Marie Bashkirtseff ou l impossibilité d aimer
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Marie Bashkirtseff ou l'impossibilité d'aimer , livre ebook

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Description

« Enfant, petite princesse parée de rubans et de dentelles, un fouillis de dentelles dont elle se revêtira jusque dans ses jours d’agonie, Marie parcourait la vaste demeure pour contempler son image dans tous les miroirs où elle s’admirait de face, de côté, de dos, puis revenait en virevoltant pour esquisser quelques pas de danse devant la famille, les amis parfois, qui applaudissaient, exigeant une chanson car, bien que toute jeune, elle avait déjà la voix fort belle et l’intonation juste. »


À travers ce fascinant ouvrage judicieusement documenté, et des analyses aussi pertinentes qu’étonnantes, vous découvrirez ou redécouvrirez Marie Bashkirtseff. Cette diariste et artiste ukrainienne, qui avait tant besoin d’amour, demeura prisonnière de l’obsession de soi et de son délirant rêve de gloire, sans doute aux prises avec un conflit œdipien jamais résolu. Dans ce livre, vous comprendrez comment cette artiste, s’éloignant sans cesse de la réalité, n’a su que théâtraliser sa vie tant elle vécut dans l’incapacité d’une relation sincère avec l’autre, qui n’était jamais que l’objet chimérique de ses fantasmes.


Image de couverture : BNF


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 février 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342149432
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été édité par la Société des Écrivains,
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 84 74 10 20 – Fax : 01 41 684 594
www.societedesecrivains.com
client@societedesecrivains.com

