La Belle inconnue
100 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La Belle inconnue , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
100 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« Nous savons très peu de chose sur elle, mais nous agissons comme si nous la connaissions, et parfois il nous prend une admiration légitimée par son incitation à reconnaître sa pérennité sous ses atours changeants. Elle nous pose un problème de taille : elle vit toujours après notre mort. Nous vivons pour un temps, mais elle ? En même temps, nous faisons partie d’elle, d’une jeunesse éternelle, avec nos tourments et notre mortalité. Les beaux paysages, les petits oiseaux, les reflets sur l’eau et le printemps nous enchantent, mais seulement depuis que nous ne sommes plus gênés par le rhume des foins. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 décembre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748397727
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Belle inconnue
Raymond Tschumi
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
La Belle inconnue
 
 
 
 
Préface
 
 
 
Après La Servante effacée , l’auteur s’est tourné vers un thème à la fois extrêmement vaste et profondément familier. Ce dernier-né porte aussi un titre au féminin. Il est tout d’une pièce comme la belle éternelle qui le personnifie. Ce n’est qu’après l’avoir écrit que l’auteur s’est souvenu des leçons de mathématiques où les problèmes avaient une inconnue x. Les élèves l’appelaient la Belle Inconnue. Alors que La Servante effacée avait pour thème la conscience, La Belle Inconnue dénote la nature dans son ensemble, en personne ou comme problème.
Nous savons très peu de chose sur elle, mais nous agissons comme si nous la connaissions, et parfois il nous prend une admiration légitimée par son incitation à reconnaître sa pérennité sous ses atours changeants. Elle nous pose un problème de taille : elle vit toujours après notre mort. Nous vivons pour un temps, mais elle ? En même temps, nous faisons partie d’elle, d’une jeunesse éternelle, avec nos tourments et notre mortalité. Les beaux paysages, les petits oiseaux, les reflets sur l’eau et le printemps nous enchantent, mais seulement depuis que nous ne sommes plus gênés par le rhume des foins.
Même si personne n’a encore définitivement résolu les problèmes posés par la belle inconnue, le présent ouvrage ajoute un élément indispensable à la solution : l’intuition. Celle-ci perçoit à la fois les trois aspects de la belle inconnue : sa nature concrète et familière, ses dimensions énormes et minimes et sa pérennité. La vue de l’ensemble constitue un acte d’amour qui n’est pas donné à ceux qui se contentent de la trouver belle. Pour agir selon l’intuition, il convient de cueillir une nouvelle réalité fleurie pour l’offrir à la belle inconnue : l’esprit qui la conçoit. La culture fait partie de cette création splendide et pérenne, dans la mesure où elle renaît de ses cendres, comme le phénix.
L’intuition agit comme un petit dieu malin qui se sert du temps aboli pour sauver de l’oubli des actes d’amour honorés par l’inconnue. Si l’homme adoptait, par la mémoire, l’imagination et l’attention, la part d’éternité monopolisée par la belle, il pourrait se consoler d’être mortel.
 
 
 
1. La nature et le temps
 
 
 
