Vous avez dit : Bizarre ?
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Description

Un fil conducteur nous fait rencontrer aux hasards d'étranges voyages la puissance d'un grigri d'Afrique, des collines d'une étrange nostalgie à la Pagnol, dans un itinéraire entre la vie et la mort où se côtoient l'évasion intérieure, les mythes, le mystère du double, la nature vengeresse ...Autant de nouvelles qui au hasard des régions, des êtres nous apportent à la clef un frisson, une peur qui rôde : la peur de l'inconnu, de l'étrange, du surnaturel, une balance entre l'homme et le surhomme.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 octobre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748387902
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vous avez dit : Bizarre ?
Bernard Van Leckwyck
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Le Grigri
Le Docteur André Faure reçoit des malades par ce tristounet matin de novembre dans son service de consultations de l'Hôpital Alibert à Marseille et il n'est pas de très bonne humeur. Il faut dire que la veille il a eu une confrontation assez vive avec Christine son ex-femme pour laquelle il a toujours au fond du cœur des sentiments imprécis. Est-ce encore de l'amour ?
Comme d'habitude, leur dernière dispute a eu lieu au sujet de la garde des enfants…
Le juge des divorces leur en a bien confié la surveillance suivant un calendrier certes précis mais ce plan n'a pas toujours l'accord des deux ex-conjoints. Il s'en suit que, suivant les disponibilités des deux anciens époux, il se produit des dérogations assez fréquentes dans les jours de garde et les gosses sont ballottés de droite et de gauche. Fatalement cela produit des frictions et c'est ce qui est arrivé hier soir quand il a ramené les enfants à leur mère avec un peu de retard par rapport à ce qui avait été prévu.
C'est dire qu'aujourd'hui le médecin n'a pas sa tête des bons jours en examinant ses malades et qu'il n'a non plus pas une patience angélique à leur égard…
Après avoir reçu une suite de patients présentant des malaises sans originalité, dont un certain nombre de salariés souffrant des symptômes du lundi matin, il voit entrer dans son bureau un visiteur tranchant nettement, au moins par son aspect extérieur, sur le troupeau monotone des autres.
C'est un grand gaillard du plus beau noir dont le teint exotique ressort encore mieux du fait qu'il est drapé dans un vêtement d'une blancheur immaculée qui lui aussi sort de l'ordinaire. Comment appelle-t-on ce costume se demande bizarrement le Docteur Faure : un boubou, une djellaba ? Puis il se rend compte que cela n'a strictement aucune importance et que Christine, sa femme, le traiterait encore de coupeur de cheveux en quatre si elle était là pour constater ce détail qu'il soulève bien en vain…
— Asseyez-vous, Monsieur… fait-il en désignant à son visiteur le siège qui attend les patients.
Avant qu'il ait eu le temps de lancer à son malade son traditionnel "Qu'est-ce qui vous amène, Monsieur ?" l'autre s'est lancé sur la main droite du médecin, la prend avec une énergie peu commune et la secoue comme s'il venait de retrouver un ami de trente ans fâcheusement perdu de vue du fait des fatalités de l'existence.
— Bien le bonjour, Monsieur le Médecin… Tu vas bien ?
André Faure est un peu interloqué par la chaleur de cette prise de contact autant que par la question concernant sa santé : il a étrangement l'impression que les rôles sont interchangés… Il se reprend d'ailleurs assez vite et remet les choses à leur place en demandant à son interlocuteur :
— Eh ! bien… A quel sujet venez-vous me voir ?
Visiblement le visiteur trouve incongru de se lancer ainsi de but en blanc dans un exposé concernant sa santé et auparavant il lui semble plus convenable d'aborder des sujets plus généraux : on en viendra seulement plus tard aux questions aussi personnelles que son état sanitaire.
— Tu as une belle installation, ici !… Tu sais, je ne suis en France que depuis peu et dans mon pays les hôpitaux ne sont pas aussi bien agencés ! Alors, laisse-moi admirer autour de moi… Comme tout est bien propre et bien rangé ! Il doit y en avoir pour beaucoup d'argent dans tout ça… C'est vrai que la France est un grand pays riche. Mais ça n'empêche pas qu'il y ait des gens qui tombent malades, conclut-il en éclatant d'un bon gros rire.
— Bien sûr… Bien sûr… concède le médecin qui commence à trouver le préambule un peu long et qui demande à nouveau avec une pointe d'impatience : "Qu'est-ce qui vous amène, Monsieur ?"
— Et bien voila : depuis quelques temps je me sens un peu patraque ! J'ai d'abord pensé que cela venait de la nourriture. Tu sais ce que c'est : on mange des drôles de choses parfois dans les cantines… Et dans l'usine où je travaille la cuisine n'est pas meilleure qu'ailleurs ! Il faut dire que, jusque il y a peu de temps, et tant que j'étais au pays, je savais ce que je mangeais et ce n'était pas des saletés industrielles comme ici… sauf ton respect ! Mais chaque pays a ses habitudes, pas vrai…
— Et vous croyez qu'il y a autre chose en ce qui concerne votre santé ?
