Chemin de crêtes
396 pages
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Description

« La route que j’entreprends ce jour est volontaire et non sacrificielle. Il s’agit d’opérer un choix. Entre Croix et Transfiguration, je choisis cette dernière, qui est notre aboutissement, car la croix est dans mon quotidien et la transfiguration est ma finalité. De rues en rues, je cherche mon chemin en direction des Contamines. Je flâne un peu, regarde les vitrines de sport ou les librairies. Heureusement, aux Houches, on est déjà à mille mètres d’altitude. Je dois cependant monter jusque 1 600 mètres environ, pour redescendre ensuite. Le pays est beau et offre des vues sur la chaîne des Aravis. De la rue de l’Église, je continue en direction de la rue des Essarts. Je monte dans la forêt entre le Nant Jorland et le ruisseau des Chavants. J’atteins la côte de 1 600 mètres pour redescendre vers la vallée des Contamines. Commencer la journée en montant de 600 mètres, j’ai déjà connu cette épreuve en quittant le Puy-en-Velay. Il faut beaucoup boire. Cette fois, je dispose d’une paire de gourdes. Assis sur une souche, je contemple le paysage environnant lorsque mon regard est attiré par une agitation curieuse semblable au jeu de deux jeunes chats sauvages. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 mars 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342002768
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chemin de crêtes
Damien de Failly
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Chemin de crêtes
 
 
 
Depuis l’horizon, si proche et lointain à la fois,
accourt ma fille, joyeuse, légère, heureuse,
transfigurée, les yeux pleins de gloire.
Quel bonheur en cette aube nouvelle,
sur le mont Thabor.
 
 
 
 
Avant propos
 
 
 
« La littérature est le ferment de toutes les quêtes. Chercher, c’est raconter. Écrire, c’est partir en recherche », nous dit Michel Faucheux dans son ouvrage Les Quêtes chimériques : mythes et symboles de l’Eldorado à l’amour éternel 1 .
Le récit qui suit est celui d’un marcheur atypique, Henri dit le Pèlerin. Celui-ci nous entraîne dans une quête de sens, une réflexion large au cours de sa longue pérégrination à travers les Alpes sur le GR5 qui des Houches conduit jusqu’au Mont Thabor. Réflexions personnelles confrontées à celles de théologiens, de philosophes, d’anthropologues, cosmologues, paléontologues et biologistes d’hier et d’aujourd’hui. Parmi les nombreuses rencontres, l’une d’elles s’avérera déterminante.
 
 
 
Scène première
 
 
 
Au cœur de la forêt, au fond d’un Tipi ou d’un Igloo, au bord du Gange, dans les sables du désert ou dans un hôpital sophistiqué de Paris, Washington ou ailleurs encore, un même cri retentit. Des ténèbres aqueuses surgit, à la lumière, une tête d’enfant 2 . Naissance d’homme, première goulée d’air, premier appel, premières douleurs.
 
