La lecture à portée de main
134
pages
Français
Ebooks
2017
Écrit par
Joao Paca Manuel Sebastiao
Publié par
publibook
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Français
Ebook
2017
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Publié par
Date de parution
18 octobre 2017
Nombre de lectures
2
EAN13
9782342156652
Langue
Français
« Le café avait battu des records de fréquentation. Les chuchotements de la centaine de personnes présentes dans la salle tournaient autour de Fiona Couvet et étouffaient les morceaux de Jean-Sébastien Bach diffusés en boucle ce soir-là. La coïncidence de la disparition mystérieuse de Fiona Couvet et le membre inférieur décomposé du bois de Sauvabelin avaient attisé la curiosité des badauds. Un avis de disparition la concernant avait été diffusé à la radio, dans les journaux, ainsi que sur les chaînes de télévision suisses et françaises voisines. Une photo d'elle, toute souriante, au format A3, était collée contre la vitre de la porte d'entrée et dans certains points stratégiques de la ville avec ces mots : “L'avez-vous vue ? Elle est partie sans nous laisser un mot !” Un texte suivi du numéro de police lausannoise. Parmi les clients, beaucoup n'y avaient jamais mis les pieds. Ils étaient là ce soir, attentifs, devant un verre ou une tasse, surtout pour voir à quoi elle ressemblait sur la photo, discuter avec le personnel ou simplement prouver son empathie à l'égard de la jeune fille. Une ambiance sinistre avait plongé l'endroit dans un air funèbre. » Disparue ? Assassinée ? Qu'est-il arrivé à Fiona Couvet, dite l'Oratrice ? La question agite les habitués du Café du peuple... mais aussi les enquêteurs chargés de l'affaire qui plongent dans une affaire où les révélations se font étonnantes. Roman tout en récits imbriqués et connectés, où les paroles des uns et des autres doivent être âprement démêlées, le nouvel ouvrage de J. P. Manuel Sebastiao nous happe par son écriture et son scénario ciselés.
Publié par
Date de parution
18 octobre 2017
Nombre de lectures
2
EAN13
9782342156652
Langue
Français
Café du peuple
Joao Paca Manuel Sebastiao
Publibook
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
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175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Café du peuple
Retrouvez l’auteur sur son site Internet : http://jpmsebastiao.com
À ma tendre épouse, Annie.
Prologue
Sans aucune arrière-pensée, elle s’était avancée vers le frigo pour lui servir une bière fraîche. L’individu lui avait assené un puissant coup de marteau sur le crâne, elle s’était immédiatement effondrée, puis son cerveau s’était mis à gonfler, débordant de la plaie béante ouverte par le coup de marteau :
— Eldora ! Oh, Eldora chérie…
Agonisante, elle respirait à peine. Sa tête aux cheveux touffus maculés de sang et de particules de cerveau gisait sur les genoux de son bourreau, assis sur le canapé, buvant tranquillement sa bière :
— Il a, coûte que coûte, fallu que tu sois dans cet état pour qu’on puisse enfin dialoguer, sans cela, vaurien que je suis, tu n’allais jamais me prêter l’oreille en ce qui concerne mes sentiments envers toi. T’infliger un traitement pareil, c’est pour moi la seule façon de pouvoir garantir ta sécurité et ainsi te protéger de tous ces sales prédateurs. N’est-ce pas que quand on aime on protège ?
L’hémorragie abondante du crâne de sa victime ne lui déplaisait en aucun cas. Bien au contraire, l’individu se hâtait d’assouvir son fantasme : avoir sur ses genoux tous ces cheveux touffus dont il avait tant rêvé… Il les avait attachés à l’aide d’un élastique, observait le visage de la malheureuse avant d’insinuer :
— Tu es incroyablement belle, j’ai toujours voulu te voir coiffée comme ça, mais tu ne m’as jamais accordé la moindre attention, mes compliments ne t’ont jamais fait ni chaud ni froid ; plus rien à dire, à présent, tu m’appartiens ! Je sais que tu ne me croiras pas, dit-il en éclatant de rire, mais tu vas devenir mon esclave et tu seras à mes ordres, je t’ôte de ce monde impitoyable et je te préserve pour moi, rien que pour moi… Plus personne ne te fera de mal, je te le promets et toi non plus, tu ne me feras plus de mal. Me laisserais-tu te caresser ton magnifique visage ?
