L’Église peut-elle disparaître ?
105 pages
Français

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Description

Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » À cette question de Jésus, il serait tentant, devant les difficultés auxquelles l’Église est confrontée – particulièrement en Occident – de répondre par la négative. Dans cet ouvrage original où la rigueur de l’historien s’allie à la foi du croyant, Didier Rance montre que l’Église, depuis ses débuts narrés dans les Évangiles et les Actes des Apôtres, n’a jamais été épargnée par les épreuves, dont certaines l’ont menée au bord du gouffre. En se penchant sur dix épisodes de l’histoire de l’Église, dix époques de péril, de danger, de risque de disparition imminente, durant lesquelles seuls des fous auraient parié un sesterce, une livre tournoi, un sou, un franc, un mark ou un rouble sur son avenir, il nous invite à tourner notre regard vers le mystère pascal comme clé et plénitude de l’histoire de l’Église – dix « morts », suivies chaque fois de résurrection.

Ce beau livre foisonnant et profond, et rempli de figures admirables, aidera le lecteur à prendre de la hauteur sur les événements et à lutter contre la tentation du désespoir.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 novembre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782728932061
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Didier Rance
Introduction
Encore rares à la génération précédente ( Essor ou déclin de l’Église ? date de 1947, La Décomposition du catholicisme , de 1968), les titres d’ouvrages et d’articles de fond ou représentatifs affirmant la crise, le déclin, l’effondrement ou la mort de l’Église catholique, du christianisme ou de la religion sont devenus plus fréquents à partir de 1977 – au moins une vingtaine de titres en quarante ans. Nous sommes maintenant dans un véritable tsunami éditorial : autant de titres de livres ou d’articles ces cinq dernières années que pour les quarante précédentes. On trouvera dans la bibliographie une liste d’ouvrages et d’articles 1 . En sens contraire, L’Église n’a pas dit son dernier mot. Petit traité d’antidéfaitisme catholique (2014) paraît bien seul face à ce déferlement.
La cause semble entendue. À la question de Jésus, « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? », on est tenté de répondre, à lire cette indigestion de titres plus pessimistes les uns que les autres sur son avenir et celui de l’Église : « Qu’il se dépêche de le faire s’il veut encore la trouver. » Certes, Jésus a donné à l’Église la certitude que la puissance de la mort ne prévaudra pas contre elle, mais il n’a pas précisé en quel état elle serait : foule immense ou petit reste « pauvre et faible qui prend pour abri le nom du Seigneur » (So 3, 12), et son mot d’ordre d’évangélisation à toutes les nations n’est pas promesse de résultats pérennes.
Le christianisme pourrait bien faire partie aujourd’hui de ces espèces en voie de disparition, du moins en plusieurs pays d’Europe, comme cela est déjà arrivé dans des régions où il fut florissant, avec des centaines d’évêchés. La suggestion d’ouvrir en Turquie des « réserves de chrétiens » similaires à celles des Indiens en Amérique du Nord, faite par Karl Binswanger en 1988, pourrait être un jour étendue à d’autres pays.
À vrai dire, la question ne date pas d’aujourd’hui. Il serait erroné de croire qu’elle ne s’est jamais posée, du moins jamais avec autant d’acuité, et Vatican II nous rappelle que « l’Église a connu au cours des temps des conditions d’existence très variées » ( GS , 58). Saint Augustin se la posait déjà en voyant s’effondrer l’Empire romain christianisé. Sa réponse est : cela ne signifie pas la fin de la foi. Mais il écrit aussi : « Que personne ne se promette ce que l’Évangile ne promet pas […]. Nos saintes Écritures ne nous annoncent pour ce temps [de l’Église] qu’épreuves, tourments, malheurs, souffrances et tentations », et le concile Vatican II lui fait écho : « Tous doivent être prêts à confesser le Christ devant les hommes et à le suivre sur le chemin de la croix, à travers les persécutions qui ne manquent jamais à l’Église » ( LG , 42). Déjà au second siècle, dans le Pasteur d’Hermas, l’Église apparaît comme une vieille femme aux beaux habits mais misérable à cause de ses souffrances, dont celles dues aux fautes de ses enfants. Mais ensuite, elle rajeunit et finit en jeune mariée. Si nous remontons encore plus haut, aux premières décennies de l’Église que racontent les Actes des apôtres, ils ne nous disent pas autre chose – une chose qui se répétera siècle après siècle d’une façon ou d’une autre : l’Église s’y trouve en situation d’insécurité, menacée de disparition suite aux persécutions, ou sous la pression de pensées et de modèles étrangers à la foi, mais aussi au risque de succomber aux tentations dont Jésus a triomphé au début de son ministère public, à celles de l’avoir, du pouvoir et du savoir, ou encore à un endormissement trompeur ou triomphaliste. Mais elle a continué d’avancer.
De plus, l’Église de l’âge des apôtres est la seule à faire partie de la Parole de Dieu telle que nous recevons dans la Bible ; son exemplarité doit donc orienter un regard chrétien sur l’histoire de l’Église. Ces débuts sont à la fois miroir et promesse et, surtout, tournent notre regard vers le mystère pascal du Christ comme clé et plénitude de l’histoire de l’Église, comme il l’est de celle de l’humanité (cf. Ga 4, 4), et vers ce mystère pascal dans son entier : les Vendredis saints, qu’ils soient dus à des agents externes ou internes, ont pu être plus visibles et moins discrets que la Résurrection, mais les deux sont indissociables. Ce que Tolkien écrit dans une lettre de 1956 à propos de l’histoire en général vaut largement pour celle de l’Église :
