Le Comportement d attachement
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Le Comportement d'attachement , livre ebook

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Description

« Bien que le concept d'attachement s'applique uniquement, dans la littérature scientifique, aux relations enfant-parents et plus spécifiquement à la dyade mère/enfant, on verra que son champ d'extension dépasse largement ce cadre aussi bien chez les humains que chez de nombreuses autres espèces animales. Mais il est clair que si tant de chercheurs et de cliniciens ont focalisé leur attention sur les liens qui unissent les jeunes enfants à leur mère, en particulier chez les mammifères, c'est parce que l'incomplétude des nouveau-nés est telle, en raison de leur immaturité à la naissance, que l'attachement apparaît comme un processus biologique absolument nécessaire à leur survie et à leur développement : tout se passe comme si la relation mère-enfant, commencée in utero, se poursuivait à présent de manière à établir d'étroits contacts entre la génitrice et la progéniture. » Conduit par la curiosité, les réflexions et l'érudition de R. Misslin, « Le Comportement d'attachement » nous entraîne, depuis l'éthologie jusqu'à la philosophie, dans une analyse des raisons qui expliquent ces liens que nous devons tisser, animaux et hommes, pour vivre, à la fois individuellement et collectivement. Suivant une trajectoire transdisciplinaire et un élan de plus en plus large, la pensée de l'essayiste aboutit à des interrogations fertiles sur des notions tels que les fondements de la société, les rites, l'amour de la terre ou, indirectement, la nostalgie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 février 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342159400
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Comportement d'attachement
René Misslin
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Comportement d'attachement
 
En hommage à Claude Béata dont le livre intitulé Au risque d’aimer : Des origines animales de l’attachement aux amours humaines m’a beaucoup inspiré.
 
À propos de l’auteur
René Misslin est professeur émérite de l’Université de Strasbourg. Après avoir enseigné durant plusieurs années les lettres classiques, il s’est tourné vers les sciences du comportement (psychologie et éthologie). Sa recherche a porté sur l’étude du comportement de la Souris confrontée à des environnements non familiers et sur le rôle de certaines régions cérébrales dans l’expression de ces comportements. Il a soutenu sa thèse Contribution neuroéthologique à l’étude des conduites néotiques chez la souris en 1983.
 
