Questions esthétiques et religieuses
113 pages
Français

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Questions esthétiques et religieuses , livre ebook

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Description

La philosophie de l’art et de la critique comprend un certain nombre de petits problèmes amusants — pour ceux que l’esthétique amuse, — mais qui ne sont amusants. que parce qu’ils se dérobent à toute solution trop catégorique et qu’il y subsiste toujours, après les analyses les plus lumineuses et les plus pénétrantes, quelque chose d’assez insaisissable pour offrir à la curiosité une matière continuellement nouvelle et perpétuer la controverse.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346085132
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Paul Stapfer
Questions esthétiques et religieuses
QUESTION DE L’ART POUR L’ART
I
CLASSIQUES DU DIX-SEPTIÈME ET DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE
La philosophie de l’art et de la critique comprend un certain nombre de petits problèmes amusants — pour ceux que l’esthétique amuse, — mais qui ne sont amusants. que parce qu’ils se dérobent à toute solution trop catégorique et qu’il y subsiste toujours, après les analyses les plus lumineuses et les plus pénétrantes, quelque chose d’assez insaisissable pour offrir à la curiosité une matière continuellement nouvelle et perpétuer la controverse. Petits problèmes, ai-je dit, car il n’y a de vraiment grands problèmes que ceux qui intéressent notre destinée, et les questions dont je parle n’ont point cette portée supérieure. Voici une de celles qu’on a le plus souvent et le plus vivement agitées :
L’art est-il un pur jeu, tantôt frivole et tantôt sublime, mais tirant dans tous les cas sa dignité de son inutilité même et de sa haute indifférence pour tout résultat pratique, quelque noble et important qu’il soit ? ou bien, au contraire, l’art ne peut-il atteindre sa pleine perfection qu’autant qu’il s’emploie au service de quelque grande cause, dont le triomphe est cher au cœur de l’artiste ?
Bien que la seconde de ces deux thèses ne compte pour défenseurs que des gens graves, on se tromperait fort si l’on supposait que la première n’a eu, pour la soutenir, que des esprits légers, et que, dans cette discussion, les têtes folles ou plus spirituelles que solides forment seules le parti de l’art pour l’art, tandis que tous ceux qui pensent sérieusement se rangent sous le drapeau de l’art utile. Le fait est, au contraire, que la plupart des philosophes de profession, les spiritualistes comme les autres, ont affirmé, d’une façon générale, l’indépendance de l’artiste par rapport à tout but pratique et ont dit, plus ou moins catégoriquement, que l’art avait sa fin en lui-même. Les grands écrivains du dix-septième siècle ne passent pas pour moins graves que ceux du dix-huitième : eh bien, c’est plutôt chez eux, c’est chez Corneille, chez Molière, chez Racine qu’on trouvera des représentants et des théoriciens de l’art pour l’art, pendant que les apologistes de l’art utile iront chercher de préférence parmi leurs successeurs la double autorité de la doctrine et de l’exemple.
1
Le théâtre de Corneille étant une école de grandeur d’âme et d’héroïques vertus, on se représente volontiers ce poète comme un prédicateur de morale, et personne ne serait surpris de rencontrer sous sa plume la célèbre profession qu’Aristophane a placée dans la bouche d’Eschyle, profession qu’on ne peut guère se dispenser de rappeler au début d’une étude sur la question du but de l’art et de la poésie :
« Le poète est, pour les hommes faits, ce que l’instituteur est pour les enfants. Nous ne devons rien dire que d’utile. » Et encore :
   — Réponds-moi, demande dans la comédie des Grenouilles Eschyle à Euripide, qu’admire-t-on dans un poète ?
EURIPIDE. — Les habiles conseils qui rendent les citoyens plus sages,
ESCHYLE. — Vois les hommes grands et braves que je t’avais laissés. Ils ne fuyaient pas les charges publiques et n’étaient pas, comme aujourd’hui, des discoureurs de carrefour, des charlatans et des fourbes ; ils ne respiraient que les combats.
BACCHUS. — Et comment leur avais-tu inspiré la bravoure ?
ESCHYLE. — En composant un drame tout plein de l’esprit de Mars.
BACCHUS. — Lequel ?
ESCHYLE. — Les Sept Chefs devant Thèbes ; puis, en donnant les Perses, qui nous ont appris à vaincre. Voilà les sujets que doivent traiter les poètes. Quels services ont rendus, dès l’origine, les plus célèbres d’entre eux ! Orphée nous a enseigné les saints mystères et l’horreur du meurtre ; Musée, les remèdes des maladies et les oracles ; Hésiode, l’agriculture, le temps des récoltes et des semailles. Et le divin Homère, d’où lui est venue sa gloire immortelle, si ce n’est d’avoir enseigné des choses utiles : la valeur militaire et le métier des armes ? C’est d’après lui que j’ai représenté les Patrocle et les Teucer au cœur de lion, pour inspirer à chaque citoyen le désir de s’égaler à ces grands hommes, dès que retentira le son de la trompette. Mais, certes, je n’ai point mis sur la scène de Phèdres impudiques, et je ne sais même si j’ai jamais représenté une femme amoureuse.
 
Bien que Corneille appartienne, comme poète, à la forte race d’Eschyle, il n’a jamais prétendu théoriquement que l’art dramatique eût le devoir d’être utile, et il a même mis à soutenir la thèse opposée une insistance qui étonne. Il écrit dans l’épître dédicatoire de sa tragédie de Médée :

Le but de la poésie dramatique est de plaire, et les règles qu’elle nous prescrit ne sont que des adresses pour en faciliter les moyens au poète... Ici, vous trouverez le crime en son char de triomphe, et peu de personnages sur la scène dont les mœurs ne soient plus mauvaises que bonnes ; mais la peinture et la poésie ont cela de commun, entre beaucoup d’autres choses, que l’une fait souvent de beaux portraits d’une femme laide, et l’autre, de belles imitations d’une action qu’il ne faut pas imiter. Dans la portraiture, il n’est pas question si un visage est beau, mais s’il ressemble ; et dans la poésie, il ne faut pas considérer si les mœurs sont vertueuses, mais si elles sont pareilles à celles de la personne qu’elle introduit.
L’épître dédicatoire de la Suite du Menteur est plus explicite encore ; l’auteur y prend formellement parti contre les moralistes qui assignent l’utilité comme but à la poésie ; il déclare se séparer « de ceux qui tiennent que la poésie a pour but de profiter aussi bien que de plaire » ; il « tient avec Aristote et Horace que l’art du poète n’a pour but que le divertissement », et il défie « ceux du parti contraire » de « trouver le mot d’utilité dans toute la poétique d’Aristote 1  ». Cependant, comme Horace a dit aussi :

Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci Lectorem delectando pariterque monendo,
Corneille ne peut interdire au poète de rechercher l’utile avec l’agréable ; il ne lui permet pas seulement, il l’approuve de s’en préoccuper ; mais il a bien soin d’établir que ce mérite complémentaire est un surcroît de perfection, dont nous devons savoir d’autant plus gré au poète que les règles de son art ne l’y obligeaient point. « Pour moi, j’estime extrêmement ceux qui mêlent l’utile au délectable, et d’autant plus qu’ils n’y sont pas obligés par les règles de la poésie ; mais je dénie qu’ils faillent contre ces règles lorsqu’ils ne l’y mêlent pas, et les blâme seulement de ne s’être pas proposé un objet assez digne d’eux, ou, si vous me permettez de parler un peu chrétiennement, de n’avoir pas eu assez de charité pour prendre l’occasion de donner en passant quelque instruction à ceux qui les écoutent ou qui les lisent. Pourvu qu’ils aient trouvé le moyen de plaire, ils sont quittes envers leur art ; et, s’ils pèchent, ce n’est pas contre lui, c’est contre les bonnes mœurs et contre leur auditoire. » — Dans son Discours de la tragédie, Corneille répète de nouveau : « Le but du poète est de plaire selon les règles de son art » ; et, dans son Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique, il expose à fond sa théorie complète sur ce point : « Le seul but de la poésie dramatique est de plaire aux spectateurs... Aristote, dans tout son Traité de la poétique, n’a pas employé une seule fois le mot d’utilité... Mais puisque Horace nous apprend que nous ne saurions plaire à tout le monde, si nous n’y mêlons l’utile... il ne faut pas combattre opiniâtrement ceux qui pensent ennoblir l’art en lui donnant pour objet de profiter aussi bien que de pl

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