Ils ne m ont pas volé ma jeunesse
146 pages
Français

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Ils ne m'ont pas volé ma jeunesse , livre ebook

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Description

Chaque appelé en Algérie a son histoire. Dans la 102ème Compagnie du 32ème Escadron du Train, à Alger, il n’y a pas de contact physique avec un ennemi invisible mais des patrouilles de nuit très particulières et une administration militaire qui tient à protéger ses recrues. Avec un peu de chance, le cauchemar de l’Algérie s’est presque transformé en rêve : Yves envisage de poursuivre ses études supérieures à l’Université d’Alger et rencontre l’amour d’une jeune fille pieds-noirs. Non, ce n’est pas une fiction! Tous les faits rapportés sont réels. Ce témoignage laisse tout simplement entrevoir la diversité des conditions des appelés en Algérie soumis au hasard des affectations.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748382198
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ils ne m'ont pas volé ma jeunesse
Joël Kerijaouen
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Prologue
 
 
 
« Sans ces évènements , vous ne l’auriez pas connu, notre beau pays… »
 
Un peu surpris, Yves entrevoit un instant la rue d’Isly débarrassée de ses half-tracks , le Palais d’été dont il a seulement admiré les jardins, l’Université dont il rêve…
Un parfum de vacances le transporte sur le sable brûlant de la Madrague…
 
C’est vrai, ce doit être beau, l’Algérie…
 
 
 
 
 
 
Yves a accepté la gentille invitation d’un camarade dont il a fait la connaissance à la caserne du 32è Escadron du train. Il a de la chance, ce pied-noir, de pouvoir accomplir son service militaire à deux pas de son domicile. Entre jeunes tombés dans la même galère, cette guerre d’Algérie qui s’éternise, la solidarité s’installe vite. Mais on dit qu’il est exceptionnel pour un appelé de la métropole, de pénétrer ainsi dans une famille pied-noir.
Certes, mais Bab-el-Oued ce n’est pas Alger, c’est un morceau du territoire de Pagnol transporté de l’autre côté de la Méditerranée. La convivialité est la même. Dans les petits bistrots de la rue Mizon, l’apéritif s’accompagne toujours d’une kémia abondante et variée : olives et anchois, escargots, sardines grillées… Ambiance assurée !
« Oui, ce beau pays est le nôtre… » Yves acquiesce machinalement. Il goûte l’instant présent, le calme, la simplicité du lieu, apprécie la table bien mise.
« …Rien ne doit changer. Nous n’exploitons personne. Nous gagnons honnêtement notre vie… » La conversation se poursuit sur ce thème. Il ne sera jamais question de « guerre d’Algérie ».
Bab-el-Oued offre ainsi un éclatant démenti à ces images d’Epinal qui circulent en métropole. Ici, pas de gros colons ; Yves découvre des ouvriers, de petits artisans, de petits commerçants, des gens qui vivent comme ses parents, mais attachés de manière viscérale à « leur » pays.
Incontestablement, ce sont eux qui ont le plus à perdre d’une « Algérie algérienne ».
Algérie, tu es à la fois bien simple et compliquée.

Cette complexité, Yves l’a perçue peu à peu. Encore fallait-il y porter un quelconque intérêt. Pour l’appelé du contingent, seul un chiffre pouvait compter, celui de la durée du service : vingt-sept, trente mois ?
En septembre 1960, la perspective se situait à vingt-sept mois minimum. Le compte à rebours pouvait commencer dans la « phase A. D. L. » (Au-delà de la Durée Légale, fixée à dix-huit mois), mais se précisait davantage au père Cent , cent jours avant la « quille ». L’appelé barrait alors chaque jour consciencieusement sur son petit calendrier.
Curieusement, Yves ne se souvient pas être entré dans ce schéma. Il est vrai que sa condition d’enseignant lui a valu d’être libéré à vingt-quatre mois « sans permission de fin de service »… Dix jours avant la rentrée des classes.
Libération aussi soudaine qu’imprévue le 27 août 1962…
 
 
 
Chapitre I Septembre 1960 : Direction Le Mans, c’est l’Algérie
 
 
 
Quarante ans plus tard, Yves Kervadec doit se contenter de faire vivre ses souvenirs.
 
A la mi-août 1960, Yves a résilié son sursis d’incorporation, comme d’ailleurs ses camarades qui, en partant à la même date, sont assurés de revenir ensemble.
L’Algérie ? On ne veut pas y penser.
« Pourtant, en 1960, quelque chose avait changé » se dit Yves.
Fini le temps des cartes postales que son frère, sous-lieutenant en Kabylie, lui adressait bien gentiment : belles fatmas opulentes nues ou à demi nues dans des poses lascives… Algérie, pays de cocagne !
La réalité est déjà brutale. Yves a vu revenir son frère, vingt sept mois plus tard, voûté, amaigri, désorienté. Pas un mot sur ce qu’il a vécu. Il faut au plus vite tourner la page.
Que se passe-t-il donc vraiment, là-bas , de l’autre côté de la Méditerranée ?
Yves va peut-être bientôt le savoir.
 