Tous droits réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-342-14890-9

© Société des Écrivains, 2022
« … La vie sans amour est une bouteille sans vin. Mais faut-il que le vin soit bon. »
( Journal de Marie Bashkirtseff, 10 août 1876)
À mes amis de toujours, Daisy et Maurice, pour les belles journées chaleureuses et solaires à la villa de Capo.
À Jean Lormo pour l’indéfectible amitié.
Introduction
Il me faut rendre hommage à Tatiana Shvets qui, par sa fondation « Renaissance de Marie Bashkirtseff » et l’organisation de colloques internationaux depuis 2008, 1 a su redonner un élan à la recherche autour du personnage de Marie.
La publication du Journal intégral en 16 volumes par le « Cercle des amis de Marie Bashkirtseff » 2 était déjà un point de départ, ouvrant la voie à ceux qui n’avaient connu la jeune artiste qu’à travers des extraits édulcorés ou faussés selon la volonté de Mme Bashkirtseff mère, et qui découvraient une personnalité à des milliers de lieues de l’icône jusque-là présentée.
Signalons également le travail remarquable de Colette Cosnier, qui démythifiait Marie dans son excellent ouvrage Marie Bashkirtseff, un portrait sans retouches 3 .
On s’apercevait alors qu’Albéric Cahuet avait idéalisé la jeune fille baptisée « Moussia » 4 , s’inscrivant par-là dans le droit fil de la volonté de sa mère, alors en vie dans sa villa niçoise où l’écrivain allait la rencontrer.
Pourquoi s’intéresser à Marie Bashkirtseff ?
Pour son incontestable talent de diariste reconnu par Simone de Beauvoir qui qualifiait son Journal de « modèle du genre » dans ses Mémoires d’une jeune fille rangée , alors qu’elle évoquait la tradition du Journal intime chez les jeunes filles du XIX e siècle ? Il est vrai que le Journal de Marie Bashkirtseff commencé très tôt dans son existence – vers douze ou treize ans – est un miroir fidèle du moi, d’un moi en formation, qui plus est, d’un moi variable au gré des voyages, mais toujours concentré sur soi-même. Philippe Lejeune, spécialiste du genre, le place lui-même au-dessus de tous les autres, le trouvant « royal » 5 . C’est en tout cas un document humain, tel que son auteure l’a voulu.
Ou serait-ce pour sa peinture qui révèle une certaine maîtrise, bien que l’artiste n’ait pas eu le temps, en sa courte vie, de donner la pleine mesure de ses capacités ni de renouveler son inspiration, d’aller au-delà de la représentation figurative la plus conventionnelle ? « Ses idées artistiques n’avaient rien de subversif », témoignent ses condisciples de l’Académie Julian 6 .
À moins que ce ne soit pour sa personnalité d’un narcissisme avéré « profondément enraciné » 7 , et sans doute excessif, si un spécialiste voulait s’y pencher… Car oui, le narcissisme fascine, qu’on le veuille ou non. Il vient nous signifier malgré nous notre incapacité à transgresser les règles, notre tendance à rester prisonnier de notre surmoi, tandis que l’autre, libéré, nous impose ses débordements, la mise en scène de son Moi exigeant et toujours à l’œuvre pour se satisfaire.
Marie fascine tout autant qu’elle repousse.
Et c’est bien de la personne que nous sommes en train de parler et non de l’artiste dans son œuvre. Avec une tout autre personnalité, il est fort probable que Marie ne serait pas un sujet d’étude. Il n’y aurait pas de « phénomène Bashkirtseff ». Le phénomène Bashkirtseff a été créé par l’auteure du Journal elle-même qui nous a sommés de la rendre célèbre et même de la faire revivre, y compris par le spiritisme, terrorisée à l’idée de tomber dans l’oubli.
Obsédée par l’idée que sa vie n’était qu’un désert sans fin (« Je veux aller dans le monde », phrase récurrente dans son Journal ), elle appelait la mort autant qu’elle désirait la vie. Pulsion de mort et pulsion de vie se succèdent tout au long de son Journal , dans une même théâtralité. Être ou ne pas être, être célèbre plus exactement pour Marie ou ne pas être, telle était la problématique existentielle de mademoiselle Bashkirtseff.
La gloire dont elle est si avide, Marie entend l’obtenir par tous les moyens : ses talents multiples seraient la voie royale. Sa voix de mezzo-soprano , le dessin ou la peinture, ou pourquoi pas la harpe ou le piano dont elle joue si bien, et l’écriture ! Hélas, la maladie la prive de son instrument vocal assez tôt. Il faudra travailler le dessin et la peinture, mais parallèlement, pourquoi pas un riche mariage ? Cette quête se doublera d’une quête amoureuse éperdue dans un schéma répétitif d’exaltation subite suivie d’échecs cuisants, l’objet convoité se révélant à chaque fois inaccessible. Mais que cherchait-elle au juste sinon l’amour-miroir, le double, le personnage « grandiose » digne de l’image grandiose qu’elle avait d’elle-même ? Ou le dévergondé sublime qui la troublait en osant mépriser les codes de son rang, et la renvoyait tant à son désir profond d’émancipation qu’à la figure magnétique de son père ?
Nous reviendrons sur cette relation avec son père qui apparaît au grand jour à travers les pages du Journal évoquant le retour à Gavronzi, l’année de ses dix-huit ans. Les épisodes amoureux les plus marquants pourraient être analysés à travers la problématique narcissique autant qu’œdipienne. Mon travail n’est pas celui d’une spécialiste, mais celui d’une littéraire. Je me réfère cependant aux éléments de base de la psychanalyse qui ne font que mettre des étiquettes sur les propos significatifs de Marie dans son Journal . Ainsi, lorsque Marie Bashkirtseff parle de l’« idée grandiose » qu’elle a d’elle-même, il s’agit ni plus ni moins de son idéal du Moi auquel l’objet convoité doit pouvoir s’identifier pour que l’emballement amoureux se déclenche. Le narcissisme de Marie a été noté non seulement par le docteur Hermann-Cziner (revue Imago , numéro 24), mais aussi par Marina Tsvetaeva, et d’autres, tandis que Marie elle-même se compare à Narcisse dans une lettre à Julian. « Le moi, ce mot unique et merveilleux qui m’enchante comme Narcisse. »
Nous avons tâché de montrer comment Marie Bashkirtseff, qui avait tant besoin d’amour, prisonnière de l’obsession de soi et de son délirant rêve de gloire, sans doute aux prises avec un conflit œdipien jamais résolu, s’éloignant sans cesse de la réalité, n’a su que théâtraliser sa vie, toujours dans l’incapacité d’une relation sincère avec l’autre qui n’est jamais que l’objet chimérique de ses fantasmes.
S’il éclate dans chaque page du Journal même aux yeux du profane, le narcissisme de Marie, tant il est hors normes, pourrait faire l’objet d’une étude fort intéressante.


1 . 2008 à Poltava en Ukraine.
2013 à Poltava en Ukraine.
2016 à l’Université orientale de Naples.
2018 à Moscou.

2 . Dans les années 1980-1984, déjà passionnée par le personnage de Marie, je ressentais une immense frustration de ne pouvoir lire l’intégralité de son Journal. Habitant à 700 km de Paris, trop accaparée par ma vie professionnelle, je n’avais pas le loisir de me rendre à la BNF pour me plonger dans le manuscrit. C’est alors que j’eus l’idée de créer une association loi de 1901, avec pour objectif principal l’édition intégrale du journal de Marie Bashkirtseff. J’en parlai à Colette Cosnier qui me mit en garde contre la difficulté de la tâche. En fait, il fallait trouver des adhérents à Paris même. En 1984, je rencontrai au cimetière de Passy un personnage fervent admirateur de Marie, le comte Guy de La Prade, qui proposa de m’aider. L’année suivante, il invita quelques personnes aussi motivées que je l’étais, qui acceptèrent de participer à ce projet. La réunion fondatrice de l’association eut lieu le 31 octobre 1985, dans une salle de la mairie du 16 e arrondissement de Paris. Nous étions neuf, dont Nathalie Ivanov, petite cousine de Marie, qui devint par la suite une amie. Le reste de l’Assemblée (outre Mr de La Prade et moi-même) comprenait : Ginette Apostolescu et son époux, le couple Baheni, et Catherine Guinard accompagnée d’un étudiant (dont j’ai oublié le nom car il ne revint pas), tous invités du comte de La Prade. Monsieur Michel Fleury arrivera plus tard dans l’association, baptisée “Le Cercle des amis de Marie Bashkirtseff”. Les statuts furent déposés à la préfecture au début de l’année 1986. Cependant, en tant qu’administrateur, je quittai le Cercle au bout de quelques mois, en raison de dissensions au sein du conseil d’administration. De ce fait, par la suite, jamais je ne fus citée comme fondatrice de l’association. Qu’importe ! Mon projet avait abouti, la structure avait été mise en place qui permettait de se lancer dans le travail ardu de la transcription du manuscrit. Ce fut madame Ginette Apostolescu, nommée secrétaire, qui s’en chargea. Elle en vint à bout au prix d’efforts méritoires, et nous lui rendons hommage.

3 . Ouvrage publié par les Éditions Horay en 1984.

4 Moussia et ses amis , Éd. Fasquelle, 1930. A. Cahuet a pu rencontrer Mme Bashkirtseff à Nice, avant son décès ; il a également bien connu tous les proches de Dina.

5 Le Moi des demoiselles , Philippe Lejeune, Éd. du Seuil, 1993.

6 . Louise Catherine Breslau et ses amis de Madeleine Zilhard.

7 . Article du Dr Hermann-Cziner, revue Imago , n° 24, 1924.
Ma gratitude, mes chaleureux remerciements à Tatiana Shvets, pour tous les moments de partage et d’amitié lors des colloques Bashkirtseff.
Mes remerciements également à mon amie de toujours Daisy Benhamou, pour sa relecture pendant les chaudes journées à Capo…
Ma reconnaissance très amicale et affectueuse à Tatiana Mojenok pour sa fidélité.
Chapitre I
« Pourquoi dès que j’ai pu avoir deux pensées l’une à la suite de l’autre, dès l’âge de quatre ans, le désir de choses glorieuses, grandes, confuses, mais immenses ? »
(Marie Bashkirtseff, Journal,

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