Introduction
« Tout attachement est un signe d’insuffisance : si chacun de nous n’avait nul besoin des autres, il ne songerait guère à s’unir à eux. »
Jean-Jacques Rousseau
Voici comment Joseph Roth présenta le 17 avril 1932, dans le journal allemand, Frankfurter Zeitung , son nouveau roman, La Marche de Radetsky , lequel deviendra son œuvre la plus célèbre : « Une volonté cruelle de l’Histoire a réduit en morceaux ma vieille patrie, la monarchie austro-hongroise. Je l’ai aimée, cette patrie, qui me permettait d’être en même temps un patriote et un citoyen du monde, un Autrichien et un Allemand parmi tous les peuples autrichiens. J’ai aimé les vertus et les avantages de cette patrie, et j’aime encore aujourd’hui, alors qu’elle est défunte et perdue, ses erreurs et ses faiblesses. Elle en avait beaucoup. Elle les a expiées par sa mort. Elle est passée presque directement de la représentation d’opérette au théâtre épouvantable de la guerre mondiale. » 1 Né en 1894 dans une famille juive à Brody, petite ville de la Galicie, aujourd’hui de l’Ukraine, il exerça un certain temps le métier de journaliste à Berlin, avant de fuir l’Allemagne nazie en 1934 et de se réfugier à Paris où il mourut en 1939, misérable, malade et alcoolique. La vie de J. Roth a été marquée par des pertes affectives répétées : disparition précoce du père, décès de la mère suite à un cancer, internement psychiatrique de son épouse diagnostiquée schizophrène, ce qui précipita Roth dans une profonde dépression marquée par un sentiment aigu de culpabilité, et enfin il y eut l’exil. Si j’ai tenu à citer le texte qu’il rédigea en guise de présentation de son livre, c’est parce qu’ on a pris l’habitude, depuis les observations de René Spitz sur le retard du développement des nourrissons abandonnés, celles de Harry Harlow sur les effets désastreux causés par la séparation précoce d’avec leur mère chez les macaques rhésus, enfin celles du psychiatre John Bowlby sur le rôle fondamental de l’attachement mère-enfant, de focaliser les études du comportement d’attachement quasi uniquement sur les relations des petits et de leur mère chez de nombreuses espèces animales, y compris bien entendu l’espèce humaine : or, même si ces liens précoces ont une fonction de premier ordre, j’aurai l’occasion de montrer dans le présent essai que les êtres vivants ont une tendance très marquée à s’attacher de mille façons diverses à leur environnement, telle la philopatrie , ou tendance à rester ou à revenir au lieu de leur naissance. La nostalgie de J. Roth pour l’empire austro-hongrois, son pays natal, qui imprègne de manière récurrente toute son œuvre, illustre à merveille les intenses liens affectifs qui peuvent nous lier à la maison, au village, à la ville ou au pays où nous sommes nés, et cela d’autant plus si nous l’avons perdu ou s’il a disparu.
Le pédiatre et psychiatre anglais, Donald Winnicott, a élaboré dans les années 1950 le concept de phénomènes transitionnels en partant de l’habitude qu’ont les petits enfants de s’attacher à leur doudou : aux yeux de Winnicott, les « objets » transitionnels représentent des substituts qui permettent aux petits de se sécuriser en l’absence de la figure maternelle d’attachement. Et il a fini par élargir cette notion aux adultes qui ne manquent pas de satisfaire leurs besoins sécuritaires avec mille et un objets transitionnels, je pense en particulier au rôle de l’argent ! Comme l’a écrit de façon imagée le poète John Donne : «  No man is an island entire of itself ; every man is a piece of the continent, a part of the main  » (« Aucun homme n’est une île, un tout, complet en soi ; tout homme est un fragment du continent, une partie de l’ensemble »). On peut aussi rappeler à ce propos la réflexion très suggestive du philosophe Ludwig Wittgenstein : «  Nous sommes en tout cas, en un certain sens, dépendants, et ce dont nous dépendons, nous pouvons l’appeler Dieu. Dieu serait, en ce sens, simplement le Destin, ou, ce qui est la même chose, le monde – indépendant de notre vouloir. » 2 Le comportement d’attachement apparaît de ce point de vue comme l’une des expressions marquantes de la dépendance des êtres vivants vis-à-vis de leur environnement : on ne choisit pas de s’attacher.
Comme l’écrit de manière lumineuse Claude Béata, vétérinaire comportementaliste, dans son livre Au risque d’aimer , qui me servira de guide tout au long de mon essai, « l’attachement n’est pas un choix. C’est un moteur, une force vitale qui oriente toute la vie des individus. » 3 Le philosophe Hans Jonas a su remarquablement rendre compte de l’incomplétude de tout être vivant, dès le niveau cellulaire, et de sa dépendance vis-à-vis de son environnement : « Émancipée de l’identité avec la matière, la cellule en a pourtant besoin ; libre, et pourtant en contact indispensable ; cherchant le contact, et pourtant en danger d’être détruite par lui et non moins menacée par son manque… La crainte de la mort dont se charge le risque de cette existence est un commentaire sans fin à l’audace de l’aventure originelle dans laquelle s’est embarquée la substance en devenant organique… L’énorme prix d’angoisse que la vie eut à payer dès le départ, et qui de manière persistante s’accrut avec son ascension vers des formes plus ambitieuses, éveille la question de la signification de cette aventure. » 4 Jean-Jacques Rousseau avait lui aussi une conscience aiguë de notre manque à être quand il écrit dans Émile ou De l’éducation (Livre IV) que « tout attachement est un signe d’insuffisance ». Il n’a pas connu sa mère, décédée de fièvre puerpérale quelques jours après sa naissance, et en fut marqué douloureusement toute sa vie. Dans Les Confessions (Livre XII), il a cette expression pathétique qui en dit long sur le sentiment tragique qu’il avait de son existence : « Ô nature ! Ô ma mère ! Me voici sous ta seule garde ; il n’y a point ici d’homme adroit et fourbe qui s’interpose entre toi et moi. » Matthieu, dans l’Évangile qui porte son nom, prête à Jésus cloué sur la croix ces paroles : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » J’ai l’habitude de lire les récits mythiques au second degré en essayant d’y découvrir ce qu’ils disent de nous par le truchement de leur symbolisme. Or, nous savons grâce aux évangiles que Jésus est mort à l’âge de trente-trois ans. J’ai tendance à penser que cet âge symbolise le passage de la jeunesse à l’âge adulte. En mourant, Jésus meurt à sa jeunesse et doit renoncer à la forme d’attachement juvénile qui, jusque-là, le liait à Dieu son père : c’est là le prix à payer pour devenir adulte. La suite du récit des évangiles nous rapporte qu’en effet Jésus a rejoint après sa mort la demeure céleste et s’est assis à côté de son père : il s’identifie alors à Dieu et peut devenir à son tour une figure d’attachement pour ceux qui croient en lui. C’est précisément le rôle que les parents jouent à l’égard de leurs enfants.
Bibliographie :
Béata, Claude, Au risque d’aimer : des origines animales de l’attachement aux amours humaines , Odile Jacob, 2013, p. 21.
Bronsen, David, Joseph Roth. Eine Biographie , Cologne, Kiepenheuer & Wisch, 1974, p. 400.
Jonas, Hans, Le Phénomène vivant , De Boeck Université, 2001, p. 17.
Wittgenstein, Ludwig, Carnets 1914-1916 , trad. Gilles-Gaston Granger, éd. Gallimard, coll. « Tel », 1997, p. 141.
Chapitre 1. L’attachement parental
« Un enfant sans attachement n’a aucune chance de se développer, il flotte, il erre, il n’a pas de valeurs dans sa vie, ça ou autre chose, debout ou assis, mort ou vivant, ça n’a pas d’importance. »
Boris Cyrulnik
Alors même que les sculpteurs et les peintres n’ont cessé de représenter, des siècles durant, Marie tenant l’enfant Jésus dans ses bras, tant l’image de la mère veillant sur son enfant exerce un irrésistible attrait, ce n’est qu’au xx e  siècle que le comportement d’attachement, et plus spécialement celui qui lie les jeunes enfants à leur mère, est devenu un thème d’étude scientifique. C’est le psychiatre/psychanalyste britannique John Bowlby qui, le premier, a élaboré une théorie de l’attachement : le tome 1 de sa trilogie, Attachment and Loss , paru en 1969 à New York, est devenu une référence incontournable. Depuis lors, l’attachement est un sujet de prédilection des psychologues, pédiatres, psychiatres, psychanalystes, éthologues et vétérinaires. Dans un article paru en 2007, consacré à l’importance de ce comportement en pédiatrie, Susana Tereno et ses collaborateurs ne mentionnent pas moins de 171 références ! 5 Je voudrais cependant rappeler ici les découvertes du biologiste britannique Douglas Alexander Spalding qui a observé pour la première fois une forme d’attac

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