Il lui avait caressé les joues qui entamaient progressivement le processus de refroidissement. Elle avait concentré tous ses efforts et avait hurlé du fond de sa gorge, c’était sa seule façon de solliciter la miséricorde de cet être qu’elle connaissait bien.
— Je ne fais que t’aider, lui avait signifié l’être, si tu avais su que d’ici peu tu ne sentirais plus aucune douleur, tu aurais été la miss la plus heureuse du monde ! Excuse-moi de ne pas avoir prévu de la morphine pour apaiser ce moment éphémère. Tiens, je te donne un aperçu de ce qui va suivre : une fois débarrassée de cette enveloppe qui a suscité tant de convoitises de la part des uns et fait tant de mal aux autres, je compte la découper, oui ! carrément la découper à la manière des bouchers. Tu m’avais demandé ce que j’avais dans mon sac à dos, eh bien, c’est du matos prévu pour te découper ; visionnaire, n’est-ce pas ? J’ai vu sur Internet comment découper une vache, ton enveloppe à toi connaîtra le même sort, ensuite elle ira nourrir les bêtes sauvages dans le bois de Sauvabelin ou ailleurs… à part la jolie tête, ta tête, je la garderai précieusement et jalousement chez moi.
Horrifiée par ce propos, elle poussa un ultime hurlement et l’individu chuchota :
— Chut ! pas si fort Eldora, pas si fort ! C’est toi qui m’as dit que ta voisine, la Soares, colle l’oreille contre le mur pour entendre ce qui se passe chez toi ; si elle voyait seulement ce qui se passe en ce moment, elle tomberait des nues et l’opération de ton expédition serait peut-être irréalisable. Tu te rends compte de toute cette peine que je me suis donnée ? Ça y est, t’es partie ! Tu vois ? C’est aussi simple que ça, toutes mes salutations à Eldora la vraie. Quant à moi, je sors le matos et je passe à l’étape suivante.
I. Vendredi 24 octobre 2014
88, rue Saint-Martin à Lausanne, la soirée se déroulait dans les règles, un stratus se déployait sur la ville, température en dégringolade agrémentée par une bise noire automnale qui secouait les feuilles orangées de tous les côtés. Thérèse enchaînait son témoignage devant une assistance indifférente sur le podium du Café du peuple .
Le 8 juillet 2007, les Lausannois avaient été appelés à se prononcer sur la création d’un local d’injection de drogues près du centre-ville. Au final, la participation à ces votes avait été relativement médiocre, et le projet balayé à 45,37 %. Cependant, le contre-projet rédigé par les partis de droite proposant « un café alternatif pour tous » – dans lequel, paradoxalement, toute prise ou vente de produits classés illicites, voire toute assistance sous une forte influence de produits illicites, serait rigoureusement interdite – avait été accepté par les Lausannois. Malgré une forte opposition de la gauche et du voisinage, cela avait finalement abouti à un compromis et avait permis la récupération d’un ancien dépôt squatté du service d’assainissement de la ville situé rue Saint-Martin, au 88, non loin du pont Bessière. Le bâtiment s’était offert un coup de neuf intégral, et s’était transformé en un lieu d’accueil, sous la gérance d’un quinquagénaire, ancien responsable du service social, Jean Bolomé, marié et père de deux enfants. Le local s’était fait spontanément appeler Café du peuple .
Le Café du peuple était la maison de tous où tout devait s’écouler à moitié prix par rapport aux prix moyens pratiqués dans les cafés privés de la ville. Fréquenté initialement par les sans-emploi et la classe ouvrière, il avait finalement fait son rebond confondant toutes les classes sociales par la disposition libre de son podium et ses multiples offres : témoigner de sa vie, celle des autres ou d’une quelconque expérience, écouter et intervenir, bénéficier d’un service à moitié prix, etc.
