Ce qui nous fait tenir en temps d’incertitude
51 pages
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Description

Alors que nous sommes confrontés à une crise sans précédent, alors que bon nombre d’entre nous mobilisent toutes leurs ressources pour traverser la tourmente, la solidité de nos raisons de lutter devient un enjeu vital. Mais tenir pour tenir n’a en réalité pas de sens. Il nous faut, pour cela, une cause plus profonde. Il nous faut, pour cela, l’espérance.

Paul Valadier mène pour nous, dans ces pages aussi énergiques qu’inspirées, un magistral travail de discernement sur le véritable visage de celle-ci. Chemin faisant, il nous montre comment les épreuves, les échecs, les désillusions mêmes, peuvent nous le révéler. Ainsi ce livre ne traite pas seulement d’espérance : il exprime, en lui-même, un puissant témoignage personnel sur celle-ci.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mars 2021
Nombre de lectures 1
EAN13 9782728930814
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Paul Valadier
Ce qui nous fait tenir en temps d’incertitude
L’espérance vive
Table des matières Introduction Chapitre 1. L’espérance à l’épreuve Espérance et/ou espoir ? L’épreuve du négatif Espérance et transcendance Chapitre 2. Nos petites peurs du xxi e siècle ou l’espérance vaine Diversité de nos peurs Peurs écologiques Peurs pour la vie politique démocratique Peur du mensonge et des contre-vérités Conséquences pour les démocraties Peurs « métaphysiques » Vaincre nos peurs Chapitre 3. L’espérance contrariée Condamnation d’une tradition Critique philosophique Critique théologique Espérance et révolution Chapitre 4. L’espérance vive Une histoire sensée Une histoire Du sens Une histoire ouverte Une histoire en ruptures Conversion et vie dans l’Esprit Les fins dernières Conclusion Notes Page de copyright
Points de repère Couverture Page de Titre Corps de texte Page de Copyright
Introduction
Place Denfert-Rochereau, à Paris, une stèle est élevée à la mémoire de Raspail. On peut y lire la déclaration suivante, formulée par le chimiste lui-même et retenue pour caractériser l’état d’esprit du savant : « À la science hors de laquelle il n’est que folie ; à la science unique religion de l’avenir, son plus fervent et désintéressé croyant. » Cette proclamation de foi ne peut provoquer aujourd’hui qu’un sourire amusé et compatissant chez le passant : qui, hors de quelques scientistes attardés (et il y en a !), pourrait se reconnaître dans pareil credo ? Quels sont encore les fidèles pratiquants et croyants d’une telle religion ? Qui admettra qu’il n’est que « folie » hors de la science, tirant ainsi un trait sur les arts, les sagesses traditionnelles, les religions, les riches cultures du monde, que nous avons certes à passer au crible de nos jugements, mais qui nous habitent et nous orientent fondamentalement, bien plus que les raisonnements et les conclusions des scientifiques qui échappent le plus souvent au commun des mortels ?
Nous bénéficions certes des avancées scientifiques et techniques et nous nous en réjouissons sans réserve, quitte à caresser quelques scrupules écologiques par rapport aux dégâts provoqués à l’environnement par des recherches et des prétentions ruineuses pour la planète et ses richesses. Mais en même temps la foi en la « religion de l’avenir », dont parlait Ernest Renan à propos de la science, nous a quittés. Devenus agnostiques, voire franchement « athées » de cette croyance, nous vivons plutôt sur les ruines d’une telle foi, et comme toujours vivre sur des ruines ne peut qu’entraîner désarroi, trouble, désespoir, sens de la vacuité de toute chose. Avec l’effondrement de ce scientisme, c’est l’espérance elle-même en un avenir meilleur qui s’efface, à quoi se substitue plutôt la conviction qu’il n’est pas d’avenir du tout, ce qu’on a pu appeler le « présentisme ». D’où les catastrophismes de toutes sortes qui prospèrent sur les propos de nouveaux prophètes de malheur, lesquels connaissent quelque succès - ce qui se traduit entre autres par un scepticisme fondamental concernant le politique, dont bien peu aujourd’hui attendent qu’il nous « change la vie » comme l’avait promis jadis un candidat à la présidence de la République dont le double mandat de sept ans n’a, semble-t-il, pas beaucoup changé nos conditions de vie, s’il ne les a pas aggravées… Comme l’avait bien vu Nietzsche, à l’excès des attentes idéalistes succèdent le désespoir nihiliste, le « à quoi bon ? », l’extension du désert ( Ainsi parlait Zarathoustra , IV).
