Penser les représentations
312 pages
Français

Penser les représentations , livre ebook

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Description

De quoi peut-il s'agir lorsqu'on entreprend de penser les représentations ? Pourquoi leur accorder un intérêt épistémologique aussi important qu'il faille s'y mettre à plusieurs dans le cadre d'un ouvrage collectif ? A quoi peut bien se destiner cette synergie ? C'est pour pouvoir résoudre le problème de pertinence et de sens que pose la réflexion sur les représentations que des universitaires camerounais ont accepté de collaborer à cet ouvrage.

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Date de parution 01 août 2014
Nombre de lectures 16
EAN13 9782336353845
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

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Sous la direction de Lucien Ayissi
Penser les représentations
ÉTHIQUE, POLITIQUE ET SCIENCE
Penser les représentations
Sous la direction de Lucien Ayissi Penser les représentations
© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-04061-5 EAN : 9782343040615
Préface
De quoi peut-il s’agir lorsqu’on entreprend de penser les représentations ? Si celles-ci sont des présences de substitution pouvant, tout au plus, servir de lot de consolation à ceux qui ont la nostalgie de l’être soit parce qu’ils l’ont oublié, soit parce qu’ils ne parviennent pas à le retrouver dans un monde essentiellement gouverné par la loi du devenir, pourquoi leur affecter un intérêt épistémologique si important qu’il faille se mettre à plusieurs pour les penser dans le cadre d’un ouvrage collectif ? À quoi peut bien se destiner cette synergie intellectuelle théoriquement focalisée sur les représentations, en dépit du fait qu’elles figurent parfois parmi les produits de l’imagination fabulatrice ?
C’est pour pouvoir résoudre le problème de pertinence et de sens que pose l’entreprise théorique consistant à réfléchir sur les représentations que des penseurs ont accepté de collaborer à la réalisation de cet ouvrage. En divisant la difficulté liée à l’accès à l’intelligibilité des représentations, comme pour déférer à l’un des impératifs méthodologiques de la préceptologie cartésienne, les auteurs de cet ouvrage veulent surtout se la partager dans l’espoir de rendre davantage pertinente l’analyse diversifiée à la sanction de laquelle ils soumettent un phénomène aussi complexe que les représentations.
En effet, penser les représentations revient à s’investir dans une dynamique réflexive dans le cadre de laquelle la prise en charge de la pensée par elle-même sort apparemment le chercheur du traditionnel schéma épistémologique binaire (sujet-objet). Mais, en réalité, l’objectivation de la pensée à laquelle procède nécessairement le chercheur lorsqu’il pense les représentations, le replace plutôt dans la binarité de l’épistémologie classique, à la seule différence que l’objet de sa pensée est, dans ce cas, tout à fait dématérialisé ou spiritualisé.
Pour ceux qui ont collaboré à la réalisation de cet essai, penser les représentations consiste non seulement à en faire l’étiologie, la typologie, l’épistémologie et la téléologie, mais aussi à construire, à partir des thématiques qu’ils ont choisies, une relation réflexive entre la pensée et elle-même, mais qui ne se destine pas à la simple contemplation esthétique du pouvoir qu’elle a de se penser. En soumettant la pensée à la double épreuve théorique de l’auto-appréhension et de l’auto-compréhension, à travers notamment l’identification et la connaissance aussi bien de ses modalités que des formes symboliques grâce auxquelles elle existe dans le temps et dans l’espace, les auteurs du présent ouvrage ont un dessein qu’ils croient
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intellectuellement plus noble que celui qui pourrait consister à flatter simplement leur orgueil de chercheurs. En montrant que la difficulté que la pensée peut éprouver à se penser elle-même n’est pas insurmontable, ceux qui ont collaboré à la réalisation du présent ouvrage ne subordonnent pas leur entreprise théorique à l’appréciation de leur témérité épistémologique. Il s’agit encore moins pour eux de commettre un péché d’orgueil en s’auto-glorifiant de pouvoir relever le grand défi intellectuel qui consiste à penser la pensée, dussent-ils aliéner le prestige dont elle jouit habituellement lorsqu’elle scrute magistralement la concrétude de l’extériorité. En se résolvant à prendre intellectuellement en charge les divers modes de production des symboles, des croyances, des connaissances, des idéologies, des mythes à la fois délirants et dangereux, selon qu’ils s’accompagnent de rêves fascinants, de préventions aliénantes ou de montres terrifiants, les auteurs de cet ouvrage montrent par le fait même qu’ils s’intéressent à la constitution ontologique de l’homme. Cependant, l’intérêt ontologique qu’ils affectent à la réflexion portant sur les représentations ne se destine ni à la promotion du psychologisme ni à l’élaboration d’une métaphysique du sujet ou d’une quelconque anthropologie. Il a surtout pour fin de présenter, dans l’ordre des représentations, le logique, le symbolique, le fantastique, le fantasmatique et même le fantasmagorique comme les marqueurs non seulement de l’être-au-monde de l’homme, mais aussi de la dynamique historique des peuples et des États, dans la mesure où ils déterminent leur manière de percevoir, d’être, d’agir ou de réagir en fonction des charges idéologiques et même psychopathologiques qu’ils véhiculent.
