Veillées
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Description

« Ce matin, même les murs de clôture étaient couverts de givre, et les prés, les taillis, les buissons d'aubépines et leurs cenelles de vermillon clair, étaient comme poudrés d'un sucre cristallisé dans lequel la lumière étincelait doucement. Mais vers dix heures le soleil de cette fin d'automne est devenu assez chaud pour que du petit poirier sauvage venu pousser devant la maison s'égoutte toute la blancheur de la glace en poudre ; on eût dit qu'en coulant vers leur pointe l'eau de fonte précipitait dans sa chute celle des feuilles jaunies par le froid : elles tombaient à un rythme accéléré, par dizaines à la fois ; sur le chemin planté d'herbe rase, un tapis d'or s'épaississait doucement sous l'arbre que novembre dévêtait... » Entre lectures et promenades, entre réflexions, rêveries et souvenirs, le nouveau recueil de notes de Patrick Heurley nous entraîne librement dans un voyage sensible et profond au fil de ces paysages de Camargue et de Lozère qu'il aime et connait bien...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 novembre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342168266
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Veillées
Patrick Heurley
Publibook

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Publibook
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Veillées
 
 
 
Ce petit recueil est d’abord un libre travail d’écriture dans lequel le lecteur ne doit voir que le seul plaisir de noter quelques regards sur tout ce qui fait la beauté du monde, quelques perplexités, et quelques admirations reconnaissantes. On y trouvera aussi les habituels regrets que tout homme porte en lui, regrets illuminés par la douceur de l’amitié, et celle de l’amour.
Qu’il soit dit aussi que ces souvenirs ne sont pas injustement privilégiés : ma mémoire et mon cœur prennent soin, évidemment, de beaucoup d’autres…
 
 
«  La cenelle hivernale brûle hors de saison,
pomme de l’épine, humble clarté pour les humbles,
n’attendant rien d’eux sinon qu’ils veillent
à garder vive la mèche de la dignité,
sans avoir à les aveugler d’illuminations…  »
 
Seamus Heaney – La lanterne de l’aubépine .
 
 
Dans Les hommes de bonne volonté , Jules Romains examine avec finesse les raisons que l’on peut avoir de se défier du journal comme genre littéraire ; dans le tome titré « La douceur de la vie », Pierre Jallez, un des personnages principaux, dit du journal que lui-même s’apprête à tenir qu’il fait se lever à ses yeux « … des images dont plus d’une exprime la prétention, la sottise, une vanité repliée sur elle-même, un effort pour se distinguer, à la racine de quoi il y a un sentiment vulgaire… ».
Quelque part dans ses journaux je me souviens qu’un autre homme de lettres – Gide ? Jünger ? – au contraire écrit que parmi les conseils qu’il pourrait avoir à donner à un jeune écrivain, le premier serait celui de tenir son journal parce que, dit-il, le journal permet de progresser moralement, et aussi parce que parmi tous les genres littéraires, le journal est le mieux à même de rendre compte de l’unicité et de la grandeur de l’homme dans sa solitude.
 
Le journal : la tentation existe d’écrire tous les jours en obéissant à quelques règles, à une sorte de discipline. Mais pour alimenter un journal, il faut sans doute beaucoup voyager, beaucoup lire, avoir une vie sociale et intellectuelle intense ; je ne suis pas dans ce cas, hors de question donc de se lancer dans l’entreprise.
Mais s’en tenir honnêtement, simplement, à la seule note, en essayant d’éviter de tomber, ou de tomber trop longtemps, dans « le mauvais genre » – confessions, mémoires, autobiographie – en restant fidèle aux intermittences de la pensée et de l’attention, librement, voilà qui peut devenir un viatique précieux.
 
Maintenant que j’essaye d’un peu écrire, je n’ai pas à me justifier de cette vie retirée que j’aime bien au fond, puisque écrire, même si ce n’est que deux heures le matin, nécessite une vie de calme et de silence. Mais pendant ces années anciennes où toutes les occasions furent bonnes de rester des jours et des jours sans mettre le nez dehors, ou disons sans franchir la porte du jardin, qu’ai-je fait de mon temps ? Lecture et musique, oui, sans doute, mais ai-je seulement convenablement réfléchi au sens profond du mot « contemplatif » ? Ai-je convenablement rempli ce devoir dont Stevenson nous dit que de tous ceux qu’un homme a à remplir, il est le plus négligé : le bonheur ?
 
Bonheur : ce mot majestueux, sonnant telles les cloches d’une cathédrale, m’a toujours un peu impressionné, comme si pour être correctement prononcé il exigeait une ambition très au-dessus de mes moyens… Et puis parler du bonheur est une affaire délicate : on peut toujours en arriver à douter des raisons d’être heureux, à s’interroger sur la fugacité d’un bonheur, sur sa légitimité. Je ne sais pas si je suis heureux. Mais ce soir, dans ma cheminée, de courtes flammes bleu et rose dansent sur des braises orangées. J’ai sur les genoux le plaid ramené d’Irlande, il y a la bouilloire pour le thé, je suis seul. Dans la grande cheminée, du bois brûle, du bois de chêne coupé dans la forêt cévenole, de courtes flammes rose et bleu meurent sur du bois noir, elles me réchauffent, ravivent des souvenirs heureux et cautérisent mes chagrins.
 
Me relisant : je ne sais pas si je me repose de trop de regards sur la nature en me plongeant dans la littérature et la musique, ou si c’est la nature qui me repose de trop de « culture ». Idéalement il faudrait « mourir en pensant », oui, mais sans jamais cesser de se réciter en la goûtant cette phrase d’Oscar Wilde dans Le Critique comme artiste  :
 
« Comme l’air du matin est frais ! Une légère brume rouge flotte au-dessus du parc, et les maisons blanches ont des ombres pourprées. Il est trop tard pour dormir. Descendons à Covent Garden et regardons les roses. Venez ! Je suis fatigué de penser. »
 
Arles
Phare de la Gacholle – L’hiver va bientôt finir. Un nouveau jour commence.
Je m’éveille dans la grande chambre où depuis des années j’ai pris l’habitude de dormir, mon lit tiré sous la grande fenêtre. L’aurore glacée pose une lumière violette sur les étangs, il y a des oiseaux par centaines.
On descend l’escalier de pierre en frissonnant. Dans la pièce du bas, il fait tiède. L’eau à bouillir pour le café, le pain grillé. La douche brûlante, puis la laine et le velours. On sort. Il fait froid ; venu de loin, parfois de près, il y a le chant liquide des courlis cendrés et le lointain bruissement des vagues.
Sur la digue, dans les ornières, la glace scintille. Monde de braise et de glace.
 
 
Écrit quelques lignes à D. après avoir consciencieusement laissé passer un peu de temps et les fêtes de fin d’année. Mais je pense qu’elle sera heureuse de recevoir cette image hyper convenue d’un chalet de montagne sous la neige, près d’un lac : tout ça lui rappellera Rousseau et correspond assez bien à son rêve de paix et de confort intellectuel.
Dans ma lettre, je lui explique qu’encore récemment, je suis allé passer quelques jours dans mon petit gîte rural de Ruassols, habitude dont ma propriétaire se réjouit (le fric) mais s’étonne discrètement et même s’inquiète un peu, à mon avis :
 
« Mais… Tout seul, qu’est-ce que vous faites toute la journée, et le soir ?
 
— Eh bien, madame, étant seul, je peux faire ce que je veux : je pêche, j’écoute de la musique, je me promène, je lis, je fais de la photo et un peu d’ornithologie, j’écris aux amis…
 
— Ah, oui… Je comprends… »
 
Non, évidemment elle n’y comprend rien, et regarde d’un œil toujours un peu méfiant ce drôle de type sortant de sa voiture un chien, un chat, les croquettes pour le chien, les croquettes pour le chat, et des piles de disques et de bouquins…
 
 
 
Le soir vient. Vent d’ouest. Une mince embrasure dans le ciel gris noir au-dessus de la mer, une déchirure rouge vif.
Approcher quelque chose d’ample et de désiré.
Immobile, regarder le monde que l’on va devoir quitter un jour.
 
 
 
La terre est obscure, mais le ciel s’est ouvert, le ciel est plein d’étoiles.
J’allume ma petite lampe torche et la dirige vers la constellation d’Orion. Je souhaite bon voyage à ces grains de lumière.
 
Ruassols
Il neige sur le petit hameau.
Souvenir de la neige qui tombe pour accompagner l’agonie du capitaine de Boëldieu, qui tombe pendant que Rauffenstein coupe la rose de la noblesse d’âme.
 
 
 
Dans les pâturages la couche de neige n’est pas très épaisse : en dépassent de longs brins d’herbe fine que le vent fait frissonner.
 
 
 
Le froid a cédé. Une pluie fine tombe en voiles légers : au bord des rives du ruisseau la glace fond lentement, libérant une feuille morte, puis une autre.
 
 
 
Le feu pétille dans son nid de granit pendant que je feuillette Conan Doyle et les aventures de Sherlock Holmes.
 
Dans Les Hêtres rouges  :
« … son visage, qui respirait la vivacité, était parsemé de taches de rousseur, comme un œuf de pluvier. Elle était blonde… »
 
 
 
La littérature anglaise : il est amusant d’y noter aussi, çà et là, une sorte d’élégante prudence vis-à-vis des fins et des moyens de l’intelligence que seuls les Anglais savent exprimer, avec humour, sagesse et profondeur. L’exercice est sans doute un peu vain, mais je m’étais amusé à relever quelques pépites au hasard de mes lectures :
- W.H. Hudson, dans The Purple Land cité par Borges : « Souvent au cours de mon existence j’ai entrepris l’étude de la métaphysique, mais le bonheur chaque fois est venu m’interrompre… »
- Oscar Wilde, dans La Décadence du mensonge  :
« Penser est la chose la plus malsaine du monde, et l’on en meurt comme de quelque autre maladie. Heureusement, en Angleterre au moins, la pensée n’est pas contagieuse. Le magnifique aspect physique de notre race vient uniquement de notre stupidité nationale ; j’espère que nous pourrons garder encore longtemps ce grand boulevard traditionnel de notre bonheur ! »
- Gabriel Betteredge, dans Pierre de Lune , Wilkie Collins :
« Devant tant de détails je dus faire appel à toute mon intelligence, mais comme elle est anglaise tout me devint aussitôt extrêmement confus… »
- W.H. Auden et Louis McNeice, Lettres d’Islande  :
« Me voici à présent à mille milles de chez moi. Qui je suis ? Peu importe. Désormais je suis seul. À ce qu’on me raconte je ne comprends plus rien, et il me faut tendre l’oreille, comme un chien, pour deviner au ton le sens du message. Je ne suis guère doué pour les autres langages… »
- Et André Maurois qui fait dire au colonel Bramble :
« Browne, on le croirait idiot mais c’est une erreur : il a joué au cricket pour Essex. »
 
Il y a probablement d’autres gourmandises aussi délectables dans Dickens et dans Meredit

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