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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 décembre 2011 |
Nombre de lectures | 17 |
EAN13 | 9782296474284 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
PHILOSOPHES
OU MARCHANDS DE SÉRÉNITÉ ?
Du même auteur :
Hervé Caudron, Faire aimer l’école , Hachette, 2004.
Hervé Caudron, Oser à nouveau enseigner la morale à l’école , Hachette, 2007.
Hervé Caudron, Valeurs et principes de l’école , TEMPES, 2010.
Hervé Caudron, Valeurs et principes de l’acte pédagogique , TEMPES, 2010.
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.f
ISBN : 978-2-296-56409-1
EAN : 9782296564091
Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Hervé CAUDRON
PHILOSOPHES
OU MARCHANDS DE SÉRÉNITÉ ?
Petit traité de désenvoûtement
Questions Contemporaines
Collection dirigée par J.P. Chagnollaud,
B. Péquignot et D. Rolland
Chômage, exclusion, globalisation… Jamais les « questions contemporaines » n’ont été aussi nombreuses et aussi complexes à appréhender. Le pari de la collection « Questions Contemporaines » est d’offrir un espace de réflexion et de débat à tous ceux, chercheurs, militants ou praticiens, qui osent penser autrement, exprimer des idées neuves et ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion collective.
Derniers ouvrages parus
Daniel LAGOT, Le droit international et la guerre, Nouvelle édition , 2011.
Frank MISTIAEN, La richesse n’est pas produite ou Essai sur la nature et l’origine de la valeur marchande et la richesse matérielle, 2011.
Hélène HATZFELD, Les légitimités ordinaires, 2011.
Riccardo CAMPA, La place, et la pratique plébiscitaire, 2011.
Bernard LAVARINI, La Grande Muraille nucléaire du III e millénaire, Plaidoyer pour un bouclier antimissiles européen , 2011.
Arnaud KABA, Le commerce équitable face aux réalités locales : l’exemple d’une plantation de Darjeeling, 2011.
Christian SAVÈS, Éthique du refus. Une geste politique, 2011.
Marieke LOUIS, L’OIT et l’Agenda du travail décent, un exemple de multilatéralisme social, 2011.
Paul AÏM, Où en sommes-nous avec le nucléaire militaire ?, 2011.
Michel ADAM, Jean Monnet, citoyen du monde. La pensée d’un précurseur, 2011.
Hervé HUTIN, Le triomphe de l’ordre marchand, 2011.
Pierre TRIPIER, Agir pour créer un rapport de force, Savoir, savoir agir et agir, 2011.
Michel GUILLEMIN, Les dimensions insoupçonnées de la santé, 2011.
Patrick DUGOIS, Peut-on coacher la France ?, 2011.
Jean-Pierre LEFEBVRE, Architecture : joli mois de mai quand reviendras-tu ? , 2011.
Pour Anne.
Mes plus vifs remerciements à André Comte-Sponville : ses livres, pétris de sensibilité et d’intelligence, donnent envie de philosopher pour de bon, sans tricher.
Un grand merci, également, à Roland Jaccard, pour l’inestimable soutien moral qu’il a bien voulu m’apporter.
1. Un idéal de sérénité qui n’a plus rien d’humai n
Des marchands d’illusion s
Dans notre société déboussolée, émiettée, sans idéal collectif bien défini et centrée sur l’individu, s’expriment surtout des revendications immédiates. Les projets ambitieux, susceptibles de redessiner les contours de notre avenir commun, nous mobilisent de moins en moins. Les valeurs de solidarité ont fortement reflué, nous laissant à marée basse avec des plaisirs et des soucis souvent étriqués, strictement personnels.
Erigé en fin absolue, notre moi tend à se refermer sur lui-même, à s’agripper à son petit confort comme une moule à son rocher. Il ne veut plus s’occuper que de ses états d’âme. S’il persiste à rêver d’une félicité sans faille, le voilà prêt à se livrer au premier gourou venu. Il suffira de faire miroiter la possibilité d’un triomphe définitif sur toute forme d’inquiétude ou d’insatisfaction.
Notre désenchantement collectif est une aubaine pour un tel commerce. Avec le souci d’enrayer la moindre velléité critique, les marchands de sérénité laissent entendre que l’accès à une parfaite et constante joie de vivre dépend de nous et de nous seuls. Ils nous aimeraient calmes et confiants, sans la plus petite contrariété, sans la moindre rébellion, contents de peu, à la fois satisfaits et soumis. Comme si notre seule ambition était de connaître un petit bonheur tranquille, prudent et raisonnable.
