les Zélènes
208 pages
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Les Zélènes , livre ebook

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Description

Cet ouvrage évoque le parcours de l’auteur depuis ses années d’études jusqu’à la fin de son activité professionnelle. Sa thématique est principalement centrée sur les installations et les performances artistiques, certaines questions que posent ces pratiques étant exposées dans le cadre des travaux qu’il a menés avec un petit groupe d’étudiants et d’artistes dans la période comprise entre 2013 et 2019 alors qu’il dirigeait un programme de recherche en arts sonores. Les principes sur lesquels ont été fondées ses recherches renvoient à plusieurs « modèles », notamment ses professeurs ou des créateurs qui les ont, eux-mêmes, inspirés. Ainsi, un principe de « non-séparabilité » de l’œuvre et de la vie de son auteur s’est-il rapidement imposé, de telle manière que toute pratique artistique, ou seulement liée à ce domaine comme peut l’être une recherche « en art », tendrait à devenir un « art de vivre », et ne pourrait par conséquent éviter d’y impliquer ses proches et de tenter de séduire ceux qui l’attirent. Le texte ne répond à aucun des critères académiques du genre et se présente comme un récit, sans toutefois en suivre la conventionnelle chronologie des faits.Installations – Performances

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342360950
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Du même auteur
Le Festin de l’ange , Paris, Éditions L’Harmattan, 1999.
Art, informatique et mimétisme , Paris, Éditions L’Harmattan, 2002.
Inesthétiques musicales au XX e siècle , Paris, Éditions L’Harmattan, 2007.
Études sur la perception auditive , Paris, Éditions L’Harmattan, 2012.
Amouriner , Sampzon, Éditions Delatour, 2012.
Autour de l’esthétique expérimentale , Paris, Éditions L’Harmattan, 2020.
Critique de la raison impure – Platon et Artaud , Paris, Éditions L’Harmattan, 2021.
L’Hypothèse pornocratique , Paris, Société des Écrivains, 2021.
Copyright













Cet ouvrage a été édité par la Société des Écrivains,
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 84 74 10 20 – Fax : 01 41 684 594
www.societedesecrivains.com
client@societedesecrivains.com

