Ma vie aux deux extrêmes
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Description

« La bipolarité m’a fait souffrir. Même en me sachant sous le regard de Dieu, ce trouble m’a fait vivre des moments de profonde tristesse et des épisodes d’euphorie incontrôlable. »

Dans un témoignage bouleversant, Florian Vallières nous fait avancer, à ses côtés, sur le chemin d’une maladie, souvent méconnue, qui touche plus de 2% de la population française.

À travers des mots sincères, parfois violents mais toujours remplis d’espérance, l’auteur nous permet de mieux comprendre la bipolarité et de saisir la fragilité et la force des personnes atteintes.

Et il nous aide à découvrir aussi les parcours de foi souvent exceptionnels qui accompagnent les maladies psychiatriques.

« La foi me porte quand je souffre. Elle est une arme redoutable pour continuer à espérer. »


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 janvier 2023
Nombre de lectures 3
EAN13 9782728934461
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

« Ne t’en va pas au-dehors, rentre en toi-même ; au cœur de la créature habite la vérité. »
Saint Augustin
À tous ceux qui souffrent de troubles mentaux dans le silence, qu’ils s’arment de courage pour accepter la maladie et trouver une voie de guérison.
À tous les médecins et les soignants.
Introduction
En guise d’introduction, il me faut vous parler succinctement de la maladie qui m’affecte. La bipolarité est une maladie mentale. Autrefois, on m’aurait déclaré atteint de psychose maniaco-dépressive ; aujourd’hui, je peux dire que je suis bipolaire. Cette affection touche 1 % de la population française – autant les hommes que les femmes – et provoque de nombreux handicaps sociaux, professionnels et affectifs. Cette maladie est d’ailleurs classée parmi les dix pathologies les plus invalidantes selon l’Organisation mondiale de la santé. Les pathologies mentales restent pourtant encore très discrètes dans l’espace public en France, alors que leur coût pour l’assurance maladie s’élève à 109 milliards d’euros par an. C’est d’ailleurs son premier poste de dépenses, devant les maladies cardiovasculaires et les cancers. L’origine de la bipolarité est génétique, même si l’environnement joue un rôle dans son déclenchement. En réalité, les causes en sont multifactorielles et les troubles, de sévérité variable. En France, les diagnostics sont longs à poser. Il faut en moyenne dix à douze ans et plusieurs médecins pour que la maladie soit enfin nommée, ce qui fut mon cas.
Je dois vous dire rapidement quels en sont les symptômes. Dans le pire des cas, la maladie peut conduire à des tentatives de suicide. De différents types, elle fait alterner la personne malade entre des phases maniaques et des phases dépressives. Entre ces deux phases, le bipolaire retrouve un état normal que l’on appelle « euthymie » ou « normothymie », c’est-à-dire bonne humeur ou humeur normale. Pour mieux circonscrire la maladie, le corps médical lui reconnaît plusieurs types. On est déclaré atteint de bipolarité de type 1 à partir du moment où l’on a vécu ne serait-ce qu’un seul épisode maniaque ou « mixte » – c’est-à-dire un laps de temps qui mélange état délirant et symptômes dépressifs, comme de l’anxiété, des crises de colère, une grande agitation. On parle, en revanche, de bipolarité de type 2 quand le patient a déjà subi un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs et au moins un épisode d’hypomanie – c’est-à-dire de délire. Moi, je suis de type 1. Voilà maintenant dix ans que ma vie alterne entre des périodes d’euphorie enivrante et de tristesse paralysante. Il n’existe pas naturellement de mesure à notre humeur, d’état d’équilibre. Pourtant, c’est la quête incessante, le Graal de toutes les personnes atteintes.
La bipolarité m’a fait souffrir. Cette maladie a été tardivement diagnostiquée. Même en me sachant sous le regard de Dieu, ce trouble m’a fait vivre des moments de profonde tristesse et des épisodes d’euphorie incontrôlable. Il n’est pas toujours aisé de vivre sa foi quand on est bipolaire. Les délires mystiques donnent des certitudes mensongères quand la dépression isole dans une tristesse insondable. Dieu, le seul Autre qui me connaisse mieux que moi-même puisqu’il « m’[a] tissé dans le sein de ma mère 1 » semble inaccessible en de telles périodes. Et, en l’état actuel de la médecine, une guérison totale est impossible. Demeure l’espoir que les crises s’espacent et s’éloignent.
Cet ouvrage se veut uniquement un témoignage. Parce que, parfois, nous passons à côté de certains événements dans notre vie qui mériteraient pourtant que nous nous y arrêtions d’une façon plus attentive. L’introspection n’est pas une nécessité absolue. D’ailleurs, certains s’en passent très bien, et ils ont sûrement raison. Tout le monde n’a pas besoin de poser un regard au plus profond de lui, dans l’urgence, de peur de s’être perdu. Ce sentiment d’urgence est une alerte pour ceux qui doivent trouver en eux-mêmes les ressources nécessaires pour affronter certains moments de souffrance et de désespoir. Le voyage intérieur, de la tête au cœur, devient un devoir quand il y a détresse de l’âme, quand nous atteignons nos limites – physiques, psychologiques et spirituelles. C’est précisément le besoin que j’ai ressenti pendant de nombreuses années.