Il ressort des contributions de ceux qui ont collaboré à la réalisation du présent ouvrage qu’avec les représentations, on a, en dehors de la fonction spéculaire qu’on leur assigne habituellement, l’expérience d’une ludique intellectuelle dans le cadre de laquelle la pensée déroule à elle-même le tapis qui va lui servir de scène de jeu. Cela explique pourquoi le jeu représentationnel relève nécessairement, n’en déplaise à Ludwig Wittgenstein, d’une méta-représentation dont on peut facilement envisager les problèmes. Au nombre de ceux-ci, il y a, par exemple, en plus de la tendance au solipsisme de certaines philosophies de la représentation, le problème relatif à la pertinence de la prise en charge théorique de la pensée par elle-même, et qu’Auguste Comte a relevé dans sa critique de l’introspection. En dehors du problème de la référence dont la récurrence est fort remarquable dans les diverses théories de la signification, penser les représentations pose également celui de la garantie de l’offre de certitude de la perception de l’altérité et de la réalité, qui s’opère généralement à travers un prisme idéologiquement déformant.
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Toutefois, ce n’est pas dans le dessein de contourner ces problèmes et bien d’autres que les auteurs de cet ouvrage ont surtout préféré articuler les réflexions qu’ils ont élaborées au sujet des représentations non seulement à la question de la croyance et de la connaissance, mais aussi à celle du langage, de l’idéologie, de l’aliénation et de la politique. Comme on peut le constater, de telles questions se démultiplient inévitablement lorsqu’elles débouchent soit sur celle de la « phénoménologie de la conscience mythique » dont parle Ernst Cassirer dans saPhilosophie des formes symboliques, soit sur celle de la légitimité des représentations qui ont tendance à falsifier ou à occulter la réalité à re-présenter, soit sur celle de leur dangerosité lorsqu’on les fétichise ou les anthropomorphise, soit enfin sur celle de l’auto-perception du sujet dans une imagologie pouvant s’accompagner de problèmes relatifs à l’estime de soi. En établissant, par exemple, que la question de la représentation s’inscrit aussi dans le procès de l’instrumentalisation des formes symboliques à des fins de manipulation des consciences, telle qu’elle prospère aujourd’hui à la faveur des industries de propagande idéologique, les auteurs de cet ouvrage tiennent à montrer que les représentations ne se sont pas de simples modes d’être de la conscience non-thétique, celle qui, selon Jean-Paul Sartre, révèle l’absence d’une présence parce qu’elle pose son objet comme n’étant pas.
Compte tenu du fait qu’elles ne sont pas non plus ce par quoi l’être essaie désespérément, à travers ses formes résiduelles ou rémanentes, de survivre à l’effet corrupteur de chronos, les auteurs du présent ouvrage établissent que le fétichisme des représentations et leur anthropomorphisation n’ont souvent lieu que dans l’oubli de leur historicité. C’est notamment le cas lorsqu’elles se substituent à l’être, au point de s’adjuger sa réalité et sa causalité. La mythologie et la tératologie consécutives au fétichisme des représentations sont le terreau fertile pour les croyances religieuses et superstitieuses qui, en dépit, de leurhétérologieapparente, se rapportent réellement sur le mode de l’homologie. Tout en étant des manières d’être de la pensée, les représentations apparaissent, dans le cas des croyances religieuses et superstitieuses, comme des véhicules de l’obscurantisme et de l’aliénation. Suivant l’analyse diversifiée des auteurs de cet ouvrage, le dieu, le diable, le fantôme ou le démon apparaissent comme les éléments d’un ensemble de fictions fantastiques qui ont le don d’encombrer inutilement l’esprit de l’homme et le saturer de terreur. Ce dernier finit par sombrer dans la mythologie ou la tératologie lorsqu’il est en proie à la peur des lendemains incertains ou à l’angoisse existentielle dans un monde chargé d’adversité. En anthropomorphisant ses représentations, au point de finir par les craindre, les adorer ou les idolâtrer, le croyant est victime du fétichisme des productions de son esprit. C’est par exemple le cas lorsqu’il se figure que la dynamique cosmique est régie par des causes théologico-métaphysiques maléfiques ou
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bienveillantes pouvant être les dieux, les démons ou les génies. Irrésistible est, par conséquent, la tendance à solliciter, au moyen de sacrifices rituels et de pratiques cultuelles, l’intervention des forces mystiques bienveillantes dans le sens de la protection de soi contre des sources de terreur pourtant supposées ou imaginées. Cela explique pourquoi Hobbes explique, dans le Léviathan, la création des dieux en référence à la crainte des hommes. Cela aide également à comprendre pourquoi les représentations font peser sur le pouvoir judicatif de l’homme une lourde hypothèque. N’ayant plus le courage d’exercer son pouvoir de vigilance critique, parce les représentations qu’il a de Dieu, du diable, du fantôme, du démon ou du sorcier étouffent son discernement, le croyant se contente d’affecter aux mythes fantastiques ou aux personnages hypertéliques qui peuplent son imagination, l’intérêt ontologique et la causalité qu’ils n’ont pourtant pas objectivement.
