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Français
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2009
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Ebook
2009
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Publié par
Date de parution
01 janvier 2009
Nombre de lectures
1
EAN13
9782748374537
Langue
Français
Dix ans qu’il était sorti de sa vie. Dix ans qu’elle n’avait plus à supporter cet enfer. Ses colères, sa haine, ses mensonges. C’est alors qu’il réapparaît, la kidnappe, elle et ses deux enfants. La voilà de nouveau prise au piège de ce monstre calculateur. Celui qu’elle avait cru aimé. Avant le divorce. Avant qu’elle comprenne... Maintenant, elle n’a plus qu’à attendre. Ne comptant plus que sur son mari, sur la police... qu’ils les trouvent avant qu’il ne soit trop tard...
Publié par
Date de parution
01 janvier 2009
Nombre de lectures
1
EAN13
9782748374537
Langue
Français
Au-delà du mensonge
Ghislaine Rios
Publibook
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Au-delà du mensonge
Chapitre I
Depuis combien de temps était-elle là, prostrée à même le sol, dans un coin de cette pièce sombre, regardant ce néant, ce vide qui venait de l’engloutir. Les heures, les minutes, les secondes, désormais prisonnières de cette éternité noire et silencieuse, s’étaient délitées dans une temporalité qui n’existait plus. La brutalité de l’événement l’avait submergée. Totalement hébétée, elle essayait petit à petit de reprendre vie. Tout s’était déroulé si rapidement. Un coup de téléphone dans sa chambre d’hôtel :
— « Votre mari vient d’avoir un malaise cardiaque. Il est au plus mal. Un taxi vient vous chercher. Ne vous inquiétez pas pour les enfants, on va s’en occuper. »
Demander qui était au bout du fil, Sonia n’y avait même pas pensé. Le temps d’avertir le réceptionniste au sujet des enfants et elle avait quitté l’hôtel. Le taxi l’avait conduite jusqu’à la place de la Concorde. A l’angle de la rue Royale, un autre véhicule l’attendait :
— « Monte, si tu ne veux pas qu’il arrive malheur à tes enfants. »
Cette voix !… Non, il n’y avait aucun doute possible, cette voix sonore au ton péremptoire qui surgissait du fin fond de l’oubli, cette voix… c’était lui ! Clouée sur place par la surprise, Sonia donna l’impression d’hésiter.
— « Monte », ordonna-t-il une seconde fois.
La menace proférée à l’encontre d’Apolline et Luc ne lui laissait pas le choix. Elle ouvrit la porte et prit place sur le siège à ses côtés. Il démarra aussitôt. Ils roulèrent à travers Paris en direction de la porte de Bagnolet. Un silence épais s’installa, un silence impénétrable, inviolable, les tenant à distance l’un de l’autre… La voiture prit la direction de Lille par l’autoroute A3 jusqu’à la sortie d’Aulnay sous Bois. Encore quelques kilomètres vers le Nord, puis elle s’arrêta devant une maison isolée. Il la pria de descendre. Elle le connaissait trop bien pour savoir que toute résistance serait vaine. Ils franchirent le seuil : au-delà, un long couloir percé de plusieurs portes. Devant l’une d’elles, il s’arrêta, l’ouvrit et sans un mot poussa Sonia à l’intérieur. Elle sentit alors peser sur elle le regard triomphant de l’animal qui tient sa proie. Puis, froidement, avant de l’enfermer à double tour dans cette chambre obscure, il lâcha son diabolique ultimatum…
Elle se laissa lourdement tomber sur le sol, choisir, décider… Apolline, Luc… Une sensation étrange s’empara d’elle, l’impression d’un écroulement total à travers la profondeur de son corps, une sorte d’effondrement gravitationnel douloureux, au centre d’elle-même. Et puis, paradoxalement protecteur, l’espace hostile dans lequel il venait de l’enfermer, se recroquevilla autour d’elle, lentement, l’emprisonnant sans violence dans une enveloppe de souffrance. Elle resta ainsi longtemps, très longtemps. Les couches profondes de sa mémoire commençaient sous l’effet d’une lame de fonds à se soulever, raz de marée qui ramenait, petit à petit à la surface, des débris épars de sa vie passée, des souvenirs que depuis plus de dix ans, elle avait tenté d’oublier. Mais aujourd’hui cet homme qui, autrefois, avait été son mari, revenait d’un ailleurs ignoré.
Soudain, la clé tourna dans la serrure. La porte s’ouvrit. Il était là, devant elle, souriant, faussement à l’aise dans son costume de chez Boss, mais toujours, comme autrefois dans le désir affirmé du paraître, du faux-semblant. Non, il n’avait pas changé ! Le même soin dans le choix de sa garde-robe, de préférence onéreuse, le prix étant pour lui le seul critère de qualité. Il était de ces gens qui ne portent pas leurs vêtements. Ils sont portés, déterminés par eux. Sonia se souvint des séances matinales où, quotidiennement, devait être résolu le même problème crucial : comment s’habiller ? Parfois, dans l’incapacité de décider, il regardait avec irritation son armoire débordante de vestes, costumes, pantalons…
— « Je n’ai rien à me mettre, il va falloir que j’aille faire des achats » et comme un gamin capricieux qui ne veut plus ses jouets, il décrochait un certain nombre de vêtements, qu’il jetait rageusement par terre :
— « Ça je ne peux le mettre, ça non plus, c’est complètement démodé, je n’en veux plus… »
Il entassait alors tout cela pêle-mêle dans un sac-poubelle.