Mon chemin de vie ne va pas s’arrêter là, avec la rédaction de ce livre ou lorsque j’aurai atteint un but idéal, un jour proche ou lointain. Non, la vie, c’est le chemin. Quant à moi, je nourris chaque jour l’Espérance que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Avec la conviction que demain est un autre jour sur lequel je peux agir, tant que mes pieds continueront de fouler cette terre. La souffrance n’est, en aucun cas, le passage obligé vers la sagesse. Elle vient seulement accélérer en nous le processus de maturation affective, psychologique et intellectuelle. La foi me porte quand je souffre. Elle est une arme redoutable pour continuer à espérer.
Prologue
Un beau jour – et sans que je t’en donne la permission – tu t’es réveillée. Une enfance plutôt heureuse et facile ne laissait pourtant rien présager de cette invasion. J’étais tranquille et insouciant au sortir du lycée, un peu comme une jeunesse qui tarde à devenir adulte, tout cela ne pouvait plus durer à tes yeux. Toi seule connais l’origine de cet abîme qui, dans ma tête, s’ouvre et se referme au rythme des crises que tu me fais subir. Tu t’incrustes dans mon cerveau, tu tords mes perceptions, tu inondes mes ressentis. Tu contamines à la fois le chef d’orchestre et chacun des instruments qui forment ma personnalité. Et même si tu n’es vraiment pas facile à vivre et à maîtriser, tu peux en être certaine : je n’ai plus peur de toi. Après plusieurs années de lutte, j’ai accepté de cohabiter avec toi. Quand tu es venue à moi pour la première fois et sans que tu me laisses l’opportunité de percevoir ton arrivée, tu m’as fait plonger en enfer. Comme un traître, tu m’as coupé des profondeurs de mon cœur. Je t’entends rire avec cynisme de mes états indescriptibles, profitant de chaque faille pour m’ébranler davantage, me donnant à vivre la première épreuve d’une vie. Est-ce amusant de voir tes victimes souffrir, gémir, vomir ? Trop tardivement, j’ai reconnu tes démons qui s’agitaient au-dessus de moi, colonisant mon esprit malade. Leurs petits yeux rieurs et pervers venaient se greffer aux miens, tristes et terrassés. Quand tu décides de te manifester, tu incarnes en moi tout ce que je déteste : mes raisonnements sont déficients et mon physique est abîmé par la fatigue et les médicaments. Je comprends ensuite la teneur des propos que je tiens quand tu me pousses au délire, mon estime personnelle en est blessée. Cela me rend repoussant et honteux. Tu me manipules et fais de moi mon premier ennemi. Mais je sais que c’est toi, cet ennemi juré.
Voilà maintenant dix années que tu viens me défier. Régulièrement, insidieusement, violemment. Pendant longtemps, j’ai cru être fou sous ton emprise. Qui suis-je ? Qui es-tu ? « La folie est le noyau de l’être humain 2 », disait François Tosquelles.
Aujourd’hui, je sais une chose : je ne suis pas le seul concerné. Dans mon cas, tu t’es fait démasquer au bout de dix ans, une décennie à lutter contre toi, inconnue sournoise. Bien qu’il soit parfois difficile de t’identifier, les médecins connaissent pourtant parfaitement ton petit jeu. Tu es forte, rusée, dévastatrice même, tu tues parfois. Parce que oui, tu mènes une personne qui en est atteinte sur cinq au suicide. Les quatre autres sont plus fortes que toi ! Et si tu parviens à t’immiscer dans la vie de milliers d’êtres humains, tu ne réussis pas à leur voler leur mort – du moins, pas à tous. Comme j’ai pu l’être, certains sont dans le déni, depuis longtemps. Parce que le déni est un mécanisme d’autodéfense qui permet de se protéger d’un mal pourtant tenace. De nombreux bipolaires – et leur famille – s’y installent et y restent, parfois jusqu’au bout. Mais les autres t’ont débusquée, ils te connaissent, te vomissent et te haïssent. Certains t’acceptent et cohabitent avec toi. Ils ont appris à apprivoiser la bête, à te bâillonner pendant quelque temps, à faire taire les sirènes grinçantes de ta folie. Moi, je te hais. Tu n’es pas plus forte que l’espérance, pas plus forte que la patience. Tu viens défier précisément ce qui a le plus de prix dans la vie humaine, ce qui compte le plus dans la mienne : tu secoues ma foi. Mais Dieu est plus fort. Tu veux saper l’espérance ? C’est elle qui nous fait tenir dans la maladie. Le Christ est ressuscité, il a relevé le paralytique, il a guéri notre condition blessée. Tu ne connais pas la charité ? Eh bien, figure-toi que tu ne l’inspires pas ! Aujourd’hui, je ne m’adresse pas à toi pour te défier. Notre duel dure depuis si longtemps… Je viens à toi comme le dompteur face aux fauves. C’est plus fort. C’est plus dur.
Chapitre 1
Une enfance privilégiée
Chère maladie, tu n’as pas usé de ta force pendant mon enfance. Je passe sans toi des jours heureux. Je suis bien loin de savoir ce qui m’attend en ta compagnie. Je remercie le Ciel de m’avoir épargné ta brutalité pour un temps.
Ma famille est unie et mes parents s’aiment depuis des années d’une parfaite fidélité. Je m’amuse de les voir s’appeler l’un et l’autre par des surnoms touchants. Leur tendresse m’a toujours ému et me semblait un rempart contre le monde. Dès mon plus jeune âge, je me suis senti bien dans ma famille. J’y étais serein et épanoui. J’aimais courir dans les couloirs de notre appartement parisien qui me paraissaient alors immenses. Je m’imaginais voler, les bras grands ouverts, faisant des bruits avec ma bouche pour imiter les avions. Les repas familiaux étaient toujours très animés. Attendant que nos sœurs viennent au monde, mon frère et moi jouions sans cesse, insouciants et complices. Nous faisions des tentes avec le rideau de notre chambre : nous y vivions dans un monde imaginaire, rien que tous les deux. Comme pour rester d’une humeur joyeuse, voulant vivre dans

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