Aurès insolite
158 pages
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Aurès insolite , livre ebook

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Description

Douze nouvelles fantastiques avec pour point commun un même ancrage géographique, les Aurès en Algérie. Douze nouvelles où l’on croise la mystérieuse Iwal, l’Ombre-amie, on entend la complainte du fossoyeur, dévore l’histoire d’une jeune mère qui veut protéger son bébé d’un serpent...et bien d’autres petites histoires où le surnaturel surgit, sans qu’on l’y attende.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748381047
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Aurès insolite
Messaoud Nedjahi
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Avertissement
 
 
 
Les éléments ethnologiques, historiques, socioculturels ainsi que les évènements relatés dans ce livre sont authentiques. Les personnages sont réels. Seule la manière de les dire en les baignant dans un fantastique quotidien relève de la fiction.
 
 
 
 
 
 
Iwal ou La Femme qui racontait des histoires
 
 
 
Il était une fois une jeune et jolie femme qui racontait des histoires. Cette femme, éternellement jeune car possédant le secret, je l’avais connue. Elle était poète et rêvait souvent de la vie des femmes libres, fierté de l’Aurès. Elle voulait en être une. Elle le fut et toutes les surpassa. Tout le savoir de ces femmes, leur art, leur grâce et leur charme furent réunis en elle. Elle savait chanter, savait danser. Son pas était léger comme l’était son geste. C’était une perdrix qui danse, une jument qui parade. Et son œil, véritable sombre amande, savait se refermer en une expression de douceur suggérant la béatitude et le bien-être universel. Elle apprit la magie auprès de femmes savantes. Toutes, elle les surpassa. Elle ne voulait pas, comme elles, soigner les êtres et leurs âmes, mais elle voulait guérir son pays et lui faire retrouver son éclat.
J’ai voulu la connaître. Elle le sut et me fit aller à elle.
Elle m’ouvrit la porte de sa demeure. Une étoile s’en échappa, brilla par-dessus ma tête, étincela fortement et s’éteignit enfin en mon œil timide et fiévreux. Elle était d’un accueil encourageant et me laissa entrer en s’effaçant légèrement avant de refermer la porte avec douceur.
Brusquement s’éteignit autour de moi le bruit assourdissant de la ville, grande-ville, pour laisser place à la saine respiration d’une vaste pièce où se consumait quelques rondins dans un feu à la flamme bleutée. L’odeur de l’encens, musc et ambre, me chatouilla la narine me rappelant à la dure et sévère réalité du moment.
Un séisme, un tremblement se fit sentir dans la pièce. J’en eus peur et fus inquiet. Je me retournai et vis ce qu’il m’était, en principe, impossible de voir : un géant au poil fourni avançait lourdement vers moi, en son front monstrueux tournoyait un œil unique. C’était Wersen. Je me devais de le reconnaître. N’avait-il pas longtemps terrifié mon enfance ?
Menaçant, le géant s’avança vers moi de son pas pesant au risque de faire s’effondrer cet immeuble perdu dans la grande métropole. Mais vite, il traversa le mur de la pièce et disparut dans son monde qui un instant, se confondit au mien.
La jeune femme me fixa de son regard ébène et sentit mon inquiétude.
— « Quelque chose ne va pas ? » Me demanda-t-elle de son œil, amande douce.
Sa voix était un murmure, un chuchotement clair, une musique, un bruit sonore, un frou-frou soyeux aux multiples harmonies. Sa voix était douce et suave tel un ruisseau qui s’écoule dans la nuit. Je rougis honteux de voir transparaître mon inquiétude, ma peur. Devrais-je lui parler de cette illusion ? Devrais-je lui parler de cette hallucination ? Que pensera-t-elle alors de moi ?
— « Tout va très bien. » Lui répondis-je.
Mais je vis qu’elle devinait toutes mes sombres pensées.
— « En ma demeure, il n’y a pas de place pour la réalité car médiocre et terne… Le merveilleux seul m’entoure… »
 