Pour parvenir à ce résultat, il suffirait de bien utiliser les clés qu’ils nous donnent. De mettre en pratique quelques idées simples : une pincée de Sénèque et d’Epicure, un zeste de Spinoza, une petite couche de Confucius ou de Lao-Tseu pour agrémenter le tout. Au terme du parcours, par la seule vertu de nos ressources intérieures, plus rien ne pourrait nous enlever notre joie de vivre. Nous serions pour toujours à l’abri des craintes et des regrets. Désormais à même d’habiter le présent, au lieu de dresser contre lui des espoirs sans cesse déçus.
Ces nouveaux enchanteurs ne font pas appel à des rituels magiques, comme des sorciers de village. Ils procèdent plus subtilement, en remplaçant les vieilles formules et les anciens élixirs par un catalogue de recettes. De la vie, expliquent-ils doctement, patiemment, vous ne connaîtrez plus que le meilleur. La joie d’aimer et de créer. L’émerveillement de se sentir en accord avec soi-même, avec les autres, avec la nature tout entière. Car vous ne serez plus jamais mécontent de rien ni de personne. Vous irez à l’essentiel sans vous laisser séduire par les faux-semblants. Plus rien ne vous manquera.
Certes, vous souffrirez encore de temps en temps, comme le commun des mortels. Un mal de dos reste toujours possible. Mais votre bonheur ne se laissera plus polluer par les souffrances les plus ordinaires. Voilà la nouveauté : elles glisseront sur vous comme la pluie sur un ciré. Vous aurez trouvé la pierre philosophale capable de métamorphoser vos petites satisfactions éphémères en un contentement total, enfin pur et inaltérable. Un eldorado intérieur vous attend. Pour vous persuader qu’il n’est pas un mythe, sachez que les orientaux l’ont appelé le « nirvâna ». Les Grecs le désignaient par le terme d’« ataraxie ». Spinoza, en parlant de « béatitude », en faisait l’aboutissement de sa recherche philosophique.
Quelques exercices d’assouplissement intellectuel vous mettront sur la voie du salut. Puisque le bonheur est un état intérieur qui ne dépend que de votre pensée, et puisque celle-ci ne peut vous être retirée, apprenez d’abord à vous connaître. A vous estimer. A avoir confiance en vous. A devenir votre meilleur ami. A déguster vos moments de plaisir. A vous réjouir du simple fait d’exister.
Vous êtes maintenant capable de vivre dans l’instant. Exercez-vous à relativiser vos difficultés. A désirer uniquement ce qu’il est facile d’obtenir, au lieu d’espérer toujours plus. Sachez prendre soin de votre petite personne sans vous encombrer de votre image. Acceptez votre sort quand il ne dépend pas de vous. Goûtez les plaisirs propres à chaque âge. Pensez à la mort dans le seul but de mieux savourer les joies de l’existence.
Sans souci de réalisme ni de cohérence, un tel alignement de conseils et de belles sentences ne fait pas une sagesse. Cette énumération relève trop clairement de l’incantation pour ne pas éveiller le doute. Sauf, sans doute, chez des esprits fatigués, réclamant qu’on les endorme après les avoir bercés avec de belles histoires.
Faudrait-il, pour être pleinement heureux, s’enfermer dans une ignorance béate ? Fuir toute forme de souci et vivre dans l’inconscience du lendemain ? Refuser de s’attacher à ce qui pourrait bientôt nous manquer ? Exister uniquement pour jouir de soi ? En supposant qu’elle soit possible, une sérénité parfaite n’aurait-elle pas pour effet, à plus ou moins long terme, de nous anesthésier ou de nous ennuyer ?
Un art de vivre soi-disant supérieu r
Laissons de côté les modes et les contrefaçons. Tournons-nous vers la véritable philosophie. Face aux enchanteurs qui prétendent nous proposer un bonheur total pour demain, le meilleur antidote ne peut être qu’un refus farouche de se laisser berner. Discours et pratiques philosophiques sont nés de cette volonté-là. Le plus souvent nous préférons nous duper nous-mêmes. Ne pas voir s’évanouir les