Le Cinéma de John Huston
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Le Cinéma de John Huston , livre ebook

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Description

Le Faucon maltais, African Queen, Moby Dick, The Misfits, Fat City, L’Homme qui voulut être roi... Les films de John Huston sont dans toutes les mémoires. Mais qui saurait réellement définir le cinéma de Huston sans tomber dans les idées reçues, sans se laisser emprisonner par ce qui a été dit et écrit sur le réalisateur ? Qui saurait dresser le portrait de l’homme derrière la caméra sans se laisser submerger par les fausses rumeurs, par les assertions hâtives qui ont été acceptées comme vérités indéniables ? Le temps semble venu de reconsidérer la filmographie déroutante de John Huston, à la confluence du cinéma épique américain et d’un intimisme plus européen. Une œuvre singulière qui préfère les héros cabossés, blessés et à vif, solitaires, fatigués et laissés pour compte.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 juin 2012
Nombre de lectures 1
EAN13 9782748386493
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Cinéma de John Huston
Christophe Leclerc
Publibook

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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Cinéma de John Huston
 
 
«  Étudier un homme comme Jake Hannaford – c’est une expérience. Ne la rate pas. Accroche-toi à ton boulot.  »
 
Orson Welles, The Other Side of the Wind
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
«  Tu as construit le masque. Arrache-le maintenant, et qu’est-ce que tu trouves ? –  Un autre masque. Ou ton propre visage…  »
 
Orson Welles, The Other Side of the Wind
 
 
« Huston dès ses débuts fut victime d’un véritable snobisme académique », constatait Robert Benayoun, en 1988. La formule est peut-être exagérée. Mais il n’en reste pas moins vrai que le cinéaste fut longtemps dénigré par une partie de la critique française, Cahiers du cinéma en tête. Les sceptiques, déroutés par l’éclectisme de sa filmographie, consentaient, tout au plus, à voir en Huston un habile film-maker , un petit maître inconstant et dilettante – le contraire d’un auteur. On n’aime guère, en général, ce qui résiste à la compréhension… Ce fut assurément le cas de Huston, cinéaste singulier, tout à la fois très Américain dans le choix de ses sujets et très Européen dans la manière de les traiter.
Aujourd’hui, les passions sont apaisées et les idéologies moins ardentes. Le temps nous paraît venu de réexaminer la trajectoire et la filmographie de John Huston, qui se voulait avant tout un homme libre. Indépendant forcené, bourlingueur égocentrique, il traça sa voie ondoyante et flamboyante, loin d’Hollywood, dédaigneux des villas californiennes, et des starlettes, des piscines et des limousines. Aucun studio ne put s’attacher ses services au-delà de cinq films, même la Warner.
Sans conteste, John Huston a connu des revers artistiques ( Les Racines du ciel , Phobia ). Mais ils pèsent finalement peu au regard des projets ambitieux que le cinéaste a mené à bien, portant à l’écran des classiques de la littérature réputés inadaptables ( Moby Dick , Reflets dans un œil d’or , Au-dessous du volcan ) et arrachant au chaos d’improbables productions ( La Charge victorieuse , The Misfits ).
Huston apparaît, à qui veut l’aborder dans sa complexité, comme un être de feu et de passion auquel la mesure et la raison étaient étrangères. C’est le cinéaste lui-même que l’on croit entrevoir dans l’humour sarcastique du juge Roy Bean, le caractère bravache du capitaine Achab ou la quête de vérité qui anime Freud. Et cependant, il nous échappe. Car Huston semblait réunir en lui une somme de paradoxes irréconciliables.
Devenu acteur dans les années soixante, il cultivera l’image d’un macho peu amène, « un chasseur de lions et d’éléphants, un pêcheur d’espadons qui vit dans un ranch en Californie, environné de ses trophées 1 . » C’est le rôle qu’il tiendra notamment dans un film inédit d’Orson Welles, The Other Side of the Wind . S’arrêter là serait toutefois méconnaître l’autre visage de Huston : à la ville, il pouvait être un élégant hobereau irlandais, un esthète cultivé et débonnaire, ou encore, un patriarche bienveillant et drôle. Huston était tout cela, et plus encore.
À l’image de son créateur, l’œuvre est loin d’être monolithique. Elle mêle tous les genres sans qu’il soit possible de dégager une véritable signature esthétique. Qu’y a-t-il de commun, en effet, entre le classicisme des films noirs ( Le Faucon maltais , Quand la ville dort ) et l’exubérance chatoyante des films en costumes ( Moulin rouge , Le Barbare et la Geisha ) ? Entre le format Scope des récits d’aventures ( Dieu seul le sait , Les Racines du ciel ) et la caméra introspective des films intimistes, Freud et La Nuit de l’iguane  ? S’il ne s’est pas imposé comme un créateur de formes à l’égal d’Hitchcock ou de Fritz Lang, Huston n’a cependant jamais renoncé à expérimenter. L’image blonde et sépia de Reflets dans un œil d’or et les eaux-fortes de Moby Dick en témoignent et ne laissent pas d’étonner.
Cette oeuvre ébouriffante soulève une autre interrogation : « On peut commodément [la] diviser entre “petits films” et “grand films” », convient Christian Viviani, universitaire et critique à Positif . « Mais en ayant fait cela, on n’est pas pour autant à l’abri des surprises. Ceux qui s’annonçaient comme de “grands films” ( Roots of Heaven ) s’avèrent n’être même pas de “petits films”, tandis que certains “petits films” ( The Kremlin Letter ) se révèlent grands au bout de la course (…). Les œuvres mineures elles-mêmes, paresseuses et facétieuses, donnent l’impression à chaque instant d’être plus chargées qu’elles ne paraissent : la bizarrerie de The List of Adrian Messenger , la nonchalance de Sinful Davey , l’absurdité de The Mackintosh Man ou le professionnalisme de Annie représentent, aussi sûrement que Reflections in a Golden Eye , Fat City , Wise Blood ou Prizzi’s Honor , les multiples visages de John Huston 1 . »
Huston ne s’est pas satisfait du manichéisme entre héros et âmes damnées, en vigueur à Hollywood jusqu’aux années soixante. Cultivant sa différence, il privilégia les figures de cyniques obsédés par une chimère.
C’est le cinéaste de l’échec, ont écrit un peu hâtivement, nombre de critiques sentencieux, dans les années cinquante. Ils s’en mordent encore les doigts. Car le personnage hustonien, aspirant à se jeter à corps perdu dans l’aventure, à aller au bout de lui-même, peut aussi bien s’accomplir dans la défaite que dans la réussite.
En fait, Huston a exploré, avec constance, toutes les figures de l’aventure : rébellion, quête du pouvoir, de talions d’or… ou de soi-même. Happé par la tentation des espaces lointains, l’aventurier est bohème, mercenaire ou intriguant. « C’est celui qui commence par quitter sa maison », nous dit Huston. « [Il] abandonne ensuite toutes les formes et toutes les règles pour rechercher quelque chose pour la valeur qu’elle porte en elle 1 . » Plus qu’à ses semblables, c’est à Dieu que l’homme hustonien veut s’affronter, mais il est désespérément introuvable.
Et quand le temps de l’aventure au long cours est révolu, il reste l’aventure intérieure, une autre expérience loin de la fureur des villes, des monts du Kafiristan et des déserts du Nevada. Au tournant de la soixantaine, à l’heure où ses pairs (Nicholas Ray, George Stevens, Delmer Daves, Mervyn LeRoy), trop las ou tout bonnement écartés par les nouveaux nababs, ont renoncé au cinéma, Huston livre une série de films intimistes et touchants. C’est la décennie inspirée des Misfits , Freud, Reflets dans un œil d’or , La Nuit de l’iguane , Promenade avec l’amour et la mort … Huston semble alors sous l’influence du cinéma européen et de ses « nouvelles vagues ».
Dans les années soixante-dix, il aborde une nouvelle période de mutation. Juge et hors-la-loi , Fat City ou Le Malin sont bien dans la veine des manifestes du nouvel Hollywood ( Easy Rider , Cinq Pièces faciles , John McCabe ou Le Parrain ). Difficile d’imaginer que leur réalisateur affiche près de quarante ans de carrière… « L’aventure conserve 2  », conclut Robert Benayoun, à la vision de L’Honneur des Prizzi , en 1986. Peu importe de savoir qui, du vieux cinéaste, ou des tenants du nouvel Hollywood, influence l’autre : Coppola, Scorsese ou Altman, font allégeance au vieux baroudeur. Et l’on mesure le chemin parcouru par Huston en un demi-siècle, notamment dans le registre de la comédie ; l’humour caustique de L’Honneur des Prizzi est à cent lieues de Plus fort que le diable ou African Queen . C’est pourtant bien le même homme qui se trouve, chaque fois, derrière la caméra ; un créateur que la modernité ne rebute pas.
« À mesure que l’on prend de la distance et que l’œuvre de Huston se décante », écrit Christian Viviani, « on s’aperçoit à quel point on n’a pas vraiment su regarder cette œuvre 1 . » Près de vingt ans après Gens de Dublin – le dernier film de Huston –, ce livre se veut donc une nouvelle invitation au voyage dans une œuvre riche, peuplée de gangsters, de désaxés, d’hommes qui voulaient être rois… et même d’une baleine blanche.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie. Quarante films pour dire la condition humaine
 