Étant chrétien, et qui plus est catholique romain, je ne puis considérer l’histoire autrement que comme une longue défaite, quoiqu’elle puisse contenir certains exemples de la victoire finale.
Jésus avait d’ailleurs lui-même annoncé ce qui attendait ses disciples ; il suffit, pour s’en convaincre de prendre deux surligneurs de couleur différente, de surligner avec le premier les textes qui, d’une façon ou d’une autre, annoncent épreuves et persécutions, voire mise à mort ; puis, avec l’autre, les moments de tranquillité, de confort, de bien-être, ou de richesse. Après tout, l’Évangile peut être considéré comme un kit de survie et d’espérance pour une Église en détresse.
Le concile Vatican II nous dit que l’Église « sait également combien elle doit continuellement apprendre de l’expérience des siècles » ( LG , 6). C’est dans cet esprit que ce livre se penche au fil des siècles sur dix « morts » de l’Église suivies d’une « résurrection », dix époques de péril, de danger, de risque de disparaître durant lesquelles seuls des fous sans doute auraient parié un sesterce, une livre tournoi, un sou, un franc, un mark ou un rouble sur son avenir. Ces dix chapitres de la vie de l’Église (le terme signifiera, selon l’époque, l’Église indivise ou bien l’Église catholique) auraient pu être dix ou vingt fois plus nombreux : une récente Histoire du christianisme en quatorze volumes et qui compte plus de 14 600 pages montre, en nombre de celles-ci, combien les défis, les crises, les conflits, les échecs, les persécutions ou les décadences, mais aussi les réformes et les renouveaux font partie de sa vie. Chaque chapitre concerne soit toute l’Église soit une Église locale, et des crises ou tribulations soit d’origine externe (persécution, subversion, instrumentalisation) soit d’origine interne (affadissement, hérésies, schismes), ou encore des deux. On y trouvera un bref récit de la situation initiale, de ce que subit l’Église et de la façon dont elle y répond, à travers des événements et des figures significatives.
J’ai tiré profit des rares auteurs qui se sont aventurés sur le thème de ce livre : les quelques pages flamboyantes de Chesterton dans L’Homme éternel en 1925 2 , trois chapitres de Crises dans l’Église publiés par Jean Guitton en 1992, les deux auteurs anglo-saxons cités dans la bibliographie p. 236. J’ai utilisé aussi, bien sûr, les Histoires de l’Église , les Histoires du christianisme et les études sur chacune des époques évoquées. L’historien sait que plus il entre dans le concret des faits, plus leurs dimensions s’épaississent, et que plus il peut « entrevoir la structure en quelque sorte polyphonique de l’histoire réelle » (Marrou), plus il doit forcément faire des choix ; c’est pourquoi, d’autres éléments d’interprétation que ceux ici proposés sont possibles, souvent légitimes, pour chaque chapitre de cet ouvrage.
De plus, le niveau historique n’est que la première strate du réel et de son épaisseur. Non seulement l’historien ne devient tel qu’en mettant de l’intelligibilité dans ce qu’il écrit (le mythe d’une histoire purement événementielle s’est dissipé depuis longtemps), mais pour un chrétien cette intelligibilité vient d’abord de sa foi et dépasse le niveau historique : Credo ut intelligam (« Je crois pour comprendre »). Comme l’écrit Theodor Haecker :
La réalité de l’histoire est qu’en elle se prennent des décisions, d’abord pour le temps mais aussi, et souvent simultanément – telle est la conviction du chrétien – pour l’éternité.
Or l’éternité et le temps ne peuvent se rejoindre que dans le dogme.
Ce regard de foi ne néglige pas les autres dimensions explicatives, géopolitiques, économiques, psychologiques, biologiques ou autres, mais il hiérarchise : au fondement, l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, appelant en réponse la nôtre dans sa liberté, et le mystère pascal comme plénitude et clé de l’histoire.
Chapitre 1
Au commencement
Jérusalem, avril 30 ou 33
Quand l’Église naît-elle ? Quand Jésus parle à Pierre près de Césarée de Philippe ? Sur la croix ? À la Résurrection ? À l’Ascension et à la Pentecôte avec l’envoi des apôtres en mission ? La réponse de Vatican II ( LG , 2) en surprendra plus d’un : « Tous les justes depuis Adam, “depuis Abel le juste jusqu’au dernier élu”, se trouveront rassemblés auprès du Père dans l’Église universelle. » Celle-ci est bien sûr l’Église triomphante, mais c’est donc que, d’une certaine façon, l’Église est quasiment aussi vieille que l’humanité, même si elle ne sera complète qu’au dernier élu.
À partir du livre de l’Exode, l’Église apparaît aussi, en figure, en tant que peuple béni de Dieu : l’hébreu qahal le dit et dans la Septante (en parallèle avec sunagogé ), le grec ekklesia , d’où nous avons tiré église . L’histoire sainte est déjà celle d’une première Église, figure et promesse, convocation et alliance qui constituent le peuple en fils du Très Haut et comme épouse du Seigneur, particulièrement chez les prophètes. Et, en tant qu’assemblée des justes qui comprend toutes les souffrances de ceux-ci, « le sang versé sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie », comme le dit Jésus (Lc 11, 51 3 ), cette figure annonce aussi les tribulations de l’Église dans l’histoire, mélange de fidélités et d’infidélités, de paix et de drames, de don de soi et d’égoïsme, de sainteté et de justice, de pardon et de crimes de ses membres.
Semaine Sainte
Quand vient la « plénitude des temps » dont parle la lettre aux Galates, l’espérance et la figure de l’Église sont réalisées. Jésus Christ récapitule to

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