Mais une société peut-elle vivre sans attentes en des lendemains meilleurs ? Une personne peut-elle construire son présent sans anticiper sur son avenir, sans prévoir et poser ici et maintenant les conditions d’une amélioration matérielle, intellectuelle ou spirituelle de son sort ? La vie sociale et politique peut-elle se concevoir dans une stricte gestion du présent immédiat, sans perspectives sensées, pour demain, sans souci des générations nouvelles, nos propres enfants ? Peut-on vivre « le nez sur le guidon », sans jeter un regard sur la route et les possibilités ou les dangers qu’elle recèle ? Qui tiendrait un discours aussi creux, et, disons-le tout net, aussi désespérant ? - Sauf à jouer au dilettante insouciant qui clamerait « après moi, le déluge ! ».
C’est dire que si contestée soit-elle, l’espérance reste non seulement une possibilité souhaitable, mais presque une nécessité vitale et existentielle, si essentielle qu’à la limite, la vie humaine est inconcevable sans elle. On ne saurait donc la restreindre à la sphère proprement religieuse, comme on est parfois tenté de le faire : l’avenir, la fin de l’histoire, l’eschatologie, la Parousie, tout cela ne concernerait que la foi en une religion, et donc ne préoccuperait que ceux qui relèvent d’une telle foi. Or par ce qui précède, on voit sans peine qu’on ne saurait se borner à renvoyer une telle « vertu » à une sphère particulière de l’existence : tous, croyants en une religion ou non, sont concernés par l’espérance, parce que tous, à moins de se limiter à la jouissance sans horizon de l’instant, à la façon du dilettante si bien décrit au début de L’Action par Maurice Blondel, sont concernés par leur propre avenir.
Et si donc la théologie est concernée par un tel sujet, la philosophie ne l’est pas moins, ou en tout cas devrait l’être. Il est essentiel pour elle qu’elle ne se borne pas aux limites de l’action en son actualité, mais qu’elle envisage ce qu’il en est de la condition humaine dans son historicité, donc dans l’ouverture à un avenir sans lequel le présent lui-même se trouve comme vidé de substance, par conséquent vain et sans saveur. Il ne suffit pas non plus qu’elle se borne à un retour « aux choses mêmes », comme le souhaite la phénoménologie, car la « chose même » ici n’est rien de moins que le sens de nos vies, l’interrogation sur la portée de notre avenir, la nécessité où chacun se trouve de savoir pourquoi il vit et surtout comme vivre bien, ou moins mal. Non seulement pour soi-même, comme si nous n’étions qu’une entité close, qu’une monade solitaire, mais avec tous dans l’aventure collective où nous sommes « embarqués » (Pascal). Or l’espérance donne du goût à la vie, elle mobilise la volonté pour faire face, elle stimule l’intelligence pour comprendre les forces immanentes au présent, elle oblige au regard critique pour ne pas se livrer à des utopies mensongères et mortifères, comme en a tant vécu le xx e siècle (national-socialisme, marxisme-léninisme, maoïsme ou polpotisme, fascismes nationalistes…).
Un croyant ne peut pas lire sans sourire ou sans pincement au cœur les propos d’un héros du roman ­ L’Espoir (1937) d’André Malraux, texte au titre révélateur : « La révolution rend à l’homme opprimé, humilié et anxieux, une raison de vivre, une espérance. En faisant descendre cette espérance du ciel sur la terre, elle prend la place de la religion, elle fait pour les masses souffrantes et détrompées ce que l’Église ne saurait plus faire. » Cette belle « espérance » [ sic ] nous apparaît désormais comme l’opium qui a étourdi les masses et justifié d’innombrables crimes. Mais l’Église n’en poursuit pas moins l’annonce d’une espérance fondée sur une Parole qui ne déçoit pas, car elle fait vivre dès maintenant : sur terre en vue du ciel pour employer un langage assez dévalué.
Bref, l’espérance n’est pas un vain mot ou une attente vide. Méconnue ou tournée en dérision aujourd’hui par beaucoup, elle est une condition fondamentale pour une vie commune fructueuse et tout bonnement sensée ; il convient donc d’y réfléchir et d’en asseoir la raison d’être. Car elle ne va pas de soi, et bien des objections s’élèvent contre elle, plus encore ce qu’on pourrait appeler « ­l’esprit du temps » qui flatte plutôt le désespoir, celui des mondains (version complaisante façon Cioran ou savante façon Schopenhauer) ou celui des masses ballottées par les idéologies nationalistes, l’incitation à la consommation ou à l’insouciance, le refus de tout engagement matrimonial, politique ou religieux. Pourquoi cet « esprit » est-il si envoûtant et si séduisant pour beaucoup ? Faudrait-il désespérer de l’espérance ?

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