Être juif
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Description

Juif non pratiquant, Manès Sperber apprit à lire la Bible à l'âge de trois ans et ne cessa de la relire jusqu'à la fin de sa vie. Ni religieux, ni militant sioniste, ni apôtre d'un quelconque judaïsme culturel, il professait pour seule foi la « religion de la bonne mémoire ». C'est son judaïsme vécu comme humanisme et comme éthique, son refus de toute idolâtrie, de toute exclusion de l'autre, son combat de toujours contre la haine, d'où qu'elle vienne, son attachement profond à la nation israélienne et son attitude prudente envers l'État d'Israël que Sperber illustre ici, dans ces essais brillants, préfacés par Elie Wiesel, où l'analyse de la pensée et de l'identité juives côtoie une question omniprésente : pourquoi l'antisémitisme ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 1994
Nombre de lectures 3
EAN13 9782738137203
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MÊME AUTEUR Chez le même éditeur
ET LE BUISSON DEVINT CENDRE
LES VISAGES DE L’HISTOIRE
« Mon être-Juif » a paru en allemand dans le recueil Mein Judentum , Kreuz Verlag, 1978. « La Bible tissée dans la vie quotidienne » est la retranscription d’une interview réalisée pour la station de radio Süddeutscher Rundfunk. Cette interview a été publiée en allemand dans le recueil Sie werden lachen-Die Bibel , Kreuz Verlag, 1975. « Hourban ou l’inconcevable certitude » a été écrit directement en français et publié dans la revue Preuves en 1964. « Jusqu’à la fin des temps  ? » a été publié en allemand dans le recueil Churban , Europaverlag, Vienne, 1979. « Petit mémorial » a été écrit directement en français et publié dans la revue Évidences en juin 1952. « De la haine » a été écrit directement en français et publié dans la revue Preuves en 1956. « Une règle fondamentale de la diaspora » a été écrit directement en français et publié dans la revue L’Arche en juillet 1965. « Le voyage tardif » a été écrit directement en français et publié dans la revue L’Arche en février 1958. « Journal de voyage à Jérusalem » a été écrit directement en français et publié dans la revue Preuves en avril 1958. « Destin d’une littérature » a été publié en français, dans Les Nouveaux Cahiers en 1967. « Tué, je vivrai » a été écrit directement en français et publié dans l’hebdomadaire L’Express le 30 mars 1956. Les textes consacrés à Jacob Glatstein, Halpern Leivick, Isaac Babel, Cholem Aleichem et Mendel Mann ont été écrits directement en français et publiés dans diverses revues juives dans les années 1960-1970.
La présente édition a été établie sous la direction d’Olivier Mannoni
Copyright original : © ZENIJA SPERBER , 1994. Pour la préface : © ELIE WIESEL , 1987, 1994.
Pour la traduction française :
© ODILE JACOB , JANVIER 1994 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
ISBN 978-2-7381-3720-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Préface

Cette préface, j’aurais aimé l’écrire sous forme de lettre. Lettre à Manès Sperber. Pour lui dire qu’il me manque. Que j’ai besoin de sa présence, de sa sagesse, de sa fermeté de caractère à laquelle se mêlait un soupçon d’émouvante tendresse. J’ai besoin de son œil sévère autant que de son sens de l’humour. Ses conseils, ses remontrances, ses leçons de « Mussar » : eh oui, j’en ai besoin comme j’ai besoin de son amitié, bref : j’ai besoin de le penser, de l’imaginer vivant. Mais, je le connais : il se moquerait de moi ; il ferait un petit geste de sa main comme pour me mettre en garde : « Toi et tes Narishkeiten d’éternel hassid... Combien de fois dois-je te répéter qu’il n’y a point de vie après la mort ? » Pourtant, il se trompe. C’est qu’il arrive que même lui se trompe : la mort n’arrête pas la vie d’un homme, sûrement pas d’un homme, d’un écrivain comme lui. Manès, mon ami Manès vit, car son œuvre signifie refus de la mort. Non, Manès ne mourra pas comme ne mourra pas l’admiration que lui portent ses lecteurs qui ont besoin de sa voix, de ses paroles pour ne pas mourir.
 
... Notre première rencontre fut liée au sort des Juifs soviétiques. Coïncidence ? L’histoire juive nie les coïnci dences. Disons plutôt : symbolique. C’est la souffrance juive – ou : la souffrance des Juifs au loin – qui nous a réunis.
Bruxelles ? 1964 ? Manès prononce un discours dans le cadre d’une conférence sur le sort du judaïsme soviétique. Salle comble, attentive. Manès sait intéresser, stimuler. Lucide, érudit, il présente les faits et vous laisse le soin d’en tirer la conclusion qui se veut appel à l’action. Par son exigence éthique et sa dimension judaïque, son discours ne peut que m’impressionner. Il m’incite à vouloir connaître l’homme.
Je connaissais son œuvre. Sa trilogie restera comme l’un des témoignages incontournables des turbulences idéologiques et politiques de notre siècle. Tout y est : la nostalgie de la justice, la passion pour l’humanité, le profond amour du peuple juif. Rien n’est traité superficiellement. Pas de parole gaspillée, pas de scène transparente. Attiré par la profondeur des êtres au destin ténébreux, il choisit un style pur, dépouillé. Ses personnages, d’une intensité douloureuse, frappent par leur exemplarité. Tous semblent véridiques : les communistes aussi bien que les Juifs pieux. Il ne parle que de ce qu’il connaît, que de ce qu’il a vécu.
Ainsi, lors de notre première rencontre – arrangée, si je ne m’abuse, par un ami commun, le poète et journaliste Michel Salomon – nous parlons beaucoup de son shtetl, Zablotow, qui curieusement me rappelle le mien, Sighet.
J’aime l’entendre raconter les histoires et les légendes pittoresques et mystérieuses de Zablotow. On dirait qu’il s’y trouve encore, tant il se promène à l’aise parmi ses chaumières sans lumière et à travers les « Maisons d’étude » où matin et soir, et surtout le Shabbat et durant les fêtes, les fidèles chantent en priant ou prient en chantant. D’autres écrivains juifs ont tenté de décrire les mille couleurs du shtetl, mais aucun n’en a parlé avec autant d’autorité. Ni avec autant de tendresse.
Certes, Manès n’est pas religieux. Il le dit et le proclame afin que nul malentendu ne subsiste : le futur intellectuel et idéaliste, chantre de l’humain, rejette toutes les religions, la mienne, la nôtre incluse. Combien de fois m’a-t-il reproché ce qu’il appelait mon « judéocentrisme » ? À son avis, j’ai eu tort de tant insister sur le rôle que la religion juive joue dans la renaissance juive en Union soviétique. D’après lui, il s’agirait simplement d’un phénomène socioculturel : tout homme mérite la liberté, et l’homme juif soviétique la mérite aussi. Il mérite d’être libre de toute contrainte, qu’elle soit politique ou religieuse ; il peut et doit se défaire des deux.
Dans le premier tome de son autobiographie, Manès raconte sa première rupture. Il est encore enfant ; il fréquente le héder et la synagogue ; il écoute le Kaddish des orphelins, il en est à la fois bouleversé et troublé. Jusqu’à quand, se demande-t-il, Dieu permettra-t-il à la Mort d’emporter des hommes afin d’entendre le chant de leurs enfants louant Sa gloire, Sa miséricorde ? Bien sûr, lorsque des questions restent sans réponse, il y a la foi. Mais Manès, rationaliste de bout en bout, se méfie d’une foi qui aveugle au lieu d’éclairer. S’il adhère à la Révolution, c’est parce qu’au début elle se substitue à la foi. Dix ans après, il quittera le parti communiste parce qu’il considère le communisme comme une foi nouvelle. C’est l’ère des procès spectaculaires. À Moscou, les anciens compagnons de Lénine s’accusent publiquement de tous les péchés de la terre. Les intellectuels européens, en général, désapprouvent ces procès, mais ils les acceptent. Pas Manès. Manès, lui, refuse toutes les prisons, celles qui sont faites pour les hommes et celles qui sont inventées pour leurs pensées. Manès se veut homme libre. Toute son œuvre en témoigne.
Et pourtant, malgré ses protestations et démentis, il reste ancré dans la culture religieuse de notre peuple. Il adore la littérature yiddish et son adoration est contagieuse. Il ne parvient point à s’arracher à l’envoûtement sinon à l’influence des contes hassidiques. À New York, dans les années soixante, je l’emmène à une fête chez le rabbi de Lubavitch. Il est heureux, Manès. On nous pousse des coudes, on nous bouscule dans la foule, mais Manès ne se plaint guère. Il est heureux, vous dis-je. Heureux de se retrouver au milieu des Hassidim . Heureux de se revoir enfant à Zablotow. Je le présente au rabbi qui l’interroge sur ses origines, sur son travail. Manès répond en yiddish. Il rayonne, Manès. Il est dans son élément. Mais l’attachement exagéré des disciples à leur Maître ? Mais la foi en Dieu ? Mais le « judéocentrisme » ? Manès les critiquera plus tard. Pour le moment, il est du côté de cette foule vibrante de ferveur et d’espérance. Après tout, qu’est-ce que Lubavitch sinon un triomphe éclatant sur la dictature communiste ?
Juif, Manès l’est de manière authentique. Même quand il se révolte contre la tradition juive, c’est le Juif en lui qui se révolte. Et qui se cherche. Et qui partage.
Je le revois lors de notre dernière rencontre. Nous parlions des mêmes problèmes qui nous avaient préoccupés déjà à Bruxelles une vingtaine d’années plus tôt. Nous nous embrassâmes. Il pleurait. À mon tour, j’eus envie de pleurer. Je le quittai le cœur lourd.
Voilà pourquoi je vais rouvrir ses livres. Pour l’entendre rire.
Élie Wiesel.
Naître juif
Mon être-Juif

1
J’écris ces lignes dans une ville dont, petit enfant, en balbutiant ma prière, je répétais chaque jour le nom avant même de connaître celui de ma famille ou de mon village natal. Jeruchalajim – ces cinq syllabes qui garderaient encore pour moi, de longues années, leur étrange résonance, avaient la valeur de ces promesses solennelles qui nous retiennent parfois bien plus fortement à la vie que leur accomplissement. Je savais donc, comme tous mes pareils, que Jérusalem était la ville où nous retournerions un jour : « L’année prochaine ! », comme on le disait dans un vœu souvent répété qui exprimait aussi l’espoir messianique.
J’appris à traduire les prophètes, surtout Isaïe, dont le message me concerne encore aujourd’hui, moi l’incroyant, et Jérémie, dont la souffrance que lui causa son propre peuple me fit déc

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