Merveilleuse femme ! Femme merveilleuse !
Elle était recouverte d’une cotonnade noire de simplicité, maintenue au niveau de la hanche par une ceinture tressée, irisée tel un arc-en-ciel. Elle avait le pied nu. Elle s’approcha de moi et me tint la main un instant. Elle me pria de m’asseoir auprès d’elle, auprès du feu. Je ne demandai que cela, mais elle resta silencieuse. Elle aimait beaucoup le silence. Son silence était éloquent. Elle n’avait pas besoin de paroles pour s’exprimer. Tout en elle était expression et son silence l’était encore plus. Elle reprit ma main, la serra très fort, baissa les yeux et pleura.
Une larme coula de cette fontaine d’ébène et roula sur sa joue albâtre pour venir mourir à la commissure de ses lèvres fines et humides de rosée musquée et se changea en une perle pure que se pressa de ramasser une petite souris avant de disparaître dans un des sombres recoins de la pièce que seul le feu éclairait de ses flammes dansantes.
— « Mon pays se meurt ! » Dit-elle comme en un gémissement. « L’Aurès se meurt ! Entends-le qui agonise. »
Des pleurs et des gémissements douloureux se firent entendre comme s’ils sortaient du feu. Mon cœur se mit à saigner comme déchiré en menus morceaux. J’avais mal, très mal. Mais je n’avais pas le droit d’exprimer ma douleur. Je n’avais pas le droit aux larmes. Je devais me contenir et non pleurer. La femme seule avait ce privilège en cette société. Société phallique qu’as-tu fait de nous ? J’ai essayé en vain de refouler les quelques larmes qui osèrent se présenter à mes yeux qui, brûlés par les sels, laissèrent s’échapper et tomber cette souffrance liquide sur le feu au risque de l’éteindre.
Sans dire un mot devant une telle effusion chagrine et honteuse pour le mâle que je suis, la jeune femme de sa main me caressa les cheveux comme elle l’aurait fait pour un enfant pour le rassurer, le consoler. Elle me fixa de son œil, véritable porte ouverte sur le passé, puis elle baissa la tête en se mordillant la lèvre. Je trouvai encore plus merveilleux son visage que cachait sa longue chevelure de nuit. Sa main était douce et pure de blancheur comme l’était tout son être qui vibrait et tremblait tout contre moi au son d’une musique qu’interprétait un orchestre invisible. Elle releva la tête et se mit à chanter une étrange et triste mélopée.
Elle essuya ces larmes qui me brûlaient encore les yeux et me pria de partir. J’en fus triste.
— « Retrouve-moi à Timsunin. » Me dit-elle. « Je t’y attends déjà. »
Je voulais lui obéir, mais je ne voyais plus la sortie. Il n’y avait plus de porte. Celle-ci n’existait plus ou, s’il elle existait, il fallait aller la trouver à l’extérieur. En cette pièce, en cette demeure, il n’y avait plus de porte. C’était, certainement, notre désir d’y rester qui la faisait disparaître.
— « Traverse le mur, si l’ogre le fit pourquoi pas toi ? »
En effet, pourquoi pas moi ?
Un instant après, j’étais dans la rue poussé par des passants pressés de rentrer chez eux comme si la nuit risquait de leur être néfaste.
 
 
 
 
 
 
A Timsunin, sans qu’on me l’indiqua, j’ai trouvé mon chemin. Mon pas se dirigea vers les gorges vertigineuses aux parois cyclopéennes façonnées par quelque nature capricieuse. Elle était là. Elle était là qui m’attendait entourée par un petit groupe de courtisans.
— « Paix ! » Fit-elle.
Je m’approchai d’elle. Elle était assise sur un rocher, toujours enveloppée de son habit noir de simplicité qu’elle avait légèrement relevé pour laisser la neige de ses jambes se baigner dans l’eau de la rivière. Elle me sourit.
Elle me sourit pour que s’éteigne autour de moi le soleil chaud de l’oasis. J’étais ébloui par cette lumière douce qui émanait d’elle. Une lueur plutôt qu’une lumière. Une lueur douce de fraîcheur qui fit vibrer et frissonner tout mon corps et tout mon être.
Etait-ce là le vrai bonheur ?
Elle demanda à tous et à chacun de se mettre à l’aise. Tous et chacun se dévêtit et alla se baigner dans l’eau claire. Les vêtements étaient abandonnés sur un petit rebord plat et sec. L’eau était bonne. On y voyait évoluer différents petits poissons. Nous étions heureux. Sincèrement heureux. Du moins l’étais-je. Chacun exprimait sa joie à sa façon, surtout par des cris et des éclaboussements sonores et humides.
— « Qu’elle est douce ma vallée ! » Chantonna t-elle.
 
Qu’elle est douce ma vallée
Mais en ses gorges on égorge
L’Aurès mon beau pays.
 
Sur les rochers, sur les parois
De rouge est écrit
La loi de mon pays.
 
Aurès ! Blanche est ta vallée
Comme le cœur de tes enfants.
 
Tous et chacun évoluaient dans les eaux de la Vallée Blanche. Un bonheur parfait se faisait sentir en ce lieu presque enchanteur. Cependant cette sérénité ne pouvait pas durer. Quelqu’un cria et brisa cette harmonie.
— « Au feu ! Au feu ! Nos vêtements brûlent ! Au feu ! »
Tous et chacun voulaient quitter l’eau et courir éteindre le feu. La voix de la jeune femme se fit impérieuse de fermeté, mais étrangement généreuse.
— « Paix ! Paix ! Que le feu consume l’impureté ! Que le feu se fasse juge et arbitre ! »
Et le feu consuma l’impureté. Et le feu se fit juge et arbitre. Et le feu s’éteignit en toute paix. Cependant, certains habits furent épargnés, alors que d’autres étaient totalement détruits, calcinés, brûlés, comme si le feu avait agi par sélection.
— « Que ceux qui peuvent se rhabiller me suivent chez Gaga. » Fit la jeune femme en quittant les lieux.
Je fus transporté de joie en constatant, et avec quel bonheur, que mes vêtements étaient intacts. Nous étions trois à partager cette joie. Nous étions trois à pouvoir la suivre. La jeune femme gratifia nos narines de son parfum musqué. Nous avançâmes laissant derrière nous les autres baigneurs malchanceux en nous demandant qui aurait bien pu mettre le feu à leurs vêtements ?
Qui ? Qui ?
Gaga, tel le chacal dont il portait le nom, nous attendait du haut de sa demeure. Il m’interpella et me dit :
— « Je vois que tu t’en es sorti de l’épreuve du feu. Heureux de te savoir parmi nous. Sache que le feu ne visait pas le vêtement mais son propriétaire. Epargné, cela signifie que ce dernier est digne

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