Au début, Sonia avait essayé de lui faire entendre raison puis elle avait renoncé :
— « Tu ne vas quand même pas m’obliger à m’habiller comme un clodo… J’ai bien le droit de m’acheter de nouveaux habits. »
Et si elle insistait :
— « C’est mon argent, c’est moi qui le gagne, j’en fais ce que je veux. »
Tout était dit, son non-respect de l’autre, des choses. Les vêtements n’avaient d’autres fonctions que de le servir, seule l’intéressait l’utilisation qu’il pouvait en faire ; les éventuelles détériorations dues à un manque de soin de sa part à leur égard, ne l’affectaient pas ; simplement, il en rachetait d’autres. Se vêtir était le moyen de devenir quelqu’un, d’exister par l’intermédiaire d’une image, celle qu’il donnait de sa personne ainsi parée. Le vêtement devait jouer ce rôle, être l’élément décisif du jugement de l’autre. S’il s’avérait défaillant, il s’en débarrassait, sans état d’âme aucun.
Sonia avait beaucoup de mal à appréhender ce rapport aux objets, elle qui était d’une fidélité extrême à leur égard.
Renoncer à un vêtement usé était souvent une opération douloureuse.
Dans la trame mise à jour par la vétusté, elle sentait la trace d’une histoire commune, l’histoire d’un partage dont il lui était difficile de faire le deuil.
Elle regardait cet homme, là, devant elle. Combien de fois s’était-il contemplé devant la glace avant d’entrer ! Le miroir ! Voilà peut-être un des éléments essentiels dans sa vie. Chaque jour, pendant de longs moments, il lui donnait généreusement son image à renvoyer. Au début Sonia y trouvait quelque amusement ; elle pensait à ces expériences menées sur les particules élémentaires, expériences aux résultats étonnants puisque tout déplacement de ces particules devant un miroir, augmentait, grâce au phénomène ondulatoire, leur durée de vie. Alors, en souriant, elle se disait que Paul allait vivre très vieux ! Et puis, ces contemplations quotidiennes avaient fini par l’agacer.
— « Est-ce que ça va là, qu’est-ce que tu en penses ? »
Toujours ces mêmes questions, collé devant le miroir. Il avait besoin d’une approbation. Si elle ne répondait pas, il se déshabillait pour enfiler une nouvelle tenue et encore une fois il interrogeait son profil droit, puis son profil gauche, à la recherche, au-delà du tain, de quelque chose qu’il ne trouvait pas.
— « Et là, c’est mieux ? »
Sonia, qui finissait par en avoir marre, lui répondait que c’était parfait. Il pouvait enfin se regarder de face… L’illusion était totale. Il avait obtenu cette apparente élégance qui allait lui permettre de jouer à l’homme bien. Cet homme bien, il l’investissait totalement, l’animant d’un discours qui ne pouvait que susciter l’admiration. Il paraissait fort, responsable, sûr de lui et surtout, élément déterminant dans le personnage, il inspirait confiance ! Qui aurait soupçonné la réalité de l’être qui se cachait derrière cette façade rassurante et séduisante, un être n’ayant jamais réussi à se construire, à dépasser cet état de dépendance qu’est l’enfance :
— « Je n’aime pas les gens qui ne m’aiment pas. »
Il répétait souvent cette phrase sans jamais être conscient de l’aveu d’impuissance qu’il était en train de faire : moi, je ne suis rien, sinon ce que vous décidez que je suis ; si vous m’aimez, je vous aimerai, si vous ne m’aimez pas, je ne vous aimerai pas. Cet état infantile révélait une infirmité qu’il allait devoir dépasser pour affronter le monde autour de lui et surtout, y exercer quelque pouvoir. Sa personnalité à double face exigeait de lui qu’il soit en mesure d’assumer à la fois une chose et son contraire, ce qu’il était et ce qu’il voulait paraître, sans qu’aucune incohérence interne ne révèle son ambivalence. C’est par un fonctionnement pervers qu’il avait pu atteindre ce but. Pour se mettre à l’abri et ne pas être inquiété, il avait cloisonné son univers et l’isolement dans lequel il maintenait ses victimes, lui permettait, sans risque aucun, de laisser libre cours à sa mythomanie. Aucune interaction entre ces différents espaces qu’il contrôlait n’était intervenue pendant de longues années. Il était l’unique lien entre eux, ce qui lui procurait un sentiment de puissance, de maîtrise. Il se sentait fort, trop fort.
— « Alors, tu as pris ta décision ? »
Toute l’horreur que cet homme lui inspirait était là, dans l’intonation de cette voix. Son scénario, il l’avait conçu pour qu’une fois encore elle ne soit qu’un pantin entre ses mains. Lui, il était, au centre du théâtre, le marionnettiste qui tirait les ficelles suivant son bon plaisir. Elles organisaient son réseau. Il l’avait créé à partir d’un tissu de mensonges, dont il était le seul à connaître les secrets. Sa puissance illusoire, c’était ça. Il pensait dominer le monde, mais seul les effets de ses mensonges étaient soumis à un semblant de pouvoir. Il ne contrôlait finalement que ce qu’avaient misérablement produit sa mythomanie et sa perversion.
Aujourd’hui il tenait sa proie, cette proie qui, dix ans plus tôt, lui avait échappé et avec laquelle il allait jouer un certain temps, avant de la dévorer. Sonia leva les yeux sur lui. Il y avait, dans son regard une lueur étrange, un plaisir non dissim