 
 
1. S’accomplir dans la défaite
 
 
 
«  Les jeux sont amusants jusqu’à ce que quelqu’un perde.  »
 
Orson Welles, The Other Side of the Wind
 
 
Les ombres du film noir
Quand il se voit confier la réalisation du Faucon maltais , John Huston est déjà un scénariste réputé à Hollywood. Sous contrat avec la Warner depuis 1938, il a fait ses classes en travaillant aux scénarios des films d’Anatole Litvak ( Le Mystérieux docteur Clitterhouse ) et des deux William, Wyler ( L’Insoumise ) et Dieterle ( Juarez ). Il piaffe de diriger un premier film.
En 1940, ses scénarios pour High Sierra et Sergent York font impression. Les responsables de la Warner se disent qu’ils ne risquent pas grand-chose à exaucer les vœux de Huston en lui confiant la mise en scène du Faucon maltais . Mais ils sont loin d’imaginer que cette modeste série B va rapidement devenir un film culte.
Huston travaille déjà à imposer l’image d’un anticonformiste exubérant, une étiquette dont il ne se départira plus. Henry Blanke, qui sera le producteur exécutif de ses premiers films, décrit cet échalas de près deux mètres, comme « un type aviné ; désespérément immature. Vous pouviez le voir à toutes les soirées, les cheveux en désordre, avec un singe sur l’épaule. Charmant. Très doué mais sans une once de discipline dans sa manière d’être 1 . »
Huston a toutes les raisons de parader. Ils sont loin ses débuts oiseux à la Gaumont-British, chez

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