Dans le souci de fournir une vraie raison d’existence du local aux contribuables, Jean Bolomé avait créé un journal hebdomadaire transparent gratuit à servir à l’entrée du café – L’Écho du café – qui couvrait dans les moindres détails les activités de l’établissement. Un concours de neuf journalistes avait propulsé Robert Pacha, journaliste à mi-temps auprès de La Tribune lausannoise , à la tête de L’Écho du café .
— Oui, chers amis, articula Thérèse, un beau matin, l’infirmière du CHUV
1
m’a dit : « Madame Plutod, votre maman va subir un scanner cet après-midi ; vu son âge avancé et son état de santé actuel, votre présence est vivement souhaitée. »
L’assistance arrivait progressivement et prenait place ; la salle qui pouvait contenir une centaine de personnes était à moitié remplie et l’ambiance y était bon enfant. Jean Bolomé, le patron du Café du peuple , veillait à ce que tout se déroule dans les règles de l’art.
— Alors qu’elle me bombardait de termes médicaux que je ne saisissais pas du tout, poursuivit Thérèse devant le micro, je l’ai interrompue immédiatement en lui disant : « Non, non et non, Madame ! Ayant observé promptement son badge, je trouvai son nom et lui dis : Écoutez madame Dénis, j’ai soixante-neuf ans, avec un corps malade et fatigué ; ma mère, elle, en a quatre-vingt-dix-sept, jusque-là, elle n’a jamais passé un scanner, on ne va tout de même pas commencer à le lui faire subir en 2014, il en est hors de question ! » Stupéfaite de ma réaction, elle essaya de me convaincre en me disant : « Justement, atteindre l’âge de cent ans en 2014 est devenu monnaie courante, laissez-lui une chance de vivre plus longtemps, de devenir centenaire, madame Plutod ! » Je me suis approchée d’elle, je l’ai fixée en lui disant : « Vous savez, si elle pouvait encore marcher comme il y a une semaine, elle ne serait certainement plus ici, croyez-moi ! Ma mère m’a dit être fatiguée, elle a envie de se reposer et ne souhaite plus qu’on s’acharne sur son corps, je vous prie de respecter cela ! Maman est mal à l’aise ici ! » Je fondis en larmes, madame Dénis tira deux mouchoirs en papier, elle me les tendit, je la remerciai en rajoutant : « Maman m’a dit que j’étais la seule personne ici à la prendre au sérieux, la seule qui la voit et lui parle comme à une adulte. Sinon, le personnel soignant, lui, prône des gestes doux et tendres et lui parle comme s’il s’adressait à une gamine. Ce n’est pas une enfant, vous comprenez, madame Dénis ? Une femme bien vivante qui a toujours eu son autonomie ne peut qu’être malheureuse avec de tels comportements… »
La clochette s’interposa à trois reprises, Jean Bolomé passa lui chuchoter quelque chose à l’oreille, il récupéra le micro et prit la parole :
— Je suis navré, Thérèse ! Et mille excuses à vous qui suivez l’histoire de Thérèse… retenez, s’il vous plaît, sa dernière phrase car le témoignage va continuer juste après ce qui suit, j’ai en effet une nouvelle importante à vous annoncer. Je viens d’être interpellé par un court texto provenant d’un ami, je vais vous le lire, il dit ceci : Parmi les titres du téléjournal de tout à l’heure, une info nous sera très utile. Elle concerne qui ? Laissons-nous surprendre, je vais donc allumer la télé et vous prier d’y prêter attention avant que je redonne la parole à Thérèse. Il prit la télécommande, se tourna vers le téléviseur à écran plasma accroché au mur, appuya sur le bouton un et le présentateur vedette du journal de la RTS
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apparut en relatant :
— Cet après-midi à Lausanne, le rottweiler d’un promeneur a fait une découverte macabre : une jambe humaine en état de décomposition très avancé, partiellement dissimulée p