Nous évoluons entre deux limites. La première est notre naissance, la seconde, notre mort. Toute notre histoire se déroule entre ces deux extrêmes, naissance et mort, aube et crépuscule, deux scènes dramatiques. Vu ainsi, le vivant serait-il piégé dans un espace-temps fermé ? Comment envisager d’en sortir ? Dès la première scène, nous sommes pris dans un tourbillon d’épreuves auxquelles nous ne sommes pas préparés. Nous échouons sur la plage d’un monde hostile. Survivre est l’instinct premier. Toute la création, cette grande éprouvette nucléaire, pèse de tout son poids par un maelström gigantesque de forces qui, dans son mouvement circulaire gravitationnel entropique, nous happe dans une finitude abyssale représentée par la « mort-néant ». Que faire ? La première solution est d’aménager notre séjour de manière la plus confortable, mais nous n’échappons pas à sa fin mortelle. La seconde solution est de sortir du piège temporel en devenant soi-même un dieu. Il est impératif de prendre à bras-le-corps notre destin, individuellement d’abord et collectivement ensuite.
Les règles imposées au nom du progrès sont insuffisantes. Afin de rester maître unique de notre œuvre, nous devons être les architectes et les maçons de notre propre maison. C’est ainsi qu’il est important de ne plus laisser à d’autres le choix de décider pour soi. De grands penseurs, des philosophes, des théologiens, des prophètes le proclament : Notre système n’est pas tenable à long terme . Il craque de partout comme la coque d’une vieille caravelle au milieu d’un océan agité. Le chemin emprunté par notre civilisation débouche sur une impasse. Faut-il pour autant maudire les dieux du ciel et le jour de notre naissance comme Job 3  ? Non ! Mais alors, où situer notre espoir d’un monde meilleur ?
Depuis le néolithique et l’avènement de l’agriculture, l’humanité s’applique à faire du progrès le moteur de notre civilisation. Toutes nos ambitions, nos cupidités y trouvent de quoi s’épanouir. Nos politiques, nos dirigeants imposent la voie d’un développement matérialiste qui, par des moyens scientifiques et techniques, consiste à exploiter les ressources et richesses qu’offre la Terre afin de rendre notre vie et le monde dans lequel nous évoluons le plus confortable possible. Mais les cultures, les croyances diverses, le désir de domination ont débouché sur des guerres successives. Ce progrès a une fin qu’il est, scientifiquement et technologiquement, impossible d’éviter ou de dépasser car notre monde est fermé. Il y a une limite parce que la planète s’épuise et ses ressources ne se renouvellent pas à la même vitesse que notre voracité. Le mur écologique s’oppose à l’opiniâtreté de ce type de progrès. Une impasse et aujourd’hui nous y sommes. C’est alors que le milieu de la consommation béate dans lequel nous croyons pouvoir nous établir nous apparaît brusquement illusoire. Nous voilà confrontés à un choix déterminant pour l’avenir de la société, voire de l’humanité. Cette fois, il faut envisager la deuxième solution. Naître autrement.
Car il faut bien admettre que nous ne sommes pas seulement de chair, mais aussi d’esprit. Nous ne sommes pas uniquement des tubes digestifs. Un choix se présente. Alors vient l’idée d’un « paradis » associé à celle d’un Dieu aux contours vagues. Et cette figure « céleste », sur laquelle toute l’humanité fonde son espoir, dans toutes les langues du monde, reste l’unique réponse. Serait-ce une espérance vaine ? Hélas, depuis que l’homme a conscience d’une transcendance, il est confronté à la perception même de ce monde imaginaire. Il ne peut définir ce paradis et son Dieu. Malgré son intelligence, si brillante soit-elle, il ne peut Le décrire ni Le percevoir. Il est le Grand Inconnaissable qui ne peut entrer dans un concept à échelle humaine. Il est le « tout Autre ». Tenter de Lui donner un nom accolé à des superlatifs reste inopérant. Il est radicalement singulier, tout comme l’univers, auquel l’Homme pose d’éternelles questions. Comment faire ?
Ces interrogations nous renvoient à notre identité. Qui sommes-nous ? Quel rôle avons-nous dans ce système qui nous dépasse ? Pour prendre une image moderne, on peut dire que l’image de Dieu est semblable à l’unité centrale d’un vaste réseau informatique et le monde spatio-temporel englobe l’ensemble des unités périphériques. Comment réunir ces deux unités, sinon par une « interface », un « entre-deux ». Moyen indispensable en électronique pour établir des relations entre l’unité centrale et ses satellites. L’humanité devient l’interface indispensable. Nous sommes les « entre-deux » nécessaires. Pourtant cette place privilégiée semble inacceptable aux esprits rationnels. Voire inutile puisque, pour eux, il n’y a pas d’unité centrale.
L’expérience de Dieu c’est l’humanité achevée. L’expérience de l’homme est dans l’accomplissement de sa divinité. Cet achèvement et cet accomplissement ne sont possibles qu’en naissant d’eau et d’Esprit, comme le propose Jésus Christ à Nicodème. Le Christ nous indique un chemin inhabituel, singulier. Un passage étroit qui peut nous extraire de notre tragédie temporelle pour nous rendre dans son « royaume », un espace d’Esprit. Notre espérance du dernier jour est dans l’aujourd’hui. Partir en chemin consiste à trouver cette singularité pour quitter la glaise dans laquelle nous sommes et rejoindre le Christ.
Angelus Silesius 4 , médecin, protestant devenu franciscain, poète et mystique du XVII e  siècle propose l’attitude suivante : « Ami, sois patient, celui qui veut se tenir devant le Seigneur doit d’abord marcher quarante ans parmi la tentation. » Une invitation qui mêle l’épreuve de la vie à l’intuition spirituelle qui l’anime. Avoir l’audace de quitter notre zone de confort. Telles sont les pensées qui participent au mûrissement de ce chemin de crêtes des Houches à Nice.
 
 
 
Au commencement
 
 
 
Cela fait trois jours que je rassemble mon matériel de randonneur. Cartes, notes, livres, réchaud, jumelles et GPS. Partir, quitter, s’en aller, s’arracher. Se lancer, sauter, faire le pas, commencer. Tout est commencement. Cette fois, c’est décidé, je pars « en chemin », en suivant le GR5 qui traverse les Alpes françaises. Ce GR est très long puisqu’il vient de Hollande. Où va se situer le premier seuil ? Le passage qui s’ouvre sur un « chemin » ? Après avoir étudié cartes et documentations, mon point de départ est fixé aux Houches, pas très loin de Chamonix. De là, j’espère atteindre Nice mais c’est à Paris que tout commence.
Le TGV m’emporte jusqu’à Saint-Gervais-les-Bains en quelques heures. Tel un long serpent qui trace son chemin, le train traverse les faubourgs sud de Paris entre immeubles, maisons, places et quartiers pour atteindre des paysages ouverts. Une accélération douce mais puissante entraîne les voyageurs vers leur destination. Champs et prés défilent trop vite, on n’a guère le temps de s’en émerveiller ni de rêver. Rivières, vallons, collines, ponts et tunnels sont franchis à près de cent mètres à la seconde. Pas moyen d’imaginer où je suis tant que cette machine m’entraîne à ses vitesses folles. En quelques heures, d’un pays uniformément plat, je passe dans un monde de roches accidentées, un paysage fait de pointes et de pics, de lames et de dents. En sortant de la gare, les sensations sont étranges. Où suis-je ?
Me voilà au premier mètre d’un parcours de cinq cents kilomètres. J’en ai le vertige et commence à douter. Monter, descendre, monter, descendre, monter… Dormir dans des conditions précaires, vivre de mes propres ressources. Le plus grand souci : la météo. Quoi de plus déprimant, en montagne, que la brume. Quoi de plus démoralisant que longer des parois vertigineuses, ternes et grises, ruisselantes d’eaux de pluie en mille petits rus. Tout y est sans couleur. C’est à peine si l’on remarque, au bord des chemins, les cairns qui surgissent, sombres dans le brouillard d’altitude, silhouettes solitaires, difformes, voire monstrueuses parfois.
 

Le cairn est un tumulus celtique, de terre ou de pierres.
Point

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