« Incorporé direct », (dans le langage des appelés), « affecté Compagnie d’Instruction du Train n°160 au titre Compagnie de Commandement de Secteur de Constantine A. F. N. »
Constantine ? … Les Aurès 1  ?
Rien de réjouissant.
« Yves, tu vas à Beni-Messous », assure un ancien.
Beni-Messous ?
Yves se procure une carte de l’Algérie. Pas de ville ni de village de ce nom. Il lui faudrait une carte à plus grande échelle. Il découvre cependant, serpentant dans les collines à l’ouest d’Alger, l’oued Beni-Messous.
Rien de rassurant.
Mais l’angoisse est ailleurs : dans la simple perspective de quitter ses amis, la vie croquée à pleines dents dans la douce euphorie des sixties commençantes…
Beaucoup de vague à l’âme la veille du départ. De longs silences. Les regards se portent machinalement sur l’écran de télévision qui diffuse une séquence qui s’éternise sur le prix du beefsteak.
« Qu’est-ce qu’on en a à f… ! »
Soit, mais quarante ans plus tard, Yves se souvient encore de ce détail anodin, de cette force de l’image tentant d’accrocher ses pensées déjà perdues dans la perspective du grand voyage du lendemain.
Yves ferme les yeux… Des images qu’il croyait avoir oubliées ressurgissent, s’alignent dans le long tunnel d’un kaléidoscope :
- La gare du Mans, impersonnelle, escale obligée de la région Ouest pour l’AFN ;
- Le va et vient des camions ponctué par des coups de freins brutaux visant à impressionner les jeunes recrues ;
- « L’accueil » dans un hangar où s’entassent des bottes de paille, les dortoirs étant déjà saturés ;
- Enfin l’octroi de la tenue militaire.
 
Avec les guêtres, l’immense capote, la musette et la gourde tenues en bandoulière par une large bretelle de cuir, le futur soldat d’AFN n’avait rien à envier au poilu de 1914 !
« Et surtout, vérifiez vos gourdes ! »
Une fois sur deux le récipient se révèle défectueux. Les plus chanceux reçoivent alors une gourde type campeur, fixée à la ceinture : un changement de look décisif !
Pas de quoi tout de même s’enthousiasmer. Dans le train spécial qui conduit les recrues à Marseille, Yves se sent soudain moins seul. Chacun veut briser le silence un peu oppressant et s’interroge sur son affectation qui paraît souvent incompréhensible.
« Toi, l’instituteur, tu vas dans « le Train »… C’est n’importe quoi ! Tu vas te retrouver mécanicien ! »
Enfin des sourires… La glace est rompue. Yves ouvre sa musette. Le compartiment se transforme bientôt en aire de pique-nique. On découvre le « menu » : boîtes de pâté couleur kaki sans la moindre inscription, biscuits « de guerre » durs comme du béton. Non décidément, il faudra attendre des jours plus difficiles. Tous préfèrent les restes de la veille.
 
Marseille… Une seule adresse : le camp Sainte Marthe qui rassemble tous les jeunes soldats en partance pour l’Algérie. Zone de transit, véritable fourmilière où l’appelé n’est qu’un numéro… un mauvais numéro.
Au réfectoire, plus de cuillères ni de fourchettes. Les préposés à la vaisselle sont débordés. Un responsable , très sérieusement, déclare :
« De toutes façons, là où vous allez, vous mangerez avec les doigts ! »
 
Le navire prévu, « Le Chanzy », n’est pas encore disponible… L’autorité militaire permet une dernière escapade sur le continent.
En ce début de septembre, la Canebière a conservé son atmosphère de vacances : terrasses illuminées, flonflons de l’accordéon, touristes encore nombreux en bras de chemise. C’est tout naturellement qu’elle accueille les jeunes recrues avides d’une liberté qu’ils savent de plus en plus éphémère ! Là-bas, au-delà des lumières qui scintillent et se reflètent sur l’eau, l’Algérie garde son inquiétant mystère…
 
Il est des lendemains qui déchantent. « Le Chanzy » n’a rien d’un navire de croisière. Les recrues, parquées au niveau de la cale, en font vite l’amère expérience. Les premiers vomissements surviennent dès la première heure de la traversée. Les matelots du navire guettent alors le moment où ils auront suffisamment de candidats pour louer leurs cabines situées au niveau supérieur et faire ainsi monter les enchères.
« Triste trafic », soupire Yves.
Au terme d’un voyage qui a duré cinq jours (du 3 au 7 septembre), il est vain de chercher le moindre signe d’enthousiasme sur les visages des jeunes recrues.
Ils n’ont pas vu Alger La Blanche.
Ils s’engouffrent dans des camions stationnés sur le port.
 
 
 
Chapitre II Beni-Messous
 
 
 
« …On se fait vite de très bons copains… de tous les horizons. Et puis, tu vas près d’Alger, ce n’est pas le bled … »
 
En franchissant les portes du Centre d’Instruction du Train n°160, Yves repense à ces paroles rassurantes de Bernard, l’ancien qui lui a si bien indiqué Beni-Messous…
 
Les paquetages à peine déposés dans les baraquements, les recrues de la 6 ème Compagnie sont invités à se rendre sur une sorte d’esplanade où sont disposés tables et bancs. On leur distribue papier et crayons. L’heure est solennelle. L’Armée doit avoir une image instantanée du niveau des jeunes recrues qui lui sont confiées.
Et l’exercice irremplaçable est bien sûr la dictée… diffusée par un haut-parleur qui déforme les sons et oblige à une inlassable répétition du texte.
Yves est gêné par son voisin – complètement avachi sur son épaule – qui ne paraît pas saisir le sens des phrases et grommelle sans arrêt.
Quel pensum !
La dictée terminée, la relecture est jugée superflue, les copies promptement ramassées, classées et distribuées aux enseignants déjà repérés.
Yves se voit gratifié d’un paquet de trente copies dans lequel il trouve… la sienne.
Pas de corrigé. On fait confiance aux enseignants. Yves s’adjuge donc brillamment la note 20 !
Mais la

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