Tous droits réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-342-36094-3

© Société des Écrivains, 2022
À Zoé
Hésitation
Mercredi 16 octobre 2013. Il avait commencé à pleuvoir vers midi et, comme disait mon père qui n’avait de notion en météorologie que par son expérience de paysan élevé dans la campagne bretonne, « la pluie de midi est ennuyeuse ». De fait, cela avait progressivement pris de l’intensité au cours de l’après-midi et, dans le confort de ma « garçonnière », tandis que je rédigeais une lettre pour signifier, sans avoir l’air de céder trop facilement, à une potentielle directrice de thèse tunisienne que j’acceptais la cotutelle qui m’était proposée pourvu qu’on y mette les formes, sachant que le projet me paraissait aussi consistant qu’avenante la figure de la jeune fille qui était à l’origine de cette requête, je méditais de téléphoner à Célio, à qui j’avais pourtant promis d’assister à la performance musicale qu’il donnait avec Frédéric à l’occasion de l’inauguration du « 116 », Centre d’art contemporain récemment créé à Montreuil, pour lui dire que décidément, avec un tel déluge, je ne pouvais risquer d’attraper un rhume ou, pire, déclencher une bronchite dont la gravité ne pouvait qu’être proportionnelle à l’éloignement du lieu de ladite cérémonie, voire serait inévitablement provoquée par le simple fait de franchir le périphérique avec une météo aussi hostile.
J’étais donc dans cette indécision qui est celle de tout homme qui fait une promesse en sachant qu’il se servira du moindre prétexte pour ne pas l’honorer, et je me pressai néanmoins d’achever ce courrier pour ne pas avoir une plus injustifiable raison de me défiler. J’y mettais tout juste la dernière main quand la lumière remplaça brusquement la grisaille qui avait depuis la fin de la matinée décoloré ma vision. Je levai la tête et aperçus derrière la fenêtre un grand corps sombre qui s’éloignait, tandis que des rayons de soleil illuminaient les arbres, malheureusement déjà dégarnis en cette saison, et le pan de mur, en jaune comme d’ordinaire quand il s’agit de pierres éclairées par un soleil d’automne, comme peut-être dans la peinture évoquée par Marcel Proust, lequel mur fermait la cour de récréation de l’école maternelle située au bas de mon immeuble. Ça voulait dire que la pluie avait cessé et que, tandis que j’avais accompli la tâche que je m’étais assignée, je n’avais plus aucune raison à opposer au voyage que j’avais initialement prévu et que j’avais d’ailleurs inscrit dans mon agenda : « 19 heures, 116 rue de Paris, Montreuil, métro Robespierre, ligne 9 ».
Je n’avais même pas noté la nature de l’événement ni le rendez-vous implicite avec Célio et Frédéric, mais on en trouverait probablement trace dans nos échanges par courrier si toutefois il y avait une raison de les consulter, par exemple s’il m’arrivait quelque chose de fâcheux dans cette aventure. Le soleil revenant, je me résignai à honorer, pour une fois, l’engagement pris la semaine précédente, ce qui, soit dit en passant, était une autre forme de paresse puisque, sinon, il aurait fallu que je téléphone ou que j’écrive pour me faire pardonner un nouveau « faux bond » qui aurait été sans conséquence en d’autres circonstances : par exemple, quand on échange nos coordonnées à la fin d’un séjour en colonie de vacances avec une fille qu’on oubliera sans état d’âme et sans risque puisqu’on sait qu’elle n’a pas non plus la moindre intention de nous recontacter. Du coup, il me fallait encore vérifier le trajet préconisé par le site Internet de la RATP : deux changements et une quinzaine de stations, dont la dernière hors de Paris intra-muros !
Qu’est-ce qu’un homme de ma condition et de mon âge avait à se préoccuper d’une pareille fantaisie ? Mais j’avais promis, quasiment, et j’avais toujours souffert de ne pas tenir mes promesses, y compris celles que j’aurais dû ne pas prendre au pied de la lettre comme dans le cas de la colonie de vacances. Et j’ai pourtant bien pu constater, devenu adulte, qu’il en allait de même dans l’exercice de ma profession, notamment lors des colloques où la coutume veut que l’on s’échange force cartes de visite. Mais cela faisait partie du « métier ». N’avais-je pas assez dénoncé la paresse de mes collègues et de mes étudiants qui se dédouanaient à bon compte de l’effort de faire simplement acte de présence aux expositions et aux spectacles que je leur recommandais ?
Transports
Bref, je me mis en route et constatai une fois de plus que, dès lors que la décision est prise et qu’on est dans l’action, nos préventions s’effacent et qu’on se demande même ce qui a pu nous faire autant tergiverser. Néanmoins, il m’est arrivé de devancer mes hésitations en demandant à quelqu’un de m’accompagner. Auquel cas toute retraite m’aurait été coupée, sauf à user de l’ultime recours que m’avait suggéré Dominique Noguez, mentionnant un modèle de télégramme employé par le duc de Guermantes dans La Recherche : « impossible venir, mensonge suit »… Formule tout à fait adaptée à l’époque du Short Message Service . Ça n’empêche pas que le métro reste une épreuve, avec la promiscuité, la température qui n’est jamais la bonne, « le bruit et l’odeur », les couloirs de correspondances et, pour finir, la remontée vers un lieu qui ne nous est pas toujours familier, comme c’était le cas pour la station Robespierre où je n’avais aucun repère et à partir de laquelle j’allais devoir trouver la rue et m’orienter dans le bon sens pour atteindre l’adresse de ce nouveau centre d’art contemporain. J’étais à peine rassuré par l’idée qu’un tel édifice devait probablement se signaler à l’attention du passant de quelque manière, quoique restant contrarié par celle du parachutage en banlieue dont il faut admettre qu’autour de Paris la plupart sont assez laides d’aspect, ou bien évoquent un certain air d’ordre et d’hygiène qui n’est guère plus engageant, et que de toute façon s’y associe inévitablement le sentiment d’un vague danger nourri par quantité de discours, sans qu’on sache ce qu’il faut le plus redouter, de la présence d’êtres « étrangers » à notre environnement familier ou du vide, qui sont deux menaces symétriques.
Je ne vais jamais en banlieue sans penser que, une fois passé le périphérique qui symbolise pour moi les marches de mon territoire, je suis dans un espace où les règles qui régissent la vie quotidienne sont différentes. Il existe à vrai dire d’autres frontières symboliques dans ma cartographie intérieure, comme d’aller « rive droite » ou au-delà du cinquième arrondissement, ou même hors de mon propre quartier dans lequel chaque rue, chaque carrefour et chaque place ont des valeurs particulières qui dessinent une topologie dans laquelle Euclide ne retrouverait pas ses parallèles. Il faut dire qu’ayant vécu en banlieue depuis mon enfance jusqu’à mon installation à Paris, peu avant mes trente ans, il est possible que je sois, comme tous les nouveaux convertis, ébloui de la même façon qu’on peut l’être par une religion, et donc sévèrement perturbé par de menus changements dans mes rituels ou par quelques modifications paysagères. On pourrait d’ailleurs être tout aussi bien fasciné par ces banlieues où l’on efforce d’imiter la « vie parisienne » en créant des quartiers, en encourageant le commerce de proximité et les bistrots qui en sont un marqueur tout à fait distinctif, et, accessoirement, en édifiant des lieux de spectacle et d’exposition tels que le « 116 » où je me rends. Il est possible que je sois religieusement affecté par mon milieu actuel, mais je ne puis m’empêcher d’envisager celui de ma destination comme un décor, une imitation gauche, sans racine, sans histoire.
Et de plus, je ne m’y achemine en effet qu’en me « rendant », comme se rendrait un voleur pris en flagrant délit, et avec méfiance car je n’ai pas oublié les agressions dont j’ai été victime du temps que j’habitais en banlieue, où l’on se déplace de préférence en auto parce que les transports en commun y sont très clairsemés, aléatoires et que, s’ils existent, ils sont conçus pour le transport des « masses laborieuses » aux horaires où il faut les mener à leur exploitation comme un troupeau, tandis que leur utilisation en dehors de ces heures de pointe, notamment aux heures les plus tardives, ne se fait qu’aux risques et périls de l’usager. Le souvenir de mes courses éperdues, le cœur battant à toute allure, gorgé d’adrénaline, expliquerait peut-être plus rationnellement mon aversion de la banlieue qu’un snobisme affiché que je tourne volontiers en dérision en l’exagérant, d’autant plus qu’à présent, avec mon hérédité aggravée par mes nombreux excès et ma sédentarité, ce qu’il me reste de muscle cardiaque, de tuyauterie sanguine et pulmonaire ne me permettrait certainement pas d’échapper aussi aisément à d’éventuelles menaces.
Bien sûr que je ne pense pas toujours à cela quand je prends le métro pour aller en banlieue. Dans ce véhicule, comme beaucoup de mes congénères à ce qu’il me semble – quoiqu’en écrivant ces lignes, un doute m’assaille, car ce n’est peut-être pas du tout le cas, qu’il faudrait vérifier, compter ceux qui font comme moi –, je regarde les gens, l

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