Dire qu’on a inventé une justice divine ! Les lois sont humaines, trop humaines, indéfectiblement humaines. Y aura-t-il toujours des crimes, des tribunaux, des prisons, des guerres ? Tant qu’il y aura des maladies, des querelles et des fous. Les religions, les verts écologistes, les politiciens et les hommes de bonne volonté n’y changeront rien. L’homme est-il si étranger à la nature, n’apprend-il pas à la connaître en s’observant ?
Et si la nature n’était que férocité, comme les animaux au sommet de la chaîne alimentaire, comme les égoïstes, comme les nations prêtes à écraser, ignorer, devancer les autres ? Les lois et les institutions ne pourraient y remédier. Le seul moyen de se concilier la nature serait de la concevoir dans son ensemble. S’élever jusqu’à l’être que n’interrompt pas la mort, sortir de soi, universaliser sa conscience. La méditation transfigure la nature en un reflet qui lui rend la pareille en lui donnant son aspect doux, transparent et serein. Elle paraît alors sous les traits de la belle inconnue. La culture, les arts et les sciences ne suffisent pas. Ils ne peuvent s’exprimer qu’à travers les sons, les couleurs et les objets qu’ils lui empruntent. Il leur manque un accès direct au ravissement, à l’amour, à la fusion.
Depuis l’invention du microscope, un autre aspect de la nature a été découvert : le petit, le nano, l’infini opposé à celui du télescope. Molécule, atome, particule, et quoi encore ? Impossible de s’identifier à ces éléments. On ignore quels liens existent entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, mais on les suppose sans pouvoir les expliciter.
Quelles que soient leurs croyances, les hommes constatent qu’il y a un au-delà du temps de leur existence. Selon leur éducation, ils croient que tout continue comme avant dans ce bas monde, où deux paradis, celui du pommier et celui des houris, leur ont été promis. Ou bien, toujours selon leur éducation ou leur réflexion, ils croient à une continuité permanente, au progrès auquel leur vie et leur esprit ont collaboré modestement. Dans le premier cas, il s’agit d’une croyance consignée dans les livres sacrés, dans le second cas d’une intuition. Celle-ci est confirmée par de nombreuses œuvres. Le mètre est une mesure arbitraire, le piano a été inventé en 1709 par Cristofori, mais les propriétés du triangle sont immuables et la musique romantique continue à émouvoir. La permanence est inscrite dans le devenir.
L’existence des êtres vivants dépend du temps, mais il n’en est pas moins probable que le temps dépende non des vivants, mais de la matière et, somme toute, de la nature. La différence est que les êtres vivants font leur temps, alors que la nature est le temps dans tous ses états : périodicité, instant, permanence. De là à penser que la nature pourrait être douée d’un esprit qui reste vivant lors de la mort des individus, des civilisations, des espèces et même des mondes, il n’y a qu’un pas à franchir.
N’est-il pas aberrant de croire que l’esprit s’éteint à jamais ? Cette dernière question pourrait d’ailleurs servir de preuve au postulat d’un esprit épars dans l’univers. Les rites, cérémonies et discours à l’occasion de la mort sont le signe d’une ancienne intuition, celle de la permanence du temps à travers les existences interrompues. On parle d’éternité sans savoir de quoi on parle, mais toujours sans manquer son effet.
C’est peut-être la vie, en naissant, qui a inventé la sensation d’un entourage permanent, mais il ne faut pas douter que la plus éphémère des particules ait non seulement son temps, mais aussi son existence. Depuis peu, on a inventé la notion d’antimatière. S’il est vrai qu’il n’y a pas d’existence sans esprit, l’antimatière a de l’avenir, à moins que la plus insignifiante des particules élémentaires ou son contraire soit, elle aussi, matérielle.
On suppose communément que l’univers entier ait un esprit ou ait été créé par un esprit, en dépit de la mort, de la maladie et des conflits dont sont affligés les pauvres humains. Que la nature ne soit pas équipée d’une conscience, nous le supposons, ce qui ne nous empêche pas de communier avec elle.
 
 
 
2. Inconnue
 
 
 
L’immensité de notre ignorance a ses limites ! Les milliards d’années qu’il a fallu pour en arriver aux connaissances actuelles en disent long sur notre petitesse et notre dépendance. En ce qui concerne la conscience universelle et l’intuition de l’univers ou de l’extrême opposé, elles ne font que pointer le bout du nez. Se faire une idée, même vide ou fausse, de son propre environnement, n’est qu’un début. Et ce qui est vrai à propos de l’extérieur l’est aussi de l’intérieur : accumuler les connaissances est signe d’érudition, c’est-à-dire de la plus vaine des cultures. Acquérir à force de méditation une culture en prise avec son objet naturel, voilà le but, mais il reste inaccessible à qui ne remarque pas son empreinte originelle.
La méditation n’est pas, en effet, le seul recours : elle ne tient pas lieu de création, mais s’approche dangereusement du rêve. Quand elle s’égare dans le vague ou le convenu, elle s’éloigne définitivement de la recherche, qui s’acharne le plus souvent sur une inconnue presque aussi ténue qu’un point, sur l’observation du ciel ou alors sur les séquelles d’une erreur. Il lui manque ce qui existait déjà, cette trace d’universalité qui se remarque à certaines occasions en chaque être doué de sentiments, par exemple quand un animal féroce se laisse caresser. La bête la plus répugnante et agressive exprime alors une solidarité inattendue. Mêlé aux circonstances de la vie, une sorte de consentement à l’existence et de sentiment d’appartenance se manifeste spontanément, malgré tous les désagréments. La vie va de soi, même pour un ver de terre.
Le désir de voyager ressemble à celui de sortir de soi. Rester dans le milieu de sa naissance peut en effet encourager, chez les personnes âgées, le déni de l’autre, du nomade, de l’étranger. Rester chez soi était pourtant le sort de grands esprits du passé, Kant par exemple. Depuis que les voyages et les vacances sont devenus banals, les autochtones représentent une curiosité exhibée par les reportages. Au lieu de sortir de soi, on s’étourdit d’électronique. On ne voit plus la réalité, on ne voit plus que son désir d’évasion, on ne cherche plus à voir. La croisière s’amuse follement. Les pays exotiques deviennent familiers : on y met en vitrine les mêmes objets pour touristes : gadgets, bidules, portables, coucous, animaux en peluche, poupées, foulards, nappes, clochettes, etc. Encore un exemple : la culture est-elle incarnée par des foules excitées qui ovationnent n’importe quelle prestation à la mode, avec force micros et décibels, à condition qu’elle soit étrange, dérangeante et exotique ? Sortir de soi, c’est s’ouvrir, non aux inanités du moment, mais à la joie de découvrir quelque chose par soi-même, à l’écart des distractions collectives.
Faut-il soupçonner que les peuples, pourtant pleins de bon sens, tiennent aux lubies du moment et que plus rien n’avance ? Les dernières nouveautés n’effacent pas l’exigence profonde de la découverte, de la création, mais avant tout de donner un se

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents