Transmettre
141 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Transmettre , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
141 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« Il n'y a pas de culture sans transmission, l'incessant transfert d'un passé vers un avenir. Mais il n'y a pas de transmission qui ne soit une constitution d'héritage, aux conditions fixées par les moyens de transmission, où se rangent vecteurs techniques et corps politiques. Transmettre s'attache à rendre compte de ce processus complexe, parce qu'à la fois matériel et institutionnel, dont il n'est pas exagéré de dire qu'il est au principe de toute histoire civilisée. Cet ouvrage inaugure une collection intitulée « Le champ médiologique », soit la zone cruciale, encore obscure, que dessinent dans notre savoir les intersections et interactions entre Technique et Culture. « Médiologie » : sous ce terme nouveau, voudrait s'opérer la mise au clair des médiations, parfois sous-estimées, parfois inaperçues, dont dépend notre vie religieuse, artistique, idéologique ou politique. » (Régis Debray)

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 1997
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738142870
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MÊME AUTEUR AUX ÉDITIONS ODILE JACOB
Tous Azimuts , 1989.
Que vive la République , 1989.
OUVRAGES MÉDIOLOGIQUES
Le Pouvoir intellectuel en France , Ramsay, 1979.
Le Scribe , Grasset, 1980.
Cours de médiologie générale , Gallimard, 1991.
Vie et mort de l’image, une histoire du regard en Occident , Gallimard, 1992.
L’État séducteur, les révolutions médiologiques du pouvoir , Gallimard, 1993.
Manifestes médiologiques , Gallimard, 1994.
Collection « Le Champ médiologique » dirigée par Régis Debray
© O DILE J ACOB , FÉVRIER  1997
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN  : 978-2-7381-4287-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Remerciements

Ma reconnaissance va à tous les animateurs des Cahiers de médiologie , dont les débats amicaux ont nourri cette mise au point. Catherine Bertho-Lavenir, François Bernard Huyghe, Louise Merzeau et Monique Sicard en particulier m’ont adressé leurs pertinentes remarques. De son côté, Nathalie Heinich a bien voulu m’aider de ses avis d’experte sociologue. Et je remercie Bernard Stiegler non seulement de m’avoir fait redécouvrir l’œuvre d’André Leroi-Gourhan, mais de son propre travail d’éclaireur.
Avant-propos

Comment, par quelles stratégies et sous quelles contraintes, l’humanité se transmet-elle les croyances, valeurs et doctrines qu’elle s’en va produisant d’époque en époque ? Et que cache d’essentiel cette opération trompeusement anodine ? Voilà les questions que nous souhaitons remettre sur le métier, à nouveaux frais. Elles ont connu d’impitoyables traductions sur le terrain des faits d’histoire : pourquoi, par exemple, certaines idées deviennent « forces matérielles », et d’autres non ? D’où vient leur « rayonnement », et est-ce bien le leur ? Comment s’expliquer que certaines paroles, à certains moments, « ébranlent le monde » ? Qu’il y ait trace et tradition de celles-ci et non de celles-là ? Pourquoi telle proposition de salut se transformera en religion d’Empire de préférence à telle autre, pourquoi un projet séculier de régénérer l’humanité se déploiera-t-il en un demi-siècle comme orthodoxie planétaire quand d’autres idéologies de même âge, à consistance équivalente, se replient bientôt sur les bibliothèques ? Pourquoi, en clair, Jésus s’est-il finalement « emparé des masses » urbi et orbi , et non Mani le Mésopotamien ou le dieu oriental Mithra ? Pourquoi Karl Marx a-t-il marqué notre siècle au fer rouge, et non, disons, Pierre Proudhon ou Auguste Comte ? Et peut-on, de ces cas singuliers, de ces bifurcations circonstanciées et donc irréductibles, inférer certaines lois de portée générale quant aux puissances de la pensée et à la dynamique transformatrice des « idées » ? La transmission culturelle, pour en revenir à une rubrique connue, semble aujourd’hui un thème mal assuré, flottant en bordure de plusieurs savoirs par eux-mêmes étayés mais ici non congruents (sociologie, histoire des mentalités, génétique, épidémiologie). On se propose de contribuer à lui procurer un sol ferme et bien à lui, pour en faire un objet de pensée (et non de « science », ce qui serait aussi naïf qu’outrecuidant). Promouvoir une évidence en problème, ou construire un objet consistant à partir de simples rebuts, c’était ouvrir un chantier critique à part entière et demander que soit identifié un secteur de recherches original consacré aux faits de transmission  : il parut commode de planter un écriteau devant ces matériaux de construction, ce fut « médiologie », peu importent l’auteur, la date et l’étiquette. Ce n’est pas un brevet déposé.
Comme s’il suffisait d’inventer un mot pour définir un concept, comme si le suffixe faisait le savoir... Comme si des analyses modestes et fines ne servaient pas mieux la connaissance qu’un arbitraire effet d’imposition... Comme si on n’avait pas assez souffert de ces coups de force nominatifs, de ces pompeux effets d’annonce, programmant pour demain l’explication finale et définitive... Comme si un scrupuleux inventaire des innombrables travaux empiriques ayant trait au sujet n’eût pas été moins stérile qu’un de ces systèmes prétentieux et fumeux que certains Anglo-Saxons aiment imputer à « l’esprit français ».
Prudences et réticences légitimes. La pléthore de logies jetées à la va-vite sur le marché de l’innovation, et qui durent ce que dure leur auteur, suffirait à les justifier. Nous tenterons ici de montrer ce qu’il entre de prévention dans ces réflexes de méfiance, qu’un deuxième examen pourra peut-être adoucir. Tentative ou gageure ? Les lois de la concurrence étant ce qu’elles sont, personne n’ignore la situation fausse où se trouve enfermé quiconque entend délimiter et promouvoir une marge encore incertaine en domaine de réalité, champ dépourvu de légitimité savante et sociale. S’il ne produit pas aussitôt ses « titres théoriques à l’existence » et les pierres angulaires de sa méthode, il sera réputé artiste ou essayiste : éclectique, chic et badin. S’il s’efforce d’argumenter en raison ses monographies, de conceptualiser tant soit peu son travail, il péchera très probablement par un vain formalisme, alignant « analogies superficielles », « métaphores incontrôlées » et « généralisations hâtives » : le voilà pontifiant et songe-creux. C’est donc sans illusions que nous abordons cette tâche, conscient des espaces infinis qui nous séparent du seuil de positivité et a fortiori de scientificité, mais convaincus, à ce stade de la gestation, du nécessaire passage de l’échantillon à l’aperçu d’ensemble.
Enquêteur, on l’a été opiniâtrement. Qu’il s’agisse du Scribe et de l’histoire des intellectuels, de l’État contemporain et de son fonctionnement, des imageries et de leur transformation, des spectacles, de la route ou de la nation, nous croyons avoir œuvré maintes fois « sur le sujet », en plein air, par des esquisses descriptives. Loin de nous l’ambition de verser à présent dans une de ces géné ralités prophétiques, ces homélies apocalyptiques qu’exigent une fin de millénaire et ses stridences de catastrophe. La distance prise ici avec les soucis et terrains d’observation est celle qu’exige n’importe quel retour sur les fondements d’une démarche, pour réfléchir son parcours et le soumettre à rectification critique. Densifier l’analyse du réel, démultiplier l’opératoire par l’intelligible, demeure le seul souci. Sans doute, ce ne sont pas les meilleurs peintres qui produisent des traités de peinture. Par bonheur, le champ médiologique est un terrain communal. Il est assez ouvert, il compte déjà assez de défricheurs à l’ouvrage, originaux et productifs, pour qu’on ne lui tienne pas rigueur d’un cours d’arpentage donné à huis clos par un pédant.
CHAPITRE PREMIER
Le double corps du médium

Question de terminologie
Commençons, au risque d’ennuyer, par assurer notre vocabulaire (perte de temps qui en fera gagner, en prévenant de oiseuses querelles de mots). Nous parlons de « transmettre », non de « communiquer ». Pour autant qu’on peut, parmi ces mots-valises, isoler des unités de sens un peu stables, la sémantique de la communication paraît s’opposer trait pour trait au matériau médiologique. « Transmission » sera pour nous un terme régulateur et ordonnateur en raison d’une triple portée, matérielle , diachronique et politique .
Matérielle . « Communiquer », au sens ordinaire, c’est faire connaître, faire savoir. Par ce biais spontané, le mot nous lie à l’immatériel, aux codes, au langage. « Transmettre » en revanche se dit des biens comme des idées (on transmet un ballon, un effet de commerce, un capital immobilier autant que le pouvoir pontifical ou la consigne). Des forces comme des formes : on appelle transmission, en mécanique, les transports de puissance et de mou vement. Cet alliage d’agents matériels et d’acteurs personnels sied au vaste remue-ménage de moteurs de toute nature que met en scène, à chaque reprise, « une idée qui remue les foules ». S’y trouvent convoqués et mobilisés, pêle-mêle, des engins et des personnes, des mots de passe et des images fixes, des véhicules, des sites et des rites. Aujourd’hui même, le message évangélique opère encore sur les esprits par les cantiques et les fêtes, les ors et les orgues des églises, l’encens, les vitraux et les retables, les flèches des cathédrales et les sanctuaires, l’hostie sur la langue et le chemin du calvaire sous les pieds – et non par l’exégèse individuelle ou communautaire des textes sacrés. L’idée nationale se perpétue par le drapeau et la sonnerie aux morts, le tombeau de Napoléon et la stèle du village, le fronton de mairie et le dôme du Panthéon – et non par la seule lecture des manuels scolaires et du préambule de la Constitution. Nos aide-mémoire ne se réduisent pas aux dits et écrits. L’aventure des idées est kaléidoscopique. Pas de lignée spirituelle qui n’ait été invention ou recyclage de marques et de gestes ; pas de mouvement d’idées qui n’implique des mouvements d’hommes (pèlerins, marchands, colons, soldats, ambassadeurs) ; pas de subjectivité nouvelle sans objets nouveaux (livres ou rouleaux, hymnes et emblèmes, insignes et monuments). Les sites fédérateurs d’une foi ou d’une doctrine – mémoire en pierre taillée – sont là pour raccrocher la terre au ciel, en coordonnant la verticale des références à l’horizontale du regroupement. Chrétien, je me relie à la

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents