«Que dorénavant chacun fuie paillardise, oisiveté, gourmandise…»
333 pages
Français

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Description

En 1568, Pierre Racine de La Chaux-de-Fonds est condamné à la prison par le consistoire pour avoir affirmé que tout ce que disaient les pasteurs n’était pas vrai et qu’on était bien fou de les croire. Cette déclaration témoigne de la difficulté d’imposer dans les Montagnes la Réformation votée en 1530 par les bourgeois de la ville de Neuchâtel. Cet ouvrage décrit la discipline qui encadre dès lors les paroissiens, comme dans tous les pays protestants, mais plus longtemps qu’ailleurs, jusqu’en 1848. Il étudie la mise en place progressive entre 1530 et 1560 de ce carcan disciplinaire dans le comté de Neuchâtel et la seigneurie de Valangin, cadre principal de cette étude, non sans tensions entre l’Église et le gouvernement. On voit naître une situation particulière dans le concert des pays réformés : ni Berne la zwinglienne, ni Genève la calviniste, Neuchâtel a inventé son propre modèle. Cette étude passe en revue les trois siècles d’existence des consistoires neuchâtelois, confrontant l’immobilisme des institutions à l’évolution inévitable de la société sous l’influence des Lumières, de la laïcisation, de courants dissidents au sein même de l’Église, de la situation politique des pays voisins. Fondée sur l’analyse de milliers d’affaires, cette enquête lève le voile sur la vie quotidienne, les travaux, les amours, les révoltes d’une population modeste, essentiellement rurale, dont la voix avait peu de chances d’être entendue par le biais d’autres sources.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889301164
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2016 Case postale 5 2002 Neuchâtel 2 Suisse



www.alphil.ch

Alphil Diffusion
commande@alphil.ch


ISBN : 978-2-88930-116-4


Ce livre a été publié avec le soutien du Fonds national de la recherche scientifique dans le cadre du projet pilote OAPEN-CH.

Illustration de couverture :
Pieter Brueghel the Younger, The Indoor Wedding Dance , 1622.
Pieter Brueghel le jeune, La danse de noces dans un intérieur , 1622.


Responsable d’édition : Sandra Lena
Toute ma gratitude va au professeur Philippe Henry, directeur de thèse, à Monsieur Salomon Rizzo pour sa relecture éclairante, et surtout à mon époux Dominique Robert dont les compétences en informatique et le soutien sans faille ont permis à cette étude de voir le jour.
I NTRODUCTION
1. V ISÉES ET LIMITES DU TRAVAIL
D epuis deux décennies, des chercheurs toujours plus nombreux, dans l’ensemble de l’Europe voire aux États-Unis, se consacrent à l’étude des consistoires réformés. Ces derniers en effet s’inscrivent tout naturellement dans les champs de recherche les plus récents : l’histoire des institutions judiciaires et de la criminalité et les réflexions sur la formation des États modernes : civilisation des mœurs et confessionnalisation. Outre l’aspect institutionnel, l’étude des consistoires touche à l’histoire des mentalités, de la famille, des rapports entre les hommes et les femmes, entre les maîtres et les domestiques, domaines auxquels un grand nombre d’auteurs se sont intéressés depuis l’après-guerre. De plus, elle permet de sonder la pratique religieuse, collective ou individuelle, et de mettre au jour le degré de pénétration dans les régions rurales des idées réformées dans les décennies suivant le changement de religion souvent imposé par les autorités urbaines.
Instruments de la discipline ecclésiastique et sociale, les consistoires existent dans tous les pays réformés, sous un nom ou sous un autre, avec une participation plus ou moins importante des laïcs. Leur rapport avec les autorités civiles varie considérablement en fonction du type de gouvernement que connaît le pays, et son degré d’adhésion, sa volonté de coopérer avec l’Église ou de lui imposer des ordonnances et des modes de fonctionnement. Ces cours sont influencées aussi par l’héritage culturel, au sens large, du pays où elles se forment et par la proximité de l’Église romaine ou d’autres courants issus du protestantisme.
En ce qui concerne le Pays de Neuchâtel, des travaux déjà anciens se sont surtout focalisés sur la création des consistoires, le début de leur activité et leurs rapports parfois difficiles avec les autorités civiles. Or, la plupart de ces cours ont eu une longue durée de vie, jusqu’à la fin du XVII e  siècle en France, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime ailleurs, comme le montre notre exemple neuchâtelois. Cette longévité a contraint les consistoires à composer avec des sociétés en mutation : le regard porté sur les chefs d’accusation qui peuvent motiver une comparution ne peut manquer en effet de se modifier au cours des siècles, dans des sociétés où le poids de l’Église s’affaiblit, où disparaît le consensus sur les valeurs fondamentales, où se développent l’esprit critique et l’individualisme.
L’intention de la présente recherche est de tenter de faire l’histoire de l’institution consistoriale dans le Pays de Neuchâtel entre le milieu du XVI e  siècle et son abolition au moment où le pays adopte la Constitution qui fera de lui un canton suisse démocratique en 1848. Histoire d’une institution donc, celle des consistoires seigneuriaux, cours de justice à la fois laïques et ecclésiastiques, créées par le prince et placées sous son autorité. Ces cours jugent essentiellement les affaires qui leur sont déférées par les consistoires paroissiaux composés d’un pasteur et de son collège d’anciens qui agissent en première instance. Contrairement à ces derniers, les consistoires seigneuriaux disposent d’un arsenal pénal semblable à celui des cours de justice civile.
Il ne s’agit donc pas de faire l’histoire du contrôle social dans l’ensemble du pays : pour approcher de cette prétention, il faudrait procéder différemment. En effet, les habitants de la ville de Neuchâtel et ceux de la majeure partie du littoral, là où se trouve sous l’Ancien Régime le pôle politique et économique, ne sont ressortissants d’aucun consistoire seigneurial, pour des raisons qui seront développées ultérieurement. Leurs manquements à la discipline ecclésiastique, quand ils requièrent plus qu’une simple « admonition » qui leur est adressée par leur consistoire paroissial ou « admonitif », sont jugés par d’autres instances, Conseil de Ville, cour de justice civile ou collège des Quatre-Ministraux, émanation de la Bourgeoisie, organe exécutif de la ville. Même dans les régions pourvues de consistoires seigneuriaux, les limites entre leurs attributions et celles de la justice civile, voire criminelle, sont loin d’être claires.
Il faudrait donc étudier de façon transversale, pour une période donnée, le traitement des cas susceptibles d’intéresser un consistoire devant chacune de ces instances. Les résultats de ce travail seraient sans doute d’un grand intérêt, mais, à moins de se donner des limites chronologiques très étroites, il dépasserait les forces d’une seule personne.
Notre démarche est donc différente : elle se fonde essentiellement sur les archives des quatre consistoires seigneuriaux que comptait le Pays de Neuchâtel, ceux de Valangin, de Môtiers, de Travers et de Gorgier, dans l’intention de faire l’histoire de cette institution. Ces archives sont d’une richesse exceptionnelle : rares sont les pays où les consistoires ont existé aussi longtemps en tant qu’instances parajudiciaires et pas simplement comme organes d’administration d’une paroisse ; plus rares encore sont les séries d’archives consistoriales conservées qui couvrent trois siècles comme celles du consistoire seigneurial de Valangin dont sont ressortissants les habitants du Val-de-Ruz et des Montagnes, selon la terminologie locale. Les archives des autres consistoires seigneuriaux sont plus lacunaires, mais exploitables à titre de comparaison, notamment celles du consistoire de Môtiers qui couvre un grand territoire à l’ouest du pays, le Val-de-Travers. Nous avons découvert récemment dans les archives de la Classe des pasteurs une série de procès-verbaux de ce consistoire qui couvre plusieurs décennies du XVII e  siècle et qui a largement enrichi les témoignages de cette période peu étudiée.
Les historiens neuchâtelois eux-mêmes se sont peu intéressés à ces sources, si ce n’est pour le XVI e  siècle, dans de nombreuses études partielles concernant le Réformation et la mise en place des institutions réformées. Quant à nous, nous les avons découvertes par le biais d’un questionnement suscité par la seule étude consacrée aux consistoires au XVII e  siècle qui les accusait d’avoir fourni à la justice criminelle un nombre important de présumés sorciers et sorcières. Ainsi le clergé aurait-il eu les mains « rouges de sang » 1 . Une plongée dans les registres du consistoire de Valangin pour y chercher confirmation ou infirmation a débouché sur le désir d’exploiter plus largement l’ensemble de ces procès-verbaux et donc sur la présente étude 2 . Aux Archives de l’État de Neuchâtel, les registres n’étaient pas cotés ni même répertoriés, si ce n’est dans un petit Guide des archives anciennes rédigé par Jean Courvoisier 3 .
Un autre intérêt que présente l’étude des consistoires neuchâtelois réside dans le fait que la situation du Pays de Neuchâtel parmi les États réformés est particulière : au moment de la Réformation, et jusqu’à la fin du XVII e  siècle, les souverains sont français et catholiques. En effet, à l’extinction de la famille comtale de Neuchâtel en 1395, ses terres passèrent aux mains de la famille de Fribourg-en-Brisgau, puis à celles de la famille de Hochberg. L’unique héritière de Philippe de Hochberg épousa Louis d’Orléans-Longueville. Le rang de cette famille, au nombre des princes de sang, et ses charges à la cour de France allaient, le plus souvent, tenir les souverains éloignés du comté de Neuchâtel. Cette absence et les autres liens que les bourgeois de la ville avaient tissés avec des puissances voisines, par des traités de combourgeoisie, avec Berne notamment, allaient infléchir l’histoire du pays et faciliter son passage à la Réforme en 1530 4 .
La religion réformée fut donc la seule reconnue et imposée, sauf dans la châtellenie du Landeron, englobant la paroisse de Cressier, située à l’est du littoral du lac de Neuchâtel. Elle se trouve sur un grand axe de navigation fluviale, d’où son intérêt économique, et elle est à la frontière entre le comté de Neuchâtel et les cantons confédérés de Berne et de Soleure, sorte d’avant-poste vers l’ouest, objet de leur volonté d’expansion. Les Landeronnais restaient attachés pour la plupart au culte catholique et cherchèrent un appui auprès de Soleure avec qui ils avaient signé un traité de combourgeoisie en 1449. La rivalité entre Soleure la catholique et Berne la réformée allait donner lieu à un conflit d’une trentaine d’années au sujet de la confession du Landeron. Le 15 décembre 1557, un accord fut signé entre les différentes parties intéressées qui garantit aux Landeronnais le droit de vivre dans la religion catholique 5 .
Ailleurs, tout contact avec « la Papauté » était interdit et sanctionné sévèrement par les consistoires. Le principe de territorialité, base de la Paix d’Augsbourg, en 1555, qui veut que le souverain impose sa confession à l’ensemble de ses terres, ne s’applique donc pas à Neuchâtel, sauf si l’on considère que le vrai pouvoir ne réside plus entre les mains du souverain, mais qu’il est exercé par la Bourgeoisie de la ville et le Conseil d’État. Le pouvoir comtal en effet avait été considérablement affaibli par l’occupation du pays par les Confédérés en

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