La confusion des genres qu’on remarque dans l’ordre des représentations religieuses et superstitieuses du réel entre le fictif et l’objectif, le mythologique et le réel se constate aussi dans l’ordre symbolique lorsqu’on prend le propositionnel pour le factuel, le logique pour le cosmologique dans un isomorphisme logico-physique qui fait le lit de l’ontologisation du symbolique. La conséquence d’une ontologisation est la construction d’un univers de substitution dans le cadre duquel le langage est instrumentalisé dans le procès de conditionnement idéologique et de manipulation des consciences. C’est ce que révèle, par exemple, l’analyse de la portée pragma-dialectique et communicationnelle des représentations discursives de l’autre, dans le cas emblématique des crises militaro-politiques de Côte d’Ivoire et de Libye. Cette analyse fait apparaître les représentations discursives comme ce que le locuteur instrumentalise, à coup de sophismes et à l’aide d’un registre lexical bien défini soit pour diaboliser l’altérité, soit pour décrire un événement au moyen de procédés expressifs de nature à produire chez le récepteur l’effet de captation, de légitimation ou de dramatisation.
Penser les représentations revient donc aussi, pour les auteurs du présent essai, à montrer comment s’articule la question de la représentation au pouvoir et à la fabulation dans le trafic de la réalité ou l’occultation de la vérité à des fins politiques. Une telle entreprise théorique ne peut pas ne pas s’accompagner de la critique dureprésentationnismede l’ et herméneutismedans le cadre desquels on substitue à la réalité une infrastructure de symboles qu’on finit par substantialiser. En établissant que le représentationnisme et l’herméneutismeles contradictions de la occultent réalité historique, parce qu’ils les transmuent en simples « échanges
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langagiers », les auteurs de cet ouvrage en soulignent, pour la dénoncer, la fonction idéologique. En référant donc les représentations à la question de l’aliénation et à celle de l’émancipation, les auteurs du présent ouvrage veulent par là mettre en évidence la force de mobilisation psychologique et idéologique dont elles sont capables dans le paradoxe, car autant elles sont en mesure d’aliéner la vigilance critique du « Je pense », autant elles peuvent, au moyen de la catégorie du possible ou à l’aide d’utopies subversives, motiver l’homme à surmonter tout ce qui entrave la bonne actualisation de son humanité et de sa citoyenneté dans le temps et dans l’espace. En revisitant certaines philosophies de la représentation – celles dont on peut notamment avoir l’expérience chez les stoïciens, Hobbes, Spinoza, Locke, Leibniz, Hume, Rousseau, Kant, Reinhold, Wittgenstein – ou en rapportant la théorie des organisations à la question des représentations, les auteurs du présent ouvrage ne veulent pas faire seulement œuvre d’érudition. La fin de la nouvelle inspection théorique à laquelle ils soumettent les représentations est d’avoir, à partir de certaines paradigmologies, un meilleur accès à l’intelligibilité des produits et du mobilier de la conscience des individus et des peuples.
À l’ère de la mondialisation ou de l’occidentalisation du monde, penser les représentations revient finalement à déterminer aussi bien les fondements historiques que la téléologie des idéologies qui structurent l’ordre mondial de domination et d’exploitation des peuples et des États, tel qu’il prend solidement appui sur d’honorables prétextes idéologiques pour se légitimer et légitimer, par conséquent, les guerres coloniales en les présentant comme des guerres justes. Les querelles de polémologies dont on a par exemple l’expérience de saint Thomas d’Aquin à John Rawls illustrent les conflits des systèmes de représentations du monde. Si ces systèmes sont constamment en conflit, c’est parce qu’ils se construisent à partir de références axiologiques qui sont elles-mêmes sous-tendues par des idéologies antagoniques. L’offre de validité argumentaire de chacune des représentations de la guerre, relativement à telle ou telle créance axiologique, montre pourquoi la question des représentations s’enferme souvent dans une logique tout à fait antinomique.
Savamment construit au moyen de sublimes rhétoriques philosophiques ou théologico-politiques qui consacrent une axiologie aussi moniste qu’hégémonique, et dont la fin est l’homogénéisation de l’Hétérogène à l’aune des appétits économiques et des desseins politiques du Même, l’ordre représentationnel actuellement en vigueur dans la mondialisation révèle, lorsqu’on le soumet à l’épreuve de l’analyse, qu’il est politiquement et
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