— Oui… Sûrement !… Et puis, au pays, je suis un peu marabout… Alors sur les questions du corps ou de l'âme, je sais pas mal de choses… Mais je ne veux pas me vanter ! D'autant plus qu'ici on ne trouve pas toutes les herbes qu'il faut pour guérir, tu penses bien… Et puis, je sais qu'il y a des sujets où je suis impuissant avec mes herbes : il faut savoir où s'arrête le pouvoir de chacun. Voila pourquoi je suis venu te voir…
— Je vais donc t'examiner, fait le Docteur Faure qui sans y penser vient de reprendre le tutoiement utilisé par son malade. Déshabille-toi que je t'ausculte.
Après examen de son patient, André Faure n'a pas grande difficulté à établir un diagnostic, car il s'agit d'une indisposition assez bénigne et des plus classiques. Une ordonnance est vite établie et remise à son utilisateur qui l'enfouit dans un portefeuille lequel disparaît à son tour dans un des replis du boubou blanc.
— Merci à toi, Monsieur le Médecin… Si tu as trouvé la cause de mes ennuis, je peux te le dire : tu n'auras pas affaire à un ingrat. Mouloud M'Jedah n'est pas de ceux qui oublient un bienfait, sois en certain.
— Mais je ne fais que tout simplement mon travail…
— Je te le dis : tu n'auras pas affaire à quelqu'un qui ne sait pas se souvenir des bienfaits reçus…
Et sur une poignée de main qui est encore plus cordiale que celle donnée à son arrivée Mouloud M'Jedah, puisque c'est ainsi que s'appelle le grand gaillard noir, porte sa vaste paluche à la hauteur de son cœur et esquisse en même temps une brève inclinaison du buste. Puis il disparaît derrière la porte du cabinet de consultations et replonge dans l'anonymat des milliers de travailleurs africains peuplant la grande ville phocéenne.
Voici dans tous les cas pour le docteur Faure un patient qui n'est pas comme les autres et cela le change agréablement des malades trop semblables habituellement les uns aux autres pour ne pas engendrer une certaine monotonie. Du coup, son humeur chagrine du début de la matinée s'est envolée et c'est d'une voix presque joyeuse que se penchant sur son interphone il demande à sa secrétaire :
— Madame Monique, je ne sais pas si le malade suivant est aussi pittoresque que celui que vous venez de m'adresser, mais tant pis : envoyez-le moi malgré tout…
Une dizaine de jours se sont écoulés depuis la consultation donnée à Mouloud M'Jedah et ce soir-là, en sortant de l'Hôpital après sa journée de travail, André Faure tombe sur deux personnes qui l'attendent à la porte principale de l'établissement.
Ce sont deux personnes bien différentes, mais qu'il connaît toutes deux. Et, si c'est le boubou blanc qu'il a repéré de loin dans la foule des tenues européennes environnantes et qui lui a remis en mémoire son client de la semaine passée, il s'étonne aussi de rencontrer son ex-femme.
Celle-ci l'aborde aussitôt, assez froidement comme c'est son habitude, puis l'attaque bille en tête :
— Bonsoir, André… Tu vas t'étonner de me rencontrer ici, mais j'ai un papier assez urgent à te faire signer. C'est pour une histoire juridique plus ou moins idiote : le tribunal me demande une attestation signé par mon ancien mari pour je ne sais quelle raison précise alors que tout a déjà été réglé depuis longtemps à mon avis. Mais tu connais les fonctionnaires ! Tu me rendrais service en me donnant ton paraphe immédiatement car je dois m'absenter quelques temps et je ne voudrais pas que ce dossier traîne encore et donne à ces ronds de cuir une raison pour me prendre en défaut.
André Faure parcourt des yeux le document à régulariser et, appuyé sur la serviette en maroquin où il serre quelques paperasses emportées depuis son bureau à l'hôpital pour être ramenées et étudiées chez lui, il donne sa signature en disant :
— Effectivement, il y a belle lurette que j'ai déjà signé cette attestation… Je ne sais pas pourquoi on te demande un nouvel exemplaire… Sans doute le premier aura-t-il été égaré dans un quelconque bureau !
Car si le ménage Faure se disputait plus souvent qu'à son tour, il y a au moins un point sur lequel ils étaient toujours d'accord : celui de considérer tous les gratte-papier comme des incapables et leur classement d'archives comme le royaume du fouilli-fouilla le plus absolu…
— Je te remercie pour cette formalité idiote, dit seulement Christine… Maintenant, excuse-moi, mais il faut que je me sauve.
Un petit geste rapide de la main et André voit son ancienne femme qui disparaît dans la foule sans plus attendre : elle n'aura pas perdu trop de temps, pense-t-il in petto.
A ce moment il voit s'approcher de lui l'homme au boubou blanc qui le regarde en souriant aimablement.
— Bonsoir, Monsieur le Docteur !… Tu te souviens de moi ?
— Oui, oui… Très bien !… Vous vous nommez… Comment est-ce déjà votre nom ?
— Mouloud M'Jedah…
— Mouloud M'Jedah, c'est bien ça. J'avais oublié !
— C'est vrai que c'est un nom que les Français trouvent difficile à retenir, fait l'autre en montrant dans un large sourire une rangée d'impeccables dents blanches.
— Alors, comment ça va maintenant ? Mieux j'espère. Mon traitement vous a-t-il soulagé ?
— Justement, Monsieur le Docteur… C